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Toujours plus vite, toujours plus loins

samedi 17 septembre 2011

Texte réadapté d’un article de « A toute allure », journal de la lutte du Val Susa contre le TGV Lyon-Turin. Comme quoi, nous affrontons une logique destructrice identique partout où le système capitaliste domine (partout dans le monde ?)

Dans ce coin du monde, on veut nous faire accepter la construction d’un nouvel aéroport. Un grand, un beau, tout écologique et créateur d’emplois, facteur de relance, fierté du « grand Ouest ». Un aéroport ! Oui, mais pour quoi faire ? Le plaisir de voyager, comme aventure et découverte, est une chose. La nécessité de se déplacer le plus rapidement possible en est une autre. Avions, TGV et autoroutes ne sont rien d’autre qu’une réponse à cette fausse nécessité  : celle de parcourir le plus grand espace en le moins de temps possible.

De quel espace et de quel temps parlons-nous ? Vite fait bien fait de Nantes à Berlin et de Berlin à Nantes, agrippé‑e à ses 24 heures, chacun‑e trouvera au lieu d’arrivée le même coca, le même sandwich et le même ennui qu’au lieu de départ. Avec le transport aérien, il est possible de rejoindre le même ennui, le même sandwich et le même coca en cinq heures plutôt qu’en douze, plutôt qu’en cent. Ben dites donc ! C’est ça le progrès sensé nous rendre bouche bée d’admiration ? On nous présente le gain de temps comme un besoin humain que chacun‑e devrait pouvoir satisfaire, mais pourquoi et pour qui gagner du temps ? Le temps est-il un bien qui se gagne ou se perd, et l’espace une étendue neutre à vaincre ?

Il ne s’agit pas uniquement des déplacements mais du rythme même de nos vies  : une accumulation de moments collés les uns aux autres, une course rapide et nécessaire. Parce qu’on n’a pas le temps, on doit tra‑ vailler, produire, toujours plus vite, pour que la machine capitaliste tourne, tour‑ ne. Et quelle place pour des pensées, des désirs ou des actes qui ne soient pas marchandises, qui ne soient pas calculables ?

C’est donc ça notre vie ? Il semblerait que oui. Paradoxalement il semblerait que c’est lorsque chaque instant est devenu égal aux autres, lorsque chaque lieu est devenu identique, que le fait de se déplacer le plus rapidement possible est devenu une conquête. On n’a finalement jamais été aussi perdu‑e‑s qu’avec le GPS  : on sait où l’on va mais on ne sait jamais où l’on se trouve. De même avec l’avion ou le métro  : on rentre à un bout, on ressort à l’autre et entre les deux, rien ! Un genre de téléportation.

On raserait des haies pour pouvoir bétonner à Notre Dame des Landes. On éventrerait le bocage, on dévasterait des jardins. On expulserait, on déplacerait des vies – comme si une terre en valait une autre. On dé‑ dommagerait – comme si l’enracinement dans un lieu valait de l’argent. C’est vrai, mais il y a plus. Les déplacements à grande vitesse ne sont pas seulement une attaque contre la vie de quelques bocages, mais une attaque contre le sens de la vie même.

Pour notre part, nous ne laisserons pas cet aéroport se construire tranquillement. Non pas parce que l’abandon de tel ou tel projet nuisible change fondamentalement les choses, mais dans l’espoir que cela contribue à entraver la machine capitaliste et le monde qui en découle.

source : le reveil