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Échos de l’audience en appel de Cyril à Rennes le 06 mars 2013

jeudi 7 mars 2013

Coupable ? Ou victime d’une manipulation policière ? Échos de l’audience en appel de Cyril à Rennes le 06 mars 2013

rédigé par Geneviève Coiffard-Grosdoy

Cyril est tailleur de pierre (il a aussi fait une formation en boulangerie), sans emploi à ce jour, originaire de la région, où il est né et a vécu, ; il habite la commune de A, ou il retape une maison, avec des amis qu’il héberge. Il est détenu depuis le 28 novembre 2012, jugé en comparution immédiate, et condamné en correctionnelle à Nantes : – pour violence contre les gendarmes sans incapacité de travail, – et violence avec arme contre un civil, M. G (3 jours d’ITT), – port d’armes (une sorte de fronde) – et attroupement à visage masqué ; condamnation à 10 mois de prison dont 5 avec sursis – interdiction de paraître en Loire Atlantique sauf dans sa commune de résidence, – interdiction de port d’armes. – Cinq autres personnes étaient en cause, seul Cyril a eu droit à comparution immédiate. L’opération lors de laquelle les faits se sont produits avait pour objectif, selon les gendarmes, de libérer les routes.

Cyril explique son appel par sa volonté d’obtenir la levée de l’interdiction de circuler en Loire Atlantique. Calme et digne, il reconnaît le port de masque, comme protection contre les lacrymogènes, un coup avec la ’fronde’ sur une personne en civil sans savoir que c’était un gendarme, un jet de bouteille en direction des gendarmes et un coup sur M. G qui le décrit comme ’très agressif’. Les gendarmes l’identifient comme ’un meneur’. Il se serait dit membre de l’ARB, et venu ’casser du gendarme’. Son casier n’est pas vierge...

Tout en semblant admettre que se dissimuler le visage peut effectivement avoir l’objectif de se protéger, l’Avocat Général maintient la caractérisation d’attroupement à main armée et s’attache à justifier qu’il faut retenir l’’élément intentionnel’ : il voulait se faire du flic... les interpellations ne visent pas quelques traînards... elles visent les meneurs, les leaders, que les gendarmes sur place savent identifier sans erreur... On peut imaginer la sidération de Cyril quand il s’est rendu compte que ceux qu’il croyait ses camarades de combat étaient en fait des gendarmes, ce dont il a été tenu compte... mais il y a bien eu de la part de Cyril attaque sur M. G sans être en état de légitime défense, et jet de projectile ensuite sur gendarmes identifiables.

Puis une petite phrase : il fallait mettre un terme aux actions du 26 novembre... (par cette affirmation proprement stupéfiante, est-il en train d’expliquer qu’il fallait faire un exemple ?) Et pour cette peine prononcée dans une audience au rabais (comparution immédiate), dictée, de son propre aveu, par le contexte (et non pas seulement par les faits concernant Cyril), l’Avocat Général demande à minima la confirmation des peines, avec maintien en détention.

Ce que Maître Fabrice Petit, avocat de Cyril, de Nantes, pointe immédiatement ; bien a-delà des histoire de brassards mis un peu plus tôt ou un peu plus tard, il place d’emblée sa plaidoirie au niveau global, et demande si l’institution judiciaire a fonction de maintien de l’ordre : au-delà de Notre Dame des Landes, il existe un problème de statut des opposants politiques dans notre pays : depuis des années, la criminalisation est la règle dans les conflits sociaux (ogm...). Les tribunaux sont-ils donc le bras armé de cette répression décidée pour des raisons politiques ? Il souligne ensuite les lacunes des audiences en flagrant délit : dans celle-ci n’ont été entendus que les gendarmes : il tient d’autres témoignages à la disposition du tribunal.

Car il revient maintenant sur les faits, et raconte maintenant une toute autre histoire : il y avait une centaine de personnes autour des barricades (branchages) ; ces dernières n’empêchent pas la circulation, ce sont les policiers qui ont décrété l’impossibilité de circuler. Les moyens de ces derniers sont énormes en nombre. En plus des gendarmes en tenue, identifiables, il y a les infiltrés, une dizaine, déguisés en manifestants (masques, armes -cailloux- en main...) qui se sont chargés, selon des témoignages concordants, d’aller chercher et de rameuter des opposants (à la Vache Rit et d’autres lieux) : « la troupe va charger, il faut aller aider les copains... ». Cyril y va pour protéger ses camarades. Avant l’intervention des infiltrés, il y avait certes des barricades, mais çà se passait bien. Les propos de M. L’Avocat Général semblent indiquer bien peu de connaissance de sa part des conditions d’une manifestation : bruit, lacrymos, sommations inaudibles...

Maître Petit pose le problème de la légitimité d’’infiltrer’ des manifestations, il souligne combien à minima cette pratique devrait être encadrée. D’autres problèmes : un film et des photos ont été confisqués par les gendarmes, ils auraient pu servir de preuve sur les faits. Une photo a été sauvée, que Maître Petit produit, sur laquelle les policiers infiltrés sont parfaitement identifiables dans l’accoutrement qu’ils ont eux-mêmes décrit, sans brassard ou autre identifiant de leur appartenance aux forces de l’ordre.

Les propos qu’on prête à Cyril sur l’ARB (dissoute depuis des dizaines d’années) et sur le cassage des flics sont pure imagination, l’importance pour lui de la levée d’interdiction de circuler en Loire Atlantique est primordiale, cette interdiction a pour but d’alimenter la fable que les opposants au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes ne sont pas de Loire Atlantique, qu’ils sont des étrangers venus de l’extérieur.

Concernant le casier de Cyril, Maître Petit évoque avec sobriété des faits qui n’auraient, affirme-t-il, jamais dû faire l’objet de condamnation.

Malgré tout ce qui a été mis en évidence sur ce qu’il faut bien appeler une manipulation, la conclusion tombe comme un couperet : délibéré à 4 semaines (début avril) avec maintien en détention, ce qui condamne de fait Cyril a faire ses cinq mois de prison.

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