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Prise de parole pour les 3-4 août 2013 à partir du mouvement d’occupation

mardi 6 août 2013

L’ouverture du forum « On ne lâche rien ! Ni ici, ni ailleurs ! » organisé par la Coord’ a commencé avec des prises de parole notamment des organisateurs, de l’ADECA, d’occupant-e-s de la ZAD, de COPAIN et de Sème ta ZAD.

Voici celle qui a été dite à partir du mouvement d’occupation.


On va tenter de dire une parole à partir du mouvement d’occupation. On ne représente pas le mouvement d’occupation, qui est plus que jamais multiple et diversifié.

Ici sur la ZAD, nous sommes un certain nombre à avoir choisi d’occuper terrains et maisons menacées par le projet d’aéroport depuis 2007 suite à l’appel d’un groupe d’habitant-e-s. Nous avons choisi d’être présent-e-s pour tenter d’entraver chaque étape du projet : travaux préliminaires, consultation publique, procédures d’expropriation et d’expulsions. Mais aussi d’y tisser des liens avec les habitant-e-s du coin, d’y expérimenter des formes de vie et de solidarité en rupture avec celles que le capitalisme nous impose.

Pour nous ce projet d’aéroport et ses enjeux s’inscrivent dans un cadre qui dépasse largement le territoire de la ZAD et des communes environnantes. Ce projet est un outil parmi d’autres de la logique globale du développement des infrastructures capitalistes qui détruisent des terres et des vies. Il faut dépasser la distinction fictive entre local et global. Fictive au sens où il n’existe quasiment plus aucun lieu sur cette planète qui ne soit connecté aux flux mondialisés d’énergie, de marchandises, de capitaux, d’information... Un aéroport, une ligne haute tension, une autoroute, une ligne grande vitesse, un supermarché, c’est la concrétisation faite de ciment, d’acier et de flics de la logique d’aménagement et de contrôle de la société capitaliste.

Ce n’est pas que pour la ZAD menacée par le bétonnage que nous luttons, c’est pour toutes les zones périurbaines à travers le monde entier qui subissent l’extension des métropoles, les campagnes qui sont envahies par les autoroutes et les centres commerciaux, les centres villes qui sont vidées des populations pauvres reléguées en périphérie.

Ici comme ailleurs, une poignée de gens dans une tour à bureaux ont décidé que la vie des quelques habitantes de la zone ne valaient rien, ou en tout cas moins qu’un aéroport. Ces habitant.e.s qui vivent ici depuis des années ont maintenant bien conscience de la violence des outils démocratiques dont se sont dotés l’état et les collectivités locales pour arriver à leurs fins : des mascarades d’enquêtes publiques où tout est décidé à l’avance aux procédures judiciaires sous couvert de déclaration d’utilité publique, en passant par les harcèlements et pressions psychologiques en tout genre.

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En octobre 2012, le gouvernement a décidé d’expulser les habitant-e-s illégaux. Une vague de gendarmes mobiles s’abat sur la zone, détruisent la plupart des maisons, des cabanes, ainsi que des terrains occupés dont la ferme maraîchère du Sabot. Ils pensent nous expulser en 3 jours mais la résistance s’organise la bataille dure pendant des semaines. Alors s’organise une solidarité comme ne nous l’avions pas imaginée : des personnes inconnues ou camarades nous rejoignent sur place, offrent leurs services ou de la nourriture, construisent des barricades ou affrontent les flics. D’autres organisent des actions et des manifestations près de chez elles, créent des myriades de comités locaux.

Le 17 novembre 2012 a lieu la manifestation de réoccupation. L’idée de cette manifestation avait germé plus d’un an plus tôt suite aux menaces d’expulsions qui se précisaient. Il s’agissait de reprendre l’initiative après une période qui s’annonçait difficile et incertaine. Elle a montré notre détermination a rester malgré la pression policière. La manifestation a rassemblé près de 40 000 personnes, beaucoup de motivation, de matériel et a notamment abouti à la construction d’un nouveau lieu collectif.

A partir de ce moment, malgré une présence policière quasi constante, un grand nombre de personnes continuent à arriver pour occuper et de nombreux nouveaux lieux voient le jour.

En avril 2013, la manifestation Sème ta ZAD a relancé différents projets agricoles sur la ZAD, qui nous permettent de construire une plus grande autonomie.

Nous partageons des savoirs-faire autonomisants pour réduire notre dépendance vis-vis du travail salarié et du système marchand. Des ateliers mécanique, des cantines collectives, des infokiosques, des formations médicales, et bien d’autres choses encore.

Ca fait pour beaucoup d’entre nous partie des nombreux moyens de résister aux bétonneurs, avec par exemple de saboter des travaux préliminaires ou bloquer l’accès aux travailleurs et aux forces de l’ordre à la solde du projet. Ainsi, en juin, les porteurs du projet n’ont pas pu mener leur énième campagne de forages à leur terme : non seulement l’un des lieux où illes avaient prévu des forages était piégé avec du fumier, barricadé et défendu, mais tous les forages réalisés sur d’autres lieux ont été sabotés.

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Aujourd’hui on a la sensation d’avoir gagné une partie de la bataille car l’ampleur qu’a pris cette lutte a déstabilisé le projet. On imagine que les porteurs du projet cherchent le meilleur moyen de retomber sur leurs pieds, que ce soit abandonner le projet, le continuer ou le modifier. Mais en tous cas en trouvant une bonne excuse pour ne pas perdre la face.

Cependant, le projet est toujours là et des travaux ont lieu régulièrement. L’entrave à l’avancée du projet par tous les moyens qu’ils soient légaux ou illégaux peut constituer une force d’opposition qui rassemble paysan-ne-s, habitant-e-s et occupant-e-s autour d’un objectif commun : l’arrêt immédiat du projet.

Nous ne devons pas oublier que des camarades se battent partout dans le monde contre d’autres projets et l’uniformisation et les dominations imposées par le capitalisme et les états.

Ce qui s’est passé sur la ZAD a permis de visibiliser les enjeux des luttes locales. Ce qui s’est fait ici a commencé à se propager et permettra peut-être de montrer que la force collective et la solidarité sont des outils simples dont chacun-e peut s’emparer.

Comme on disait si bien le 17 novembre, notre rêve, c’est que tous les ami-e-s d’ici et d’ailleurs ramènent chez eux un peu de la détermination qui est née dans ce bocage. Que cette lutte nourrie par celle du Val di Susa comme par celles de Plogoff et du Larzac, renforce à son tour d’autres combats partout dans le monde des lutte contre les lignes THT en France à celles contre l’édification d’un barrage au Bresil.

Nos révoltes ne se limitent pas à Notre-Dame-des-Landes et à son aéroport. Pendant que les caméras et l’attention se focalisent ici, ils continuent d’expulser et de bétonner ailleurs, tous les jours, en silence... L’Etat oppresse, enferme, réprime partout, tout le temps. Il est confortable de fermer les yeux, facile de se résigner, mais indispensable de se révolter. Partout, pour contrer tous les Césars qui veulent aménager nos vies et nos territoires, continuons de construire des foyers de résistance irréductible.

Ici comme ailleurs, défendons nos rêves et cultivons nos révoltes.

Vinci dégage, résistance et sabotage !