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Manifestation du 22 février 2014 à Nantes contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes L’État avait choisi la stratégie de la tension

vendredi 28 février 2014

Par de multiples signes, dès les préparatifs de la manifestation du 22 février, l’État avait affiché la couleur ; a fortiori pendant le déroulement de la manifestation. La gestion par l’État des manifestations sur la voie publique ne procède pas d’un à-peu-près : depuis longtemps, des techniques éprouvées ont été mises en place, des manuels publiés à usage interne des services concernés. Chaque orientation dans le choix des dispositifs ou dans les négociations avec les organisateurs des défilés indique l’attitude de l’État, conciliante et portée au compromis ou intraitable.

C’est bien une attitude intraitable qu’a prise la préfecture de Loire-Atlantique dans des négociations interminables avec les organisateurs. À ce propos ces organisateurs émanaient des différentes tendances présentes dans le mouvement qui ont su au fil des mois et des années discuter et contribuer collectivement aux échéances cruciales – cohésion dont témoignera le communiqué publié le 22 au soir après “les évènements” (cf. le site zad.nadir). Premièrement, la préfecture a exclu du parcours le cours des Cinquante otages qui est un classique de toutes les manifestations du mouvement social depuis des lustres, soi-disant pour protéger le centre ville des “casseurs” – on a vu qu’il n’en a rien été !

Deuxièmement, la longueur d’un parcours est fonction de l’affluence estimée à l’avance ; même si les organisateurs eux-mêmes ont pu être surpris, à quelques dizaines de milliers près, du succès de la mobilisation (ils espéraient plus de 20 000, nous fûmes certainement plus de 40 000 - et 500 tracteurs agricoles venus aussi des départements limitrophes. Les services de renseignement intérieurs savaient par exemple le nombre de bus qui convergeraient sur Nantes ; il y en a eu plus de 60 - la DCRI avait téléphoné à des transporteurs). Il s’agit donc bien d’un choix délibéré de cantonner une grosse manifestation sur un petit parcours amenant le début du défilé à piétiner, très tôt, à la fin du parcours, devant les grilles qui barraient le cours des Cinquante otages.

Troisièmement, tout au long du parcours les dispositifs anti-émeutes ont été installés à chaque coin de rue, au contact de la manifestation ; là aussi c’est un classique qui, justement, n’a pas été observé : les barrages sont en général installés au coin de rue précédent, en retrait.

Quatrièmement, le départ du cortège ayant été donné à 13h00, sa fin ne s’est ébranlée que 2 heures plus tard. Mais dès 15h30, donc bien avant le moment de la dispersion qu’on associe en général à un certain délai après l’arrivée de la fin du cortège, les forces de l’État, en bas du cours des Cinquante otages, ont tiré des salves de grenades lacrymogènes sur une foule bigarrée où ne figuraient que quelques dizaines de lanceurs de canettes mais aucun Black Block. La foule déjà manifestait une résistance à ces injonctions armées à s’éloigner.

Cinquièmement, après la dispersion du cortège, le centre-ville a été couvert de gaz lacrymogènes avec au moins une situation où de “simples” manifestants et des passants se sont retrouvés cernés – les manuels théoriques de maintien de l’ordre indiquent pourtant que pour éviter panique ou rage il convient que le dispositif policier laisse une issue de sortie -, et ont pu se réfugier dans le magasin des “Galeries Lafayette » réouvert par le personnel peu après le moment de la fermeture (témoignage fiable recueilli).

Rien d’étonnant donc que cette manifestation chauffée à blanc par l’attitude de l’État ait pu contenir, comme des poissons dans l’eau, des groupes incontrôlés. Du fait que les organisations historiques de l’opposition au projet d’aéroport (ACIPA, ADECA) ont tissé des complicités croissantes avec la jeunesse frondeuse qui est venue occuper depuis 2009 la ZAD, l’État les met de manière croissante dans le même sac : l’État n’a pas dès lors garanti le droit à manifester, il a tout juste toléré, dans des limites étroites, la présence du mouvement d’opposition à l’aéroport à NANTES, ville du Premier ministre. L’État a bien considéré ce mouvement comme un ennemi. Les soi-disant précautions prises pour éviter le saccage dans le centre ville avaient surtout pour fonction d’indiquer aux manifestants qu’ils étaient en territoire hostile. Le vandalisme dans le centre-ville aura pu donner un avant-goût aux “braves gens” de la violence que serait le saccage du bocage (par les engins de chantiers et les bétonneuses) ; à cette différence près que le saccage du bocage (paysage ô combien poétique) serait, lui, irrémédiable.

Le 25 février 2014 T. (qui a quitté le centre ville vers 17h)