Zone A Défendre
Tritons crété-e-s contre béton armé

Accueil > Textes > Témoignages > Un récit de la manif du 22 février à Nantes

Un récit de la manif du 22 février à Nantes

mardi 4 mars 2014

"Je me suis rendu à la manifestation du samedi 22 février dernier à Nantes depuis une autre région de France, pour apporter ma voix et ma présence contre le projet d’aéroport de NDDL, projet stupide et imposé, absurde et dangereux, coûteux et dépassé, en un mot : indéfendable. Je me suis joint aux nombreuses et diverses personnes réunies ce jour-là, circulant joyeusement entre ambassadeurs des espèces animales menacées, chanteurs, familles et cortèges des régions venues manifester leur solidarité à la ZAD et d’autres mondes possibles.

Je n’ai pas été surpris des déploiements policiers, juste encore une fois écoeuré de la vitrine « bleu marine », de ce théâtre répressif bien rôdé qui semble être la seule posture restant aux pouvoirs publics, une fois démasquées les impostures des « débats publics », une fois refusé le droit de manifester dans les lieux historiques de contestations populaires (ici le centre-ville), une fois encore méprisée la population usant de son droit d’association et d’expression. Qu’importe pensais-je, les gens ont les médias parler de « violents casseurs » qui après tout ont fort bien ciblé leurs attaques. Il y avait à Nantes ce jour-là une immense fête populaire, et les violences « légitimes » de votre « état de droit » ne pourront pas éteindre notre rage. Vous avez prouvé encore une fois la profondeur de votre mépris envers nous, tou-tes les solidaires des paysans, des espaces agricoles et naturels menacés, des espèces menacées ou quasi-éteintes, désireux de connaître et défendre la vie contre votre dogme, ce cauchemar capitaliste industriel que vous pensez pouvoir imposer, ici et là-bas. l’air à la fête malgré cette nouvelle illustration d’un déni profond de démocratie. Habitué des manifs et de la répression, je n’ai pas été surpris lorsque ces hommes aux sombres uniformes et lourdement armés ont fait usage de leurs armes sur l’ensemble des manifestants, répandant des nuages de gaz sur toutes et tous, quelque soit l’âge ou la « ligne » où il-les se trouvaient. Pour l’argument de la répression ciblée sur les « ultras » des « blocks », on repassera. Je n’ai pas tout vu des violences, évidemment, la tension et la confusion ne me permettant pas de m’y retrouver dans cette ville quadrillée. Ayant perdu mes amis, je me suis mis à leur recherche et ai quitté ce grand carrefour tendu (square daviais ?) pour rejoindre une autre partie de la manif. C’est à ce moment-là que j’ai été blessé au visage par un tir policier. J’ai regardé un barrage policier quelques instants en passant, et ai juste eu le temps d’apercevoir une cartouche, j’imagine de lacrymo, tirée en tir tendu d’une vingtaine de mètres environ. Je l’ai vraiment bien vue arriver, comme au ralenti : celui qui a tiré visait mon œil droit. Je n’ai pas eu le temps de l’éviter, évidemment, mais ai eu la « chance » de la recevoir dans l’arcade, et pas l’œil : juste à 1 ou 2 cm. J’ai chopé quelqu’un par la main, en lui demandant de m’emmener à l’équipe médicale la plus proche trouvée en moins de 2 minutes, un très grand merci à eux et aux deux anges gardiens. Un temps de soin plus tard (suture par strip), j’ai eu confirmation que l’œil n’était pas directement touché. Je suis retourné auprès de ce grand rassemblement de manifestants en colère, encore plus remonté contre la violence de ce système, apprenant ou voyant autour de moi d’autres blessé-es.

La fête s’est terminée, chacun-e est rentré-e chez soi, en se remerciant, s’encourageant et se donnant rendez-vous àbientôt et à toute tentative d’expulsion de la zad ou de passage en force par le gouvernement sourd et aveugle au bon sens et au respect de la parole populaire exprimée encore une fois ce samedi.

Une semaine a passé, j’ai pu retirer le pansement et réalise que si l’œil n’est pas apparemment blessé, j’en garde pourtant une gêne visuelle marquée par la persistance de traces floues dans le champ de vision, une légère douleur associée à certains mouvements de l’œil, et une fatigue prononcée de ce même œil. Sans doute un effet du choc et/ou de la brûlure par la grenade tirée à pleine vitesse dans l’arcade.

Quentin, je pense à toi, et aux autres blessés. Je ne peux pas me plaindre comme j’ai gardé mes deux yeux. Mais je suis victime de la même chose que toi : une volonté policière, préfectorale, politique, de démobiliser les manifestants par des violences disproportionnées et indiscriminées dès que cela est possible, une stratégie de menace envers chacun-e dans son intégrité physique : la terreur légitime d’Etat.

Au préfet, à son ministre, à leurs agents : J’étais venu pour clamer joyeusement mon opposition au projet, je repars blessé mais encore plus déterminé par cet épisode. Je sais encore un peu plus à qui et quoi j’ai affaire lorsque je croise les uniformes de votre police, lorsque j’entends les médias parler de « violents casseurs » qui après tout ont fort bien ciblé leurs attaques. Il y avait à Nantes ce jour-là une immense fête populaire, et les violences « légitimes » de votre « état de droit » ne pourront pas éteindre notre rage. Vous avez prouvé encore une fois la profondeur de votre mépris envers nous, tou-tes les solidaires des paysans, des espaces agricoles et naturels menacés, des espèces menacées ou quasi-éteintes, désireux de connaître et défendre la vie contre votre dogme, ce cauchemar capitaliste industriel que vous pensez pouvoir imposer, ici et là-bas.

Camille"