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Deux ans après le départ des flics – point sur quelques grandes dynamiques à l’œuvre sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

mercredi 1er avril 2015

En avril 2013, les flics ont levé leur occupation permanente de la ZAD. Depuis deux ans, on essaie de s’organiser sur la zone en étant libérés de l’urgence de répondre à la présence policière, mais aussi de l’ennemi commun qui avait fédéré le mouvement pendant l’opération César. Voici un bref aperçu de quelques dynamiques marquantes de ces deux dernières années et de ce qui nous occupe en ce moment.

Vivre du commun sur la ZAD : « grands moments » et chantiers collectifs

La résistance à l’opération César a rassemblé sur la ZAD des gens venus d’horizons très différents : des fermes de campagne aux rues des villes, des luttes sociales à l’écologie radicale, de l’opposition citoyenne à l’action directe. Cette diversité de cultures et de pratiques a contribué à faire la force de notre résistance face aux flics. Mais une fois l’urgence passée, apprendre à vivre et à lutter ensemble n’a pas toujours été facile.

Cette année, une dynamique de réflexion sur nos structures collectives à l’échelle du mouvement d’occupation de la ZAD a eu lieu avec plusieurs « grands moments » où tou-te-s étaient invitées à pointer les points positifs et négatifs de nos pratiques et structures communes, puis à tenter de répondre aux manques identifiés ensemble. Cette dynamique s’est un peu essoufflée, mais n’a pas été vaine. Concrètement, elle a relancé les rencontres hebdomadaires des occupantes et lancé des chantiers collectifs mensuels pour se retrouver autour de travaux d’intérêt général pour la ZAD et partager des moments collectifs hors réunion. Les premiers chantiers ont porté sur le nettoyage et la gestion des déchets, puis sur la réfection d’un chemin.

Continuer à porter la contestation en ville et dans le bocage : manifestations et répressions

Si la présence policière n’est plus quotidienne, les autorités ne lâchent pas pour autant. Plusieurs tentatives de travaux sur la ZAD préliminaires ont été déjouées : forages et relevés hydrologiques sabotés ou bloqués ; creusement de mares de compensation empêchées. Suites aux pressions incessantes qu’illes subissent, plusieurs habitants légaux de la ZAD ont laissé leur maison à AGO. Toutes ces maisons et fermes ont été immédiatement réoccupées et défendues.

En février 2014, alors que l’État et les pro-aéroports menaçaient de passer de nouveau en force, l’ensemble du mouvement d’opposition à l’aéroport a appelé une grande manifestation dans les rues de Nantes. 50 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Nantes, accompagnées par plus de 500 tracteurs. Mais des centaines de flics étaient là pour mettre Nantes en état de siège et de guerre civile et mutiler à vie et blesser gravement des dizaines de manifestant-e-s. Les autorités ont orchestré un battage médiatique pour tenter de criminaliser la manifestation face auquel le mouvement a su rester uni.

Depuis, la répression policière n’a pas cessé de s’intensifier : des dizaines de personnes ont été arrêtées pour leur participation à la manifestation du 22 février. Plus tard, les rassemblements et manifestations contre les violences policières qui ont eu lieu après l’assassinat de Rémi Fraisse par les flics à l’automne 2014 ont confirmé ce tournant répressif : il n’y a plus une manifestation sans arrestations, avec souvent du sursis ou du ferme à la clé.

Cultiver la ZAD et nourrir les luttes

Dès la fin de l’opération César, la manifestation Sème ta ZAD (avril 2013) a lancé une dynamique d’occupation des terres et de cultures collectives sur la ZAD. Plusieurs actions d’occupation par des semis collectifs ou des plantations de haires ont été appelées conjointement avec les paysan-ne-s installées sur la ZAD et aux alentours pour reprendre des terres qui étaient mises en « zone travaux » AGO (Aéroports du Grand Ouest, société concessionnaire du projet d’aéroport) ou attribuées à des agriculteurs qui collaborent avec le projet.

En 2014, on a cultivé du blé, des céréales et légumineuses variées, des haricots secs, des oignons, du sarrasin et des patates. Plusieurs jardins collectifs produisent des légumes ; un verger a été planté. Un groupe s’occupe de quelques vaches laitières et de la transformation en fromage blanc, yaourt, beurre et fromage ; d’autres d’un troupeau de vaches à viande, d’un troupeau de moutons et de quelques chèvres. Nos productions alimentent un « non marché » hebdomadaire à prix libre sur la ZAD, mais aussi des comités de soutien alentour et le soutien à d’autres luttes (lutte des migrants à Calais, ZAD du Testet, luttes sur le logement à Nantes). Tout ça n’aurait pas été possible sans l’aide précieuse des paysan-ne-s en lutte contre le projet d’aéroport de la ZAD et des alentours.

Pérenniser l’occupation et reconstruire en dur

Des discussions on lieu sur l’envie de penser l’occupation à long terme et de reconstruire des « vraies maisons » en dur. Une série d’assemblées ont permis de s’organiser collectivement autour de l’enjeu du bois, autant pour le bois de chauffe avec la réouverture d’un ancien chemin que pour le bois d’œuvre pour lequel des chantier de coupe ont commencé cet hiver. Une scierie mobile viendra cet été transformer ces arbres en poutres et planches pour divers projets de construction.

Penser l’avenir à long terme

Depuis l’an dernier, plusieurs initiatives émergent pour imaginer un futur désirable pour la résistance à Notre-Dame-des-Landes si l’on réussissait a faire échouer le projet. Parmi leurs préoccupations communes, celle de vouloir prendre de l’avance pour ne pas tomber des nues une fois la DUP abrogée et le projet officiellement abandonné. À ce moment-là, il nous faudra, en tant que mouvement, faire face à l’inévitable volonté de normalisation des pouvoirs publics, notamment en ce qui concerne deux aspects fondamentaux de ce qui fait la vie sur la ZAD : la question de l’habitat et des constructions, la question des terres agricoles et de leurs usages.

Pour commencer à avancer sur ces questions, plusieurs initiatives ont eu lieu : un cycle de discussions sur le foncier a réuni des occupant-e-s et des paysan-ne-s. Des rencontres avec d’autres luttes enracinées ont eu lieu pour partager des expériences de résistances sur le long terme. Un moment de débats sur les formes juridiques possibles après l’abandon du projet d’aéroport et l’abrogation de la DUP.

Enraciner les luttes

Cet aperçu de deux ans de vies et de luttes sur la ZAD ne peut être que partiel. Mais on espère qu’il vous donne tout de même un aperçu de ce qui nous occupe : une volonté de ne pas laisser se refermer cette « zone de non droit » riche en possibles et au contraire de profiter du calme relatif pour enraciner les luttes sur le long terme dans le bocage de Notre-Dame-des-Landes et approfondir nos liens avec celleux qui luttent ici et ailleurs.