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Refus de se soumettre au prélèvement ADN

vendredi 12 juin 2015

Mercredi 10 juin, R. était convoqué par le tribunal de Nantes. Les faits reprochés : refuser de se soumettre au prélèvement ADN. Il a déjà été condamné à deux reprises pour les mêmes faits à plusieurs mois de prison avec sursis.
La défense est un refus de principe, une plaidoirie contre le fichage généralisé. Quand la procureure propose l’alternative des travaux d’intérêts généraux, R. refuse. La procureure demande, « j’en suis navrée » dit-elle, un mois de prison ferme. Décision rendue publique le 24 juin.

Juge : Frédérique Piteux
Assesseurs : Jean Ravon, Godefroy de Mesnil du Buisson
Procureure : Charlotte Gazzera

Dans cette affaire il n’y a pas d’autres faits reprochés, pas de délits initiaux qui sont tombés au cours de la procédure et un refus d’ADN (classique délit de garde-à-vue) qui persiste. Il faut savoir que le refus d’ADN est un « délit permanent », que les flics ont le droit de demander son ADN à toute personne condamnée dans les douze mois suivant le jugement. C’est cette opportunité qu’ont saisi les gendarmes de Chateaubriant pour harceler R., le convoquer plusieurs fois à la gendarmerie, puis l’arrêter à son domicile à 7h50 le 11mars dernier, le pousser encore une fois à refuser le prélèvement ADN.

R. profite du temps de parole que la juge lui donne pour dénoncer le profilage, qui est fait de lui par les service de renseignements, de « militant violent » étiquette Notre-Dame-des-Landes, et pour prendre malicieusement à partie Thierry Robin présent dans la salle, petit chef local de la DGSI.
Pour dénoncer les conditions de sa garde-à-vue à Chateaubriant durant laquelle il a été menotté à un panneau routier indiquant d’une part « Fleury-Mérogis 350km » et de l’autre « prison de Nantes 60km ». Juste pour rire, lui ont-ils dit.

Sa compagne est entendue comme témoin. Elle dénonce la disproportion de l’arrestation. La juge lui reproche de s’y être interposée, en demandant aux gendarmes de lui présenter les papiers leur donnant le droit de s’introduire dans sa maison et d’arrêter R.. Du délire ! Elle ajoute aussi son refus face au prélèvement ADN de R., car donner son ADN reviendrait à ficher l’ADN de leurs deux enfants.

La procureure fait sa réquisition : elle rappelle à R. que le tribunal n’est pas l’endroit pour parler de politique... elle aurait demandé des TIG « pour réintégrer R. dans le contrat social », la prison ferme selon elle n’a « pas de sens » dans le cas de R., mais elle se voit « contrainte », dit-elle, à demander un mois de prison ferme. Ceci sans parler des mois de sursis qui planent sur la tête de R..

L’avocat, Stéphane Vallée, rappelle gentiment à la procureure qu’elle aussi fait de la politique, et vient de faire un acte éminemment politique en requérant de la prison ferme pour refus d’ADN alors qu’elle a bien d’autres possibilités. Il rappelle la participation active de R. dans le milieu associatif local.
Il se base sur l’article 8 de la CEDH (Convention Européenne des Droits de l’Homme) qui dit que pour atteindre à la « vie privée » d’une personne (ce qui est le cas d’un prélèvement ADN) la police a besoin d’une condamnation, qu’il est question de PROPORTION et de nécessité. Sa plaidoirie va beaucoup insisté sur cette question de proportionnalité et de disproportion.
Il rappelle les faits des trois condamnations inscrites au casier de R., des trucs à la con cachés sous un vocabulaire juridique diabolisant.
Il condamne ce petit jeu du « délit permanent », combien de temps ça va durer ? Vous allez le condamner et lui redemander son ADN dans 4mois c’est ça ?! Il rappelle que R. a déjà été condamné pour refus d’ADN il y a un an, c’est sur cette condamnation que les flics se basent pour s’octroyer le droit de lui redemander son ADN, et que son refus du 11mars dernier est en réalité le même qu’il y a un an... En gros, « juge ! Vous l’avez déjà condamné pour le même refus » . Du non-sens. Il demande la relaxe.
Il rappelle que dans le passé (sa deuxième condamnation pour refus), un gendarme était venu au domicile de R. pour le conduire à la gendarmerie, il avait refusé, le gendarme était revenu avec une convocation au tribunal. Basta. Ca veut dire quoi cette arrestation matinale à domicile, Taser aux poings devant les enfants ?! Il dénonce le « fichage de classe » : « Qui est-ce qu’on fiche ? On demande tous les jours leur ADN aux personnes soupçonnées ou condamnées pour des délits de droits communs, mais jamais aux délinquants aux cols blancs ». Il s’adresse alors aux juges « Vous les cols blancs, pas de souci. Et Vous, Monsieur R., on te fera pas de cadeaux ! ».
Il rappelle que R. n’est pas le seul à s’opposer au fichage ADN. Il cite une chercheuse de l’INSERM selon qui les segments d’ADN prélevés aujourd’hui par la police permettent de savoir l’origine ethnique de la personne, ses pathologies, etc.. Alors que l’article 53-54 du Code Pénal (qui encadre le prélèvement ADN-texte datant de 2003) dit explicitement que le prélèvement ADN doit concerner exclusivement des « segments non-codants ». Or aujourd’hui les segments prélevés sont plus bavards qu’il y a 12ans. « Un pacte violé. Un verrou qui n’existe plus ! » Il martèle que les prélèvements ADN effectués de nos jours sont illégaux !
C’est alors qu’il cite le serpent Kaa dans Le Livre de la Jungle « Ayez confiance ». Alors qu’on sait que la police française partage ses fichiers avec d’autres États. Qui sait ce que pourraient faire des États peu scrupuleux du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) ?
Enfin il cite un de leur confrère magistrat à Créteil qui dénonce la dérive du FNAEG vers le « fourre-tout ». Pour dire que l’opposition au fichage ADN n’est pas un « fantasme de gauchiste », mais devrait être « une préoccupation citoyenne ».

Une conclusion qui laisse la voie libre à R. pour les « derniers mots ». Cette fois personne ne lui dira « ce n’est pas le sujet » ou « le tribunal n’est pas une tribune politique ». Il enchaîne les juges, déjà assommés par Vallée, et c’est le K.O ! La cour se retire.

CARILA / Legal Team Zad