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Récits du convoi avec la CAP sur la COP NDDL - Paris

jeudi 26 novembre 2015

Samedi 28 – Le banquet des communes libres face à Versailles

On pensait que le départ serait un casse-tête : sans que le soleil soit levé, après quelques heures de sommeil, avec toutes les nouvelles personnes qui nous avaient rejointes pendant la nuit et les voitures garées partout dans Emancé… Mais la détermination à aller jusqu’au bout nous tient et prend le pas sur l’inertie au démarrage qui menace tout grand groupe. Le convoi n’a jamais roulé aussi vite et bien ! A un moment donné, nous prenons la 4 voies, devancé-e-s et suivi-e-s par une escorte policière. Les gendarmes et leurs donneurs d’ordre semblent avoir pris acte du fait que nous ne nous laissions pas intimider. A un moment donné, le gouvernement a sans doute calculé que nous laisser continuer, en tout cas jusqu’à Versailles, était sans doute un moindre mal, plutôt que de se lancer dans un nouveau rapport de force, de risquer de nous faire plus de publicité et de susciter des élans de solidarité. Nous sommes détournés de Rambouillet vers la N10. Nous longeons Rambouillet puis passons dans Saint-Quentin en Yvelines. Ce sont des un fiefs plutôt conservateur, mais où le convoi se fait néanmoins encourager par de nombreux klaxons et saluts. Le 4 voies est à nous, vide de notre coté et pleine de l’autre. On s’arrête en plein au milieu pour une petite pause. On repart en passant devant Saint-Cyr et quelques autres bâtiments officiels copieusement gardés. Au fur et à mesure que nous approchons, la présence des forces de l’ordre est de plus en plus dense, celle des caméras des médias aussi.

A 2km de la place d’armes, nous sommes attendus par les personnes du bus parti de Nantes tôt dans la matinée, entre autres. Le convoi fait halte et tout le monde continue à avancer ensemble à pied derrière une grande banderole sur laquelle une phrase de Shakespeare a été peinte pendant la nuit : « Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des rois ». A l’abord des édifices de la cour, un chant s’élève, repris en choeur, presque solennel : « fille de… » insolente complainte de gueux, paysan-n-e-s, aventurier-e-s, migrant-e-s, déserteurs-euses et de révolté-e-s de tous les temps. Nous faisons le tour de la place et entrons sur l’esplanade. Une dernière fois un rang de policiers cherche à nous contenir, en l’occurrence autour de la statue de Louis XIV. Mais nous continuons à avancer, et eux à reculer, jusque devant les grilles du château. Les tracteurs se mettent en rang entre nous et la police et des tables sont déployées en rond. De nombreux parisiens, à qui le rendez-vous de Versailles a été donné dans la matinée, arrivent avec une bouteille ou une tarte à partager. La place se remplit. Nous avons tenu notre pari. La cantine mobile du convoi, qui a cuisiné toute la nuit, a été rejoint par une autre cantine suisso-germano-néérlandaise. Ils et elles ont donné le meilleur d’eux-mêmes, multiplié les plats et il y a des montagnes de nourriture. Un ami nous raconte qu’au cours du 19e siècle, marqué par différents moments d’insurrection populaire et par une forte ébullition révolutionnaire, les réunions politiques publiques ont été régulièrement interdites. Afin de se retrouver malgré tout, et pour tromper la loi, les cercles subversifs organisaient alors de grands banquets. En ces temps d’Etat d’urgence, dont la prolongation pour 3 mois a justement été décidé dix jours plus tôt à Versailles, le banquet d’aujourd’hui leur fait écho.

Une déclaration finalede circontance a été discutée la veille, puis pendant la dernière étape du trajet, avec quelques échanges en cours de route ou aux pauses pour finir de s’accorder sur les mots. Au milieu du banquet, 5 personnes montent côte à cote sur un banc et se passent tour à tour à la parole pour revenir sur les forces multiples du mouvement qui ont rendu ce convoi possible. Elles parlent des raisons qui nous ont menées jusqu’ici, du chemin parcouru, de l’accueil inoubliable des comités. Puis la voix d’un paysan qui est venu en tracteur emplit la place et clôt notre prise de parole sous les hourras :

« C’est le 16 novembre 2015, depuis Versailles, que le sénat et le parlement réunis ont décidé de prolonger de 3 mois l’Etat d’urgence sous lequel nous vivons aujourd’hui. C’est au titre de l’Etat d’urgence qu’il a multiplié les interdictions de manifestation, les perquisitions ou les assignations à résidence de personnes qui préparaient notre accueil à Paris. Mais ces mesures liberticides ne pourront étouffer les voix de tous ceux qui considèrent que les logiques économiques et politiques actuelles nous mènent droit dans le mur.

En 1871, Les versaillais avaient écrasé la Commune de paris. Les zads sont aujourd’hui comme autant de nouvelles communes libres. Et nous affirmons ici que ces communes ne se laisseront plus expulser. Nous avons contenus les troupes policières à l’automne 2012, et avons mis en défaite les politiciens pro-aéroport. Nous les mettrons en défaite une nouvelle fois s’ils s’entêtaient à revenir dans le bocage de notre dame des landes. Il n’y aura pas d’aéroport, la zad continuera à fleurir.

C’est à l’été 1973 pendant le premier grand rassemblement de la lutte du larzac que Bernard Lambert, figure des paysans-travailleurs a déclaré « les paysans ne seront plus jamais des versaillais ». Avec les paysans venus de la zad nous sommes fiers aujourd’hui de faire résonner de nouveau ce message ici-même.

Ce banquet n’est que le point final des convois. Il se veux un appel à continuer les luttes de terrain, à Paris comme ailleurs, dans les semaines, mois et années à venir. »

D’autres voix se succèdent ensuite pour parler du Convoi de l’est, des forêts du Morvan, des terres de Bure, de Saclay ou des Lentillères….A l’issue du banquet, notre clown fait la dernière criée juché sur le toit de la remorque des toilettes sèches, avec la foule compacte d’un coté et la police de l’autre. Des dizaines de mots donnés par les participants sont lus et reflètent l’émotion euphorique qui nous a emporté sur la durée du trajet puis pendant cette dernière journée. Un mot sur deux finit par « je vous aime… ». Beaucoup plébiscitent toutes les équipes qui assuraient le fonctionnement et la cohésion du convoi : la logistique, la cantine, la com’, le groupe trajet et soirées. Des mots encore viennent défier les puissants de ce monde, leur troupes et l’état d’urgence. Et une petite inquiétude quand même : « Comment faire mieux que Versailles pour la poursuite de la lutte ? »

Parmi les participant-e-s au convoi, certaines retournent en bus à Nantes, d’autres repartent en tracteur, d’autres encore restent pour continuer les manifs, cantines et débats pendant la Cop 21, en dépit des interdits Tout le monde s’embrasse et chacun a le cœur gonflé à l’idée que le corps composite qui s’est agrégé pendant le convoi puisse se fragmenter. Des promesses sont faites : de repartir ensemble sur la route, de se retrouver pour une grande fête le 15 décembre, de se revoir outils en main fin janvier pour les chantiers de l’appel d’offres lancé par la Zad pour remplacer celui de la Préfecture…Les occasions ne manqueront pas et ce qui s’est vécu cette semaine a, à coup sûr, changé une nouvelle fois le visage du mouvement, ouvert de nouvelle possibilités, confiances et complicités.

// La gavotte finale

Il y a parmi nous deux compères qui ont fait la route ensemble en tandem, alors qu’ils se connaissaient à peine avant le départ, et qui ne se sont pas quitté d’une semelle. Dans la foulée de la criée, ils entonnent ensemble une gavotte :« c’est dans 10 ans les avions ne décolleront pas » le groupe reprend en chœur chaque fois un peu plus fort.. « Leur aéroport ils peuvent toujours l’rêver, chaque jour un peu plus on les fera cauchemarder » Tout le monde danse en cercle, corps à corps…Un ami nous interpelle : « Comment veux-tu que le pouvoir vienne à bout de personnes qui éprouvent une telle joie à lutter ensemble ! ».

Vendredi 27 – Coulomb/Emancé – le manège enchanté

Le lendemain matin, lors de l’assemblée, les nouvelles arrivées pendant la nuit nous laissent 2 alternatives : pédaler le plus loin possible et monter un camp de fortune en route ou faire une première étape courte dans les Yvelines jusqu’à Emancé. La seconde option est privilégiée, pour être sûrs de compter sur une base stable, et avoir plus de temps pour cogiter, quitte à se lever à l’aube le lendemain. Des coups de klaxon sur la route nous annoncent l’arrivée du convoi de l’est. L’assemblée s’interrompt et tout le monde se regroupe à l’entrée du camp pour aller les saluer.

Le passage dans les Yvelines se fait sans encombre si ce n’est pour la voiture-balai. Ce camion 9 places et remorques, maillon indispensable du convoi, partait vide chaque matin et arrivait bien souvent plein, avec à son bord les vélos cassés du jours et leur malheureux propriétaires. Et ce même si certain acharnés, après une crevaison, prenaient leur pneu dans le camion, le rustinaient aussitôt en route et remontaient en selle à la première pause. A la sortie d’Epernon, un gendarme pris d’un osbscur coup de sang se jette sur le capot de la voiture-balai sans explications. Il lui intime l’ordre de s’arrêter en tapant sur le capot et sur les vitres. La voiture balai refuse d’obtempérer. Il tente d’ouvrir ses portières sans succès. Lui et ses collègues bloquent le tracteur qui la suit. La nouvelle court de talkies, en cris et téléphones jusqu’à la tête du convoi qui s’arrête net, solidaire. Après quelques minutes, le tracteur est libéré et le cortège repart.

Nous arrivons chez notre paysan providentiel d’Emancé. Il devait, à l’origine, nous proposer un terrain et nous ouvre finalement sa cour et ses bâtiments agricoles. Peu après, c’est l’heure de la vente à la ferme. Toute sorte de personnes arrivent et nous proposent des logements. D’autres vont voir la maire du village, qui, réticente tout d’abord, accepte de nous laisser les clés du foyer rural pour un dortoir improvisé, à condition qu’il soit nickel le lendemain matin pour un tournoi de belote. L’équipe cuisine se retrouve invitée à préparer les plats du banquet dans un gîte installé dans un château du coin. Nous sommes de plus en plus nombreuses.Le tenancier d’une école d’équitation, située un peu plus loin dans le village, nous invite à venir faire l’assemblée chez lui plutôt que de rester dans le froid et l’obscurité. Nous nous retrouvons à 400, concentré-e-s et stimulé-es, dans un fabuleux manège à chevaux assis sur le sable, debout ou plus haut sur les rambardes. Ce décor théâtral donne un souffle épique à l’assemblée et à l’élaboration de nos plans pour s’approcher de la capitale. La cantine expose ses craintes de ne pouvoir mener de front la préparation d’un repas pour le soir, celle d’un petit déjeuner quelques heures plus tard et celle du banquet du lendemain. Mais des cyclistes répondent qu’il n’y aura pas besoin de nouveaux repas ce soir, et qu’ils et elles sont même prêt-e-s à se passer aussi de petit dej’ le lendemain si il le faut. J., du groupe trajet, qui s’est prise pendant la semaine d’une passion obsessionnelle pour l’art de rouler en convoi, prévient l’assemblée : « Demain il y aura encore plus de véhicules et de cyclistes. Alors vous oubliez tout ce qu’on a fait jusqu’à maintenant et vous n’écoutez pas ce que diront les flics ! C’est nous qui décidons comment on s’organise et demain on va réinventer une autre manière de rouler en groupe. » Après avoir passé en revue diverses options, nous décidons de tout mettre en oeuvre pour aller jusqu’à…Versailles au portes de Paris et de déployer notre banquet sur la place d’armes. Tout le monde est plutôt excité par ce pied de nez à l’histoire, sans certitude d’y arriver, mais prêt à assumer que l’on nous fasse obstacle. Rendez-vous à l’aube.

Jeudi 26 – Préaux sur Perche/Coulomb – Chaud à vélo !

Le jeudi est marqué par la traversé de l’Eure et Loir et la plus grosse étape de notre équipée : 80km de route pendant lesquels résonne régulièrement l’hymne du convoi sur l’air de « Chaud cacao » . « Chaaaaud à vélo !! Chaud, Chaud, Chaud sur Paris (sur Paris) Cap sur la COP 21 , Nous on recul’ devant rien ! ». Nous devons déjà nous arrêter ce soir à Coulombs à 10km de la frontière avec l’Ile de France et le département des Yvelines. Un groupe d’une dizaine de personnes a été missionné pendant la journée pour trouver des hypothèses et plans à proposer en assemblée pour le lendemain. Nous savons que Saclay est déjà bardé de policiers et la Préfecture des Yvelines nous a redit la veille qu’elle ne tolérerait pas l’arrivée de notre convoi sur son département (qui est situé en Ile de France où l’interdiction de manifester est totale). Nous envisageons de parvenir à avancer, mais aussi la possibilité d’être bloqué-e-s à Epernon sur la zone « frontalière ». Nous partons sur place en répérage pour, le cas échéant, pouvoir y déployer un camp sur un espace public et appeler alors publiquement à nous y rejoindre pour faire pression. Nous trouvons par ailleurs le contact d’un agriculteur qui a sa ferme juste 1km plus loin, mais à l’intérieur des Yvelines et qui se trouve tout disposé, au pied levé, à voir notre convoi se poser sur un de ses champs.

A la finde l’après-midi, tout le monde se retrouve sur un terrain boisé où le collectif qui nous accueille a dressé des barnums et guirlandes. S, personnage mythique qui venait, avec son camion-cuisine, nous offrir des crêpes au pied des barricades chaque dimanche pendant les expulsions a rejoint le convoi ce midi. Il s’est immédiatement remis à la tâche et distribue de nouveau ce soir frites et galettes. Ceux et celles de la marche D’Agen, partie à pied le 11 octobre sont déjà là. Face à l’incertitude de la situation, ils ont décidé de nous rejoindre prématurément, tout comme le convoi de l’est qui doit arriver le lendemain matin. Nous apprenons que 2 des personnes qui préparaient notre accueil à Saclay et sur Paris ont été perquisitionnées et assignées à résidence avec obligation de pointer 3 fois par jour au commissariat. D’autres perquisitions et assignations à résidence de militant-e-s et soutiens du mouvement ont eu lieu à Rennes, Lyon, Rouen ou dans une ferme en Dordogne.

Après la criée, les différents plans sont exposés. Il est tard et la décision sur les possibilité de passer en Ile de France est remise au lendemain matin. Quoi qu’il en soit les tracteurs et quasi tous les autres véhicules motorisés sont prêts à tenter de franchir la ligne rouge au moins jusqu’à Emancé. Nouveau coup de théâtre ! Juste après l’assemblée, à 10h du soir, une émissaire du ministère de l’Intérieur vient sur place, pour nous assurer que notre convoi ne sera pas bloqué dans sa traversée des Yvelines. Nous sommes dubitatifs. Elle nous met en lien direct avec la Préfecture qui confirme. Cogitations nocturnes…

Mercredi 25 novembre

Cap sur la cop - Etape 5 -Arrivée à temps et en Eure ? - Le Mans/préaux sur Perche

mail : mslcnddlpress@riseup.net blog : http://marchesurlacop.noblogs.org twitter : http://twitter.com/MSLC21

5e jour de convoi. On est rôdé. Petit déjeuner roboratif, café, briefing général et c’est reparti. Le ciel facétieux hésite entre averse et éclaircies. L’étape du jour est plutôt courte au compteur, 36 kilomètres le matin et une petite vingtaine l’après-midi, mais relevée par des reliefs constants. La route vallonée traverse des bourgades endormies aux noms évocateurs comme « la Rouge », ou passe devant une longue cheminée ôcre entourée de batiments industriels désaffectés au-dessus d’une rivière. Sa vision pique l’imagination des cyclistes qui y voient le temps d’un battement de cil, un fabuleux lieu à occuper pour lui donner une seconde vie. Mais Paris nous attend ! Le serpentin de vélos scindé par les tracteurs s’étend sur plusieurs centaines de mètres, et maintenir la cohérence de l’ensemble n’est pas une mince affaire. Au détour d’une route, les tracteurs disparaissent pour aller faire le plein de rouge dans une ferme de soutiens paysans. Dans la voiture de tête, une petite bouille coiffée d’une chapka sort sans cesse par la fenêtre et s’accroche au mégaphone, invitant les badauds à nous suivre jusqu’à la capitale et lançant des chansons détournées faites de refrains griffonés pendant les pauses pipis.

Nous nous arrêtons à midi dans un « foyer rural » à l’imposante façade. A l’intérieur une salle en parquet, faite pour accueillir confortablement des centaines de personnes, avec au fond un grande scène et d’épais rideaux rouges. Ces espaces, nés dans les années 30 comme alternative laïque aux activités paroissiales, ont accueilli pendant des décennies les fêtes, repas, célébrations et réunions de la commune et du monde agricole. Dans un monde où les campagnes se vident et où chacun passe beaucoup plus de temps enfermé derrière des écrans qu’en rencontres avec les voisins, nos hôtes nous expliquent que les foyers ruraux ne sont évidemment plus aussi vivants. Ce midi en tout cas celui qui nous accueille vibre fort de notre présence. De nouveaux conducteurs de tracteurs arrivent et prennent le relais de ceux qui repartent pour assurer le travail à la ferme.

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Surprise, surprise ! La préfecture d’Eure et Loir, qui nous avait signifié hier qu’elle interdisait toute manifestation sur son territoire nous recontacte pour nous expliquer qu’elle ne considère pas notre convoi come une manifestation. Elle s’engage même à le laisser passer. Un nouvelle étape de gagnée ! La nouvelle, transmise à midi dans la salle du foyer rural est accueillie par des cris de joie et des frappes en rythme sur les tables.

Nous apprenons en pédalant, plus tard dans l’après-midi, que les invitations à braver l’Etat d’urgence se multiplient sous diverses formes. Les amies de Paris nous racontent que les 58 personnes convoquées au commissariat, suite à la manifestation de soutien aux sans-papiers de dimanche à Paris, se sont réunis lors d’une assemblée ouverte. Ils ont annoncé refuser collectivement de se rendre à la police. Ils appellent à manifester de nouveau dimanche 29 novembre. C’est aussi le cas de l’assemblée parisienne anti-cop 21 (http://anticop21.org/ils-nous-cachent-le-soleil-4138?lang=fr) ou d’un collectif d’écrivains et militants (https://lundi.am/Bravons-l-etat-d-urgence-retrouvons-nous-le-29-novembre-place-de-la-Republique). La coalition climat 21 appelle quant à elle à former une grande chaîne humaine entre République et Nation pour maintenir une présence dans la rue...(http://www.solidaires.org/Etat-d-urgence-climatique-une-chaine-humaine-pour-un-Climat-de-paix)

Notre groupe d’accueil en Ile de France nous confirme néanmoins dans l’après-midi que la Préfecture de Paris n’a aucune intention de laisser notre convoi s’approcher de la capitale et qu’ils considèreront tout attroupement de notre fait de plus de 2 personnes comme une infraction à l’interdiction de manifester. L’Etat d’urgence donne décidemment des ailes orwelliennes à certains. Saclay, terres menacées où nous devions converger avec les autres convois vendredi soir est d’ailleurs en train de se transformer en zone militarisée. Nos dirigeants ont l’air d’y être obsédés, entre autres, par le spectre de la naissance d’une zad en région parisienne. Les personnels du campus Supélec sur le plateau de Saclay ont reçu un mail leur mettant à disposition un contact de délation des "comportements et actions suspectes ». Extrait de la missive en question : « Le Plateau de Saclay sera particulièrement concerné en ce que plusieurs mouvements de contestation ont décidé d’en faire leur base de convergence et de repli, en marge des manifestations parisiennes. Cette contestation peut revêtir des actions violentes et s’enraciner pour une longue durée sur les zones choisies alors appelées « zones à défendre » (ZAD). Aussi, les pouvoirs publics ont-ils dû prendre en compte les considérations d’ordre public qu’engendrera cet état de fait, en lien avec les responsables des établissements et des nombreux chantiers en cours sur ce territoire. (lien plus complet là)

Nous arrivons vers 17h à Préaux-sur-perche, en plein parc naturel du Perche, dans une nouvelle salle des fêtes. Ce soir encore, nous avons droit à 200 places au chaud chez des habitants. Les cantines, qui nous ont précédés, sont depuis quelques heures déjà en plein marathon culinaire. Après le goûter, un colporteur fait la criée du jour et lit les différents petits mots glanés au sein du convoi pendant la journée. Tout s’y mêle : petites annonces, blagues, coups de gueules politiques, mots d’amour et accès de poésie subite.

Le soir, l’une de nous entre en contact avec la Préfecture des Yvelines pour connaître ses intentions. C’est le premier département d’île de France que nous devons traverser vendredi matin après l’Eure et Loir. Le cabinet du Préfet nous dit tout net qu’il considère pour son compte que notre convoi est bel et bien une manifestation. Notre émissaire lui répond qu’ils n’ont pas l’air de s’accorder sur les définitions avec la Préfecture d’Eure et Loir et l’informe à nouveau de notre volonté d’emprunter les routes d’Ile de France..

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Au vu des pressions et de l’imminence de notre arrivée, nous avons décidé de prendre le temps de faire une assemblée avec tout-e-s les participant-e-s au convoi. Certain-e-s d’entre nous se connaissent bien, ont l’habitude de lutter de conserve ou ont participé depuis plusieurs mois à l’organisation de la tracto-vélo. D’autres nous ont rejoint au départ samedi matin et se sont impliqués en cours de route. Ce qui est sûr, même si des visions diverses sur la suite du convoi sont en débat, c’est que la pérégrination commune a soudé le groupe en quelques jours. Pour confronter nos point de vues, nous passons d’abord par un échange d’infos, avant de se retrouver en groupe d’une quinzaine de personnes pendant ¾ d’heure. Chaque groupe expose ensuite, en quelques phrases, à l’assemblée de nouveau réunie les scénarios qu’il a retenus, ses limites et désirs. Des plans communs commencent à prendre forme et vont rester en discussion. Ce qui est certain, c’est que personne n’a envie de soumettre docilement à ceux qui veulent profiter de la situation pour interdire toute contestation. Et nous sommes sûr-e-s aussi de vouloir se tenir ensemble jusqu’au bout et de clôre notre équipée par un grand banquet.

Le convoi Cap sur la Cop ira-t-il jusqu’en Ile de France, voire jusqu’au bout du monde de nos rêves ? Vous le saurez bientôt. Et si l’histoire s’accélère, jetez des coups d’oeils sur http://marchesurlacop.noblogs.org où se trouveront des nouvelles en direct...et préparez vous à nous rejoindre !

Mardi 24 - la Flèche à Ste Corneille

Cap sur la cop - étape 4 - de la ZAD au JAD

Le même texte en photos et plus d’infos sur zad.nadir.org et https://marchesurlacop.noblogs.org

Dès 9 heures, forts d’un nuit au chaud chez les flêchois chacun-e a retrouvé le chemin de la ferme où sont restés nos tracteurs. Les paysans sont tout sourires : « un accueil de première » ; « comme des rois ». Certains d’entre nous repartent avec des champignons, un pot de rillettes-cadeau dans leur sac, d’autres avec le souvenir de mini concert guitare jusque tard dans la nuit ; et lancent des chansons que nous reprendrons en chœur le temps que les quatre pelotons du convoi se mettent en place.

La pluie qui tombe dès le matin et nous accompagne toute la journée ne démotive pas les cyclistes ! C’est l’occasion de tester et comparer dans les rires nos équipements plus ou moins imperméables, où l’on découvre les capes de pluie avec capuche transparente sur les côtés pour ne pas avoir des œillères, ou avec orifices pour passer les mains et tenir le guidon, les chaussons imperméables qui protègent les chaussures de l’eau qui dégouline le long des jambes, remplacés le plus souvent par des sacs poubelles du plus bel effet … On peut dire que la pluie est une bonne ennemie du fichage généralisé qui nous guette malgré nos précautions : sous nos impers, pantalons de pluie, capes et capuches nous sommes difficilement identifiables, ce sont les RG présents aujourd’hui qui seront déçus !

La pause du midi à Fillé reçoit une troupe bien trempée réjouie de pouvoir se mettre à l’abri dans une salle et touchée encore une fois par l’accueil. Les porte-manteaux, les supports de table, tous les clous sur les murs, etc. servent à suspendre nos équipements dégoulinants. Notre équipe cuisine nous a concocté un repas immédiatement prêt à être servi et le bruit de nos conversation remplit vite la salle. Prêts pour le départ : nous quittons le site de Moulin Sart.

Un passage remarqué dans le Mans sur les boulevards extérieurs des ralentissements, accueil des tracts de cap sur la cop par les automobilistes plutôt patients et souriants : il nous faut nous hisser pour atteindre la cabine des semi remorques dans le mini bouchon le long de la voie du bus rapide en chantier.

Quelques coup de pédales plus loin , nous quittons la rivière montons vers le centre ville dans un tintamarre qui résonne tant et tant avant de remonter la ligne de tram. Chemin faisant , nous quittons le paysage urbain et descendons par une petite route bordée de talus vers le jardin de Béner. Pendant que l’on déguste du thé chaud et qu’une dame du collectif nous distribue des petits gâteaux, l’un des jardiniers nous explique : « ici on ne parle pas de ZAD mais de JAD : Jardin A Défendre » . La lutte du Jardin de Béner date de janvier. Des soirées publiques et tractages sur les marchés dénoncent le projet d’une zone commerciale de 67 000 m 2 qui augmenterait encore de 25% la surface commerciale totale déjà déployée sur le Mans métropole. La lutte a abouti à une occupation et projet de jardin collectif sur une zone propriété de Le Mans Métropole qui jouxte celle du projet : « Une AMAP a donné 500 plants de tomate que nous avons vu grandir et donner ici tout l’été. L’idée est de créer un jardin solidaire et de donner une partie de la production à une asso de soutien aux sans-abris ». Ils prévoient de batailler juridiquement en mettant en avant la proximité de l’Huisne en contrebas et la loi sur l’eau.

On repart pour quelques derniers kilomètres et nous retrouvons avec bonheur les senteurs des feuilles d’automne mouillées le long de haras où de jeunes chevaux graciles qui accourent nous faire signe sur notre passage. Comme à l’accoutumée nous ouvrons à notre arrivée notre coquette « cabane accueil » montée sur une remorque qui nous accompagne tout au long du trajet, pour renseigner les personnes qui viennent participer au convoi, celles qui veulent en savoir davantage sur notre aventure ou consulter au calme des brochures.

En assemblée, on apprend que les autorités nous réservent une nouvelle surprise : la Préfecture d’Eure-et-Loir, où se situe notre prochaine étape, nous adresse un arrêté interdisant toutes les manifestations sur la voie publique sur le département du vendredi 27 novembre 2015 à 00h jusqu’au lundi 30 novembre à minuit. L’arrêté préfectoral met en avant “que des groupes et groupuscules appartenant à la mouvance contestataire radicale et violente sont susceptibles de stationner en Eure et Loir en vue de converger vers Paris et l’île de France”. Ça commence à gamberger, un communiqué de réponse à cette nouvelle interdiction est publié dans la soirée (voir ci-dessous). Une assemblée est prévue pour le lendemain afin de décider ensemble de la suite à donner au convoi.

La soirée d’information se déroule au Mans dans une salle paroissiale qui se remplit de personnes curieuses d’en savoir davantage sur le convoi et sur ce qui se passe sur la ZAD, ce qui peut être transmis à d’autres luttes. En pleine projection du film sur la ZAD, un curé surprend tout le monde en passant sa tête entre les deux panneaux coulissants qui servent d’écran. Il demande un peu de silence pour que sa propre réunion puisse continuer de l’autre coté de la salle. Au cours du débat qui suit, un cycliste en provenance de la ZAD redit combien chaque lutte compte et l’importance du réseau qu’on constitue tous ensemble. Une participante à la soirée lui répond : « Votre passage ça nous redonne l’envie de nous bagarrer et de gagner là où on est ».

Ce mercredi matin, départ vers Préaux-en Perche pour une soixantaine de kilomètres sous un temps plus clément.

Le communiqué de mardi soir :

— - Nddl - Le convoi cap sur la cop interdit d’un département de plus.

La Préfecture d’Eure et Loir vient de nous signifier un arrêté (ci-joint) interdisant toutes les manifestations sur la voie publique sur le département du vendredi 27 novembre 2015 à 00h jusqu’au lundi 30 novembre à minuit. L’arrêté préfectoral met en avant "que des groupes et groupuscules appartenant à la mouvance contestaire radicale et violente sont susceptibles de stationner en Eure et Loir en vue de converger vers Paris et l’île de France".

Le convoi Cap sur la cop parti samedi matin de Notre Dame des landes doit s’arrêter à Coulombs en Eure et loir, dans la nuit de jeudi à vendredi, puis repartir en direction d’Ile de france le lendemain.

Le gouvernement a déjà prohibé toute les manifestations publiques prévues dans les rues de la capitale pendant la cop 21. Un bataillon de gendarmes mobile a ensuite bloqué notre convoi pendant quelques heures dimanche pour lui signifier spécifiquement qu’il lui serait interdit de pénétrer en île de France. Avec l’Eure et loir en plus, le périmètre qui nous est interdit vient donc encore d’augmenter. Jusqu’où le gouvernement ira-t-il pour arrêter, 5 tracteurs, un triton, une cabane, une cantine mobile et 200 cyclistes de 1 à 77 ans, armés d’un peu d’huile de chaînes et de pompes à vélo ?

Si les autorités ne veulent décidemment pas de nous, ce n’est en tout cas pas le cas des habitants des régions traversés. Ceux-ci nous accueuillent chaque soir à bras ouvert, nous ouvrent leurs maisons, leurs prés et leurs salles des fêtes. Toutes ces personnes qui refusent de se laisser abattre par la peur et la résignation, nous montrent à quel point le mouvement de solidarité avec la lutte de Notre dame des landes est plus vivant que jamais.

La multiplication des interdictions de manifester ne pourra pas étouffer les voix de tout ceux qui considèrent que les logiques économiques et politiques actuelles nous mènent droit dans le mur. Nous véhiculons depuis la zad un message d’espoir, celui qu’il soit possible d’arrêter ici et maintenant leurs projets nuisibles et imposés, ainsi que la ferme volonté de sortir enfin de la marchandisation du monde. Ce message ne s’arrêtera pas en chemin, quoi qu’il arrive.

Pour l’heure, le convoi poursuit sereinement sa route vers Paris et la COP21. Il sera ce mercredi 25 novembre à Préaux du Perche. Nous invitons les comités et soutien à se tenir prêts et vigilants pour permettre la poursuite de son trajet.

Lundi 23 novembre

A l’heure où nous envoyons ce texte nous venons d’apprendre que la Préfecture d’eure et loir (étape avant l’Ile de France) vient maintenant à son tour d’interdire la présence du convoi parti de notre dame des landes à parti de jeudi minuit. Plus d’infos bientôt.  !! Télécharger l’arreté ICI !!

le même texte en photos et plus d’infos sur http://zad.nadir.org et https://marchesurlacop.noblogs.org

## Convoi "CAP sur la COP" Etape 3 - La flèche ne se laisse pas abattre

Départ d’Angers. Dans une brume opaque, on avance à travers les zones commerciales, les ronds points et les échangeurs, jusqu’à s’arrêter devant une grille soudée. Derrière se dessine la silhouette d’une grande bâtisse. On empile les vélos sur le bas-coté . Un barnum est monté avec une banderole « Respect du droit d’asile – réouverture de la Pignonnière ». Une bande d’angevins, d’âge mûr mais d’une vivacité intacte, nous servent le café. L’un d’eux nous explique au mégaphone l’histoire de cette maison et de leur combat au long cours aux cotés des migrants : lui et ses ami-e-s s’arrangent très régulièrement pour ouvrir l’accès à des immeubles laissés à l’abandon et fermés. Ils s’adonnent joyeusement à ces pratiques, que la loi juge répréhensible mais qu’ils estiment néanmoins justes, et ce pour accueillir des réfugiés, majoritairement africains - soudanais, somaliens, tchadiens, érythréens, entre autre... Autant de demandeurs d’asile qui seraient autrement laissés à la rue malgré les engagements de l’Etat français à les loger. Les occupations restent précaires et après quelques mois de répit et de procédures juridiques, les migrants se font généralement expulser un sale matin par la police. Nos compères angevins se remettent alors en selle pour une nouvelle ouverture. La Pignonnière, devant laquelle nous marquons un arrêt ce matin, fait partie de ces bâtiments expulsés et qui est resté vide ensuite. Ils projettent sans s’en cacher de l’occuper une nouvelle fois et sont content-e-s que le passage du convoi donne un coup de projecteur à cette envie. On leur souhaite de parvenir à leurs fins. Angers n’étant pas loin de la Zad, on propose aussi de venir leur filer des coups de main au besoin.

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Après quelques tronçons de route nationale hier, le choix du jour est la « mini-route de campagne ». Vous savez, ces voies délaissées qu’il ne viendrait pas à l’idée au commun des mortels d’emprunter pour se rendre de Nantes à Paris, mais que nous avons la chance de découvrir tranquillement aujourd’hui. Quand on croise du monde dans les villages, que l’on capte un geste de main ou un regard curieux, des cyclistes parmi nous se détachent et vont causer un peu. L’escorte de gendarmes à moto et voitures ne sert pas à grand chose mais s’obstine à nous suivre.

A midi, la salle omnisport de Seiches sur Loire nous ouvre ses portes. L’atelier vélo se déploie. Au 3e jour de route, tout le monde tient à être bien graissé et bien gonflé. Devant la salle, après le repas, un habitant de Seiches prend la parole pour nous informer d’une lutte que lui et d’autres mènent contre la privatisation de 500 hectares de forêt publique, que le conseil général souhaiterait vendre au plus offrant. Ils font tout pour maintenir leur bois en tant qu’espace gratuit et ouvert. Un paysan de la Confédération paysanne, qui offrait un peu plus tôt à la cantonade des bouchons de cognac avec un grand sourire, explique qu’il monte à Paris pour une réunion du syndicat le lendemain : il promet d’appuyer notre arrivée en île de France malgré les interdictions.

La balade de l’après-midi est splendide, pleine de grands bois jaunis et arrosée de lumière cristalline. On traverse des villages avec des châteaux, de vieux fours à briques et des champs de pommiers. Au passage de la frontière, des gendarmes sarthois en nombre prennent le relais de ceux du Maine et loire, et nous rappellent que malgré les moments de grâce bucolique, nous ne sommes pas seulement en train de faire du cyclotourisme.

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Notre soirée à la Flèche a été l’objet d’un ardent bras de fer local. Les militants du comité avaient demandé à obtenir un complexe sportif pour nous héberger au sec, mais M. Chauveau, député-maire PS et pro-aéroport s’y est fermement opposé. Nos hôtes ont pu tout juste obtenir in-extremis de louer une salle pour la réunion publique du soir. Dans ce contexte, un couple de paysans a décidé d’accueillir les véhicules et la logistique du convoi chez eux, en tenant le lieu secret jusqu’au dernier moment pour éviter les pressions. Et pour résoudre les questions de logement, le comité a lancé un appel aux fléchoises et fléchois pour un hébergement à domicile. Nos hôtes sont fiers de pouvoir annoncer avoir trouvé 180 lits chez l’habitant en un rien de temps. Un beau pied de nez. Dans la grande salle de conférence, pendant qu’un vin chaud nous est offert, une jeune fille coiffée d’un chapeau nous dispatche chez les uns et les autres en nous donnant de petits tickets, et des explications sur les modalités de couchage et les heures de réveil. Ces échappées hors du grand groupe sont autant d’occasions d’échanges plus interpersonnels et de récits à partager le lendemain quand on retrouve le reste du convoi.

Après le repas, à 20h30 pétantes, Marylène, notre contact énergique pour cette étape, entre en scène. Elle essaie de couper tant bien que mal les conversations qui se poursuivent aux différentes tablées, un rien indisciplinées. Elle est bientôt rejointe par un groupe de personnes munies de perruques et tambours, qui accompagnent de rugissements et roulements chacune de ses déclarations. Chauveau, le cacique local en prend pour son grade sous les clameurs de la salle. Marylène rappelle l’engagement inébranlable de nombreux flèchois-e-s pour la sauvegarde du bocage nantais ou de sites précieux à proximité, comme la Monnerie, espace aquatique riche d’oiseaux rares. Après un temps de discussion sur la Zad, un de nos hôtes a préparé une intervention sur les raisons pour lesquelles, en aucun cas, le nucléaire ne pourra être considéré comme une solution à la question du réchauffement climatique. Chacun repart ensuite aux 4 coins du bourg.

En ce mardi matin, tout le monde est bien content d’avoir profité d’une nuit au chaud car une pluie battante accompagne le départ de la tracto-vélo. Nous croisons Michel qui va passer la journée assis le volant à la main sur un tracteur sans cabine. Nous le plaignons un peu, nous rigolons et il me dit « cest pas grave dans ces cas-là, moi je voyage dans ma tête et je pense aux tropiques ». Alors c’est parti : direction Le Mans et les tropiques ! Le convoi coulera-t-il ou poursuivra-t-il sa route malgré les aléas climatiques et les ardeurs du ministère de l’intérieur ? Vous en saurez plus demain, au prochain épisode.

Dimanche 22 novembre

2ème étape : Yoga sur nationale...

Après une nuit fraîche mais confortable sous le chapiteau géant, sous les toiles de tente, ou dans une salle du corps de ferme, les cyclistes se sont élancé-e-s en une joyeuse procession sous le soleil matinal.

La voiture balai a prouvé son efficacité, en ramassant les cyclistes victimes des premières crevaisons. Dans un concert de sonnettes de vélos et de klaxons de tracteurs, nous avons traversé Ancenis, mettant une certaine animation dans le bourg ce dimanche matin. L’occasion de discuter avec les passant-e-s, et de distribuer des tracts expliquant les enjeux du convoi.

Quelques kilomètres après Ancenis, un comité d’accueil inattendu nous attendait.

Positionnés sur la RN 23, plusieurs fourgons de gendarmes avaient bloqué la route et mis en place une déviation pour les voitures. On nous explique qu’il est question de procéder à des contrôles d’identité de l’ensemble des participant-e-s, afin de notifier « individuellement » l’interdiction de manifester en Ile-de-France. Logique, on est à plus de 350km de la région en question !

Une AG impromptue s’organise alors au beau milieu de la route entre les blocages de flics, pour décider de la suite des événements : on discute des questions d’anonymat, de fichage, de ce qu’il est possible de faire ensemble. On décide collectivement de refuser de décliner nos identités et donc se laisser ficher. Une « délégation » fait part de cette décision aux bleus manifestement perplexes : devant cet imprévu, il leur faut demander des consignes au ministère de l’intérieur.

Pendant ce temps, des messages sont envoyés tous azimuts, afin de diffuser l’information de notre blocage, d’activer les réseaux de soutiens et d’appeler du renfort.

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Fort-e-s de notre décision de résister ensemble à ce coup de pression, les participant-e-s se détendent les guiboles avec une mémorable séance de yoga improvisée sur la nationale. Les jeux de cartes et d’échecs sont de sortis, et certain-e-s en profitent pour rafistoler tentes et vélos. L’ambiance est à la cohésion et à la détermination joyeuse. Deux heures après, alors que les soutiens arrivent de part et d’autres du blocage et que le téléphone presse n’en finit plus de crépiter, deux gendarmes s’avancent avec un mégaphone pour mettre fin au suspense. Une sommation ? Non, ce sera finalement une notification collective : il nous est formellement annoncée l’interdiction de manifester en Ile-de-France suite à la mise en place de l’Etat d’urgence. Interdiction également d’accéder à Saclay, la dernière étape prévue avant Paris, où un « périmètre de sécurité » va être déployé autour de la ferme de l’agriculteur qui devait nous accueillir.

Ils nous annoncent enfin qu’on peut continuer la route, « en toute connaissance de cause ». Un convoi averti en valant deux, on repart nombreu-s-es et heureus-e-s d’avoir tenu collectivement notre position face à la pression policière.

Étant donné ce malheureux contre temps, il est déjà 14h et les ventres gargouillent... Réactives, les cantines se posent quelques kilomètres plus loin au bord d’un étang et nous régalent ainsi que les personnes venues en renfort.

On repart rapidement pour rattraper le temps perdu et tenter d’arriver avant la nuit : ça pédale dur dans les montées ! Tel un convoi présidentiel, notre peloton est précédé par des motards de la gendarmerie et d’autres qui s’occupent en faisant la circulation.

L’arrivée à Angers est triomphale : des personnes nous attendent sur les carrefours malgré le retard, le froid et la nuit, pour une déambulation dans les rues de la ville.

Dans la salle municipale où est prévue la soirée, environ 200 personnes acclament l’arrivée des cyclistes, entonnent Bella ciao et se mettent à danser. Des cuisinier-e-s, aidé-e-s d ’une trentaine d’autres personnes, ont préparé de multiples plats, sauces et salades depuis le matin. De grands panneaux permettent à chacun-e de s’inscrire pour aller dormir chez l’habitant-e.

Le banquet en musique est suivi d’une projection-discussion sur le thème de la lutte à Notre-Dame-des-Landes. C’est aussi l’occasion de retrouvailles : nous étions déjà venu il y a 2 mois pour une manifestation devant l’université d’ Angers afin de dénoncer sa collaborations au études de compensation environnementales payées par Vinci pour légitimer le projet d’aéroport. Nous avions alors constaté à quel point les comités locaux d’Angers et de Saumur étaient actifs.

Une fois encore, nous sommes ébahis ce soir par la chaleur et la ferveur de leur accueil.

Un peu plus tard, pendant la projection du film et la discussion publique, un groupe se détache pour discuter des différentes options possibles pour l’arrivée prévue sur les terres menacées de Saclay le 27 novembre, et la montée sur paris pour le banquet du 28.

Des contacts sont pris avec les collectifs et organisations qui nous soutiennent, avec les autres convois déjà en route et avec les personnes qui préparent notre accueil à Paris. Une chose est sûre de notre coté : nous ne nous arrêterons pas de nous-même et continuons pour l’instant notre trajet.

La soirée se termine et beaucoup d’entre nous repartent passer une nuit au chaud chez des habitant-e-s d’Angers, d’autres rejoignent l’Etincelle, un chouette lieu autogéré militant. Quatre personnes auront le plaisir de faire connaissance avec la BAC locale : contrôles, fouilles, menaces, volonté affichée d’humilier... la BAC était déjà connue pour ses contrôles abusifs, ça ne va pas s’arranger avec l’Etat d’urgence...Mais on ne se laissera pas intimider par la stratégie de la peur et ses arguments sécuritaires. Plus que jamais, ensemble, on ne lâche rien !!

Lundi matin, le convoi commencera sa journée par une halte devant un lieu ouvert par un collectif angevin pour accueillir les migrant-e-s et expulsé récemment.

vendredi 20 & samedi 21 novembre

Départ en fanfare – Récit de la première journée du convoi de Notre dame des landes à Paris.

Cela s’affaire, charge, construit et décore à tout va depuis la veille à la Vache rit malgré la pluie battante. Le soir, les participant-e-s au convoi se sont retrouvés pour une assemblée permettant d’exposer l’organisation du convoi et d’appeler les un-e-s et les autres à s’inscrire sur les différentes tâche collectives.

En ce samedi matin ensoleillé, l’humeur générale est excellente et plein de gens de la zad et du coin sont venus soutenir le départ du convoi ou l’accompagner sur quelques kilomètres. Dans ce contexte plombé, il est crucial d’affirmer en acte notre volonté de ne pas laisser le gouverment museler la contestation sociale et environnementale lors de la cop 21. La tracto-vélo résonne alors comme un défi face aux interdictions de manifestations faites par le gouvernement.

Pour le premier jour, on part en peloton commun à 200 vélos suivis des 5 tracteurs et une remorque. On est quasi autant que le tour de France et on a une caravane logistique à faire rêver : un tracteur qui tire une cabane infokiosque et point d’acceuil, un autre qui tracte des toilettes sèches, un pour les tables et bancs, un pour les sacs et affaires perso histoire de rouler léger, une voiture média pour commenter la course et des véhicule-cantines pour foncer en avant nous préparer les repas. On a même des supporters sur le bord de la route dans les villages alentours pour crier et agiter des fagnons.

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Sur les bicyclettes, les vtt customisés, les vélo-couché ou les tandems on retrouve des gens de tous les âges, des militants du mouvements, des occupants de la zad, des ami-e-s du coin ou de plus loin, des paysans...Pour le plus grand plaisir de toutes et tous, le rythme, tranquille, permet aux unes et aux autres de se mélanger et de papoter.

On apprend chemin faisant ce que signifie rouler à autant sur la route. Nous nous occupons nous même d’arrêter momentanément les voitures aux intersections et passages de rond-point, et de faire gaffe à ce que tout se passe bien. Cela demande aux automobilistes un peu d’attente mais vu que le convoi a de la gueule et que l’on ne croise pas tous les jours pareille armada, ceux que l’on retarde sont généralement plutôt bienveillants..

A midi, on fait une première répétition du banquet final sur la place du marché de Nort sur Erdre où sont installés les tables et bancs amenés par le comité local. Pendant la vaisselle et sous la première pluie du trajet, l’équipe légale fait un point sur ce qu’il faut savoir en cas de pression et sur ce que change l’Etat d’urgence décrété pour 3 mois avec une augmentation conséquente de la marge de maneuvre policière.

Au terme de cette étape d’échauffement, 40 km aux compteurs, on arrive tôt dans l’après-midi à la ferme qui nous accueille, la Gazillardière. Dans le soleil de la fin d’après-midi, le cadre est idyllique : un vallon boisé au bas duquel se niche un étang avec des chevaux, des ânes et de petites poules. Une vue sur un château abandonné. Un corps d’habitat réaménagé en gîte et bar et un grand chapiteau où se poser.

L’organisation se cale efficacement : l’infokiosque se déplie, l’équipe cuisine sert le goûter, les geeks du vélo déploient leur atelier mobile avec un chevalet, un spot et les caisses à outils spécialisés, le groupe de com’ fait la revue de presse et met des nouvelles en ligne, différentes personnes sortent les sacs persos de la benne ou assurent l’approvisionnement des toilettes sèches... Sous le chapiteau, ça sort des cartes, un jeu d’échecs, des friandises ou un coup à boire... A 18h, on pousse un de nos hôtes à monter sur une table et à nous dire deux mots de sa ferme : ils y font de l’élevage, de la vente directe, louent ou prêtent le chapiteau pour des fêtes et concerts et tiennent un bar sur place les dimanches soir. Ce mélange des genre, entre espace agricole et lieu de rencontre et de convivialité, rappelle ce qui se recherche aussi dans certaines fermes réinvesties sur la zad. Notre hôte est acclamé pour son accueil. Michel de Copain qui habite juste coté et nous accompagne en tracteur sur le convoi se hisse sur la table à son tour et accepte de nous causer du wagon : un regroupement d’amis et paysans, qui ontr décidé de s’entraider, être moins dépendant des banques et tiennent ensemble un magasin de producteurs. Ceux et celles du Wagon sont impliqués de longue date dans la lutte de Notre dame des landes. Michel en connait un rayon sur les luttes paysannes qui ont agité la région, depuis les paysans-travailleurs dans les années 70 jusqu’à aujourd’hui, pour maintenir les petits exploitants et des pratiques paysannes face aux « cumulards » ou à l’agro-industrie. Ils nous parle de la coopérative locale Terena qui cherche à devenir hégémonique et à imposer sa loi. Il nous raconte comment encore récemment, lui et d’autres se sont organisés collectivement avec succès pour faire pression face à un des plus gros propriétaires agricoles du coin et lui arracher 30ha en vue d’une installation.

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Le soir, certain-e-s d’entre nous se rendent à Ancenis pour une soirée d’infos sur la lutte. A près un bref historique, nous projetons un petit film qui vient d’être réalisé sur la zad et qui montre différents aspects de la vie sur place : pratiques agricoles, constructions, vie collective... Il s’en suit un tas de question et d’échanges sur les manières de s’organiser à autant sans structures hiérarchiques et avec des entités et personnes aussi hétérogènes, sur les possibilités de sortir nos vies de l’économie marchande et sur les différentes manières de penser le « confort ». Des habitants d’Ancenis s’interrogent sur les manières dont ce qui s’expérimente sur la zad pourrait être transposable en ville. Nous rappellons qu’il va falloir continuer à batailler dans les mois à venir pour arracher l’abandon du projet et transmettons diverses invitations à venir sur la zad, notamment pour répondre à notre propre appel d’offres les 30 et 31 janvier.. On vous en reparlera dans les jours à venir.

Le départ collectif à eu lieu l’heure ce matin, et à 200 c’est pas rien. Le convoi s’est dirigé vers Angers...s’est retrouvé bloqué peu après par quelques centaines de policier – prochaine épisode demain.

Autres récits

- Twitter
https://twitter.com/MSLC21
https://twitter.com/cop21mascarade

- du sons et paroles issue des participants du convoi :
http://audioblog.arteradio.com/blog/3046972/cap_sur_la_cop_nddl/

- video sur youtube du départ :
https://www.youtube.com/watch?v=jTwzF1inKAU

- petit collection de photos :
http://www.kalzadud.fr/perche/index.php?post/2015/11/21/D%C3%A9part-de-la-tracto-v%C3%A9lo-pour-la-COP21-de-la-Vacherie-%C3%A0-Notre-Dame-des-Landes

- mur de twitter avec des autre photos :
https://twitter.com/hashtag/MSLC21?src=hash

Ritournelle bnous

Pour finir en Bonus – La ritournelle du convoi « cap sur la cop », écrite chemin faisant (sur l’air de « chaud cacao »)

REFRAIN x2


Chaaaaud à vélo !!

Chaud, Chaud, Chaud sur Paris (sur paris)

Cap sur la COP 21

Nous on recule devant rien !


Partout où on pédale

Soutien phénoménal

Vélos, cabanes tracteurs

Y’a de quoi leur faire peur

Ils essayent d’nous bloquer

On s’laisse pas contrôler

On s’fout des arrêtés

On va manifester

REFRAIN x2

L’état d’urgence, la pluie

Et la gendarmerie

Galères et pneus crevés

On s’arrêtera jamais

“Patates et pois cassés”

Au moins jusqu’au banquet

Et malgré la flicaille

On marche sur Versailles

REFRAIN jusqu’à voix cassée