Zone A Défendre
Tritons crété-e-s contre béton armé

Accueil > Textes > Analyses > Notre-Flamme-des-Landes

Notre-Flamme-des-Landes

lundi 11 juillet 2016

Notre-Flamme-Des-Landes

texte lu à un pique-nique organisé par le comité de soutien Blaisois

Ce dimanche 26 juin, un vote de « consultation » à propos de la construction d’un aéroport a eu lieu en Loire-Atlantique. Les observateurs attentifs n’auront pas manqué de remarquer à quel point le scrutin a été manipulé à tous les niveaux possibles, et très grossièrement. Les procédés habituels ont été utilisés pour transformer les 272.180 avis favorables – pour 1million350.000 habitants – en un glorieux 55,17% sur les écrans de tout le pays. C’est un score plutôt faible, pour des dés si lourdement pipés.

Ce pitre de Manuel Valls annonçait ce mardi à l’assemblée nationale, à propos d’un éventuel référendum (en France) sur la sortie de l’Union européenne, qu’« Un référendum ne peut servir à balayer un problème sous le tapis ; Il ne peut être le moyen de résoudre une affaire de politique nationale ». Nul doute que les résistantes de Notre-Dame-des-Landes en feront la preuve.

Beaucoup d’entre nous n’ont pas oublié le résultat du précédent référendum à propos de la constitution européenne. Nous vivons dans un pays où il est d’usage de déclencher des guerres, et l’état d’urgence, sans demander l’avis du peuple. L’utilisation récente du 49.3 et de violences policières incessantes et très brutales, pour tenter de taire la révolte contre la loi travail et son monde, montre assez le mépris qu’a la classe dirigeante de l’idée de démocratie. Le gouvernement a au moins deux autres raisons d’abandonner sa parure démocratique. La première, c’est que seuls les plus mystifiés y croient encore sincèrement. La deuxième, c’est qu’il a été élu sur un programme socialiste.

Dans ces conditions, l’essence médiatique, et non démocratique, du système de vote apparaît clairement. Il ne s’agit, au fond, que de donner quelques arguments, et un peu de bonne conscience, à des individus contraints d’accepter tous les caprices du pouvoir marchand ; Et qui voudraient conserver l’impression qu’ils sont autre chose que les serviteurs déconsidérés d’un tel pouvoir. Le spectacle politique donne la fausse impression d’une pluralité des possibilités, il entretient des illusions pour mieux les décevoir.

Ce que chacun expérimente quotidiennement, c’est qu’il n’y a pas de démocratie véritablement possible dans le système de production-consommation, où l’on tente de nous enfermer. Un tel système ne peut être que dirigé par une minorité en position d’imposer ses choix. Qui peut contester les décisions de son patron ? de son parti ? de sa chaîne de télé ou de son supermarché ? L’Internet "participatif" ne fera pas mieux. Ce vaste monde est usine dont le produit final est soumission. La chaos climatique, culturel et humain qui nous frappe de plus en plus durement ne sera pas résolu par une quelconque organisation au pouvoir. De telles entités n’en ont ni l’intérêt, ni les moyens. Elles se sont bâties sur le mensonge, se perpétuent par le mensonge et mentent désormais sur leur inévitable effondrement. Déçues par les fausses solutions, et les faux semblants, certaines d’entre nous ont décidé de tenter de devenir une part de la solution, plutôt que de continuer à être une part du problème.

La victoire obtenue par les résistantes de Notre-Dame-des-Landes, c’est d’avoir fait la preuve qu’il est possible de se dégager de cette société du chantage. La recette, en théorie, est bien simple : il s’agit d’autonomie. Construire son habitat, cultiver ses légumes, publier ses idées, prendre possession des routes et des champs. Reprendre en mains tous ce qui compose nos vies, ensemble, et résister à l’ennemi. Ici, la question de l’aéroport n’est qu’accessoire. Le véritable enjeu, c’est d’ôter le contrôle de nos vies à cette vaste mafia que l’on appelle « mondialisation économique ». Il n’est pas question de retour en arrière, de réintégration au cours de la normalité après une pseudo-victoire. Au contraire, nous sommes l’une des bases logistiques disponibles pour celles et ceux qui veulent rejoindre l’aventure. L’équivalent moderne de ces réseaux d’évasion d’esclaves.

Notre projet s’oppose totalement, et définitivement, aux propriétaires de la société. Pour eux aussi, cela fait bien longtemps que la question n’est plus celle de l’aéroport. Ce qu’ils voudraient cacher ; et que nous avons tout intérêt à montrer. Là est le sens profond de cette soi-disant consultation : envoyer l’armée mutiler la résistance au nom la démocratie.

Ce nouvel assaut militaire, il est improbable que nous puissions y résister par la force. Notre grande connaissance du terrain, et le vaste soutien populaire dont nous bénéficions, sera peu de choses face à un état plus violent que jamais. Ce qui peut nous tirer d’affaire, c’est une contre-offensive d’une ampleur et d’une puissance inédite. L’assaut sur Notre-Dame-des-Landes sera, nous l’espérons, l’occasion de déstabiliser durablement la force autoritaire qui sévit, partout dans le monde, au nom de l’intérêt économique. Elle sera l’occasion, aussi, de multiplier ces expériences d’autonomie dont découlent des modes de vie bien plus riches, bien plus beaux, que tout ce que leur monde pourra jamais nous proposer.

Le conflit à venir est l’opportunité de nous rassembler pour se dire nos volontés, nos espoirs, nos désirs. Et peut-être, ensemble, découvrir comment bâtir des mondes qui correspondent à nos attentes, et que personne ne bâtira pour nous.

Camille