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Texte des barricadiers des mots

vendredi 13 avril 2018

Ce que vous ne pourrez pas détruire

Après les barricades de mots, de nombreux « intellectuel·le·s » joignent le geste à la parole. Et appellent à rejoindre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour former des barricades de corps qui pourraient de nouveau faire face aux bulldozers, dès ce dimanche, dans le cadre d’une manifestation de réoccupation.

En novembre 2016, nous avions à l’invitation de la bibliothèque du Taslu, érigé de symboliques « barricades de mots et de livres » et un abécédaire pour marquer la solidarité du monde des livres, des lettres et des savoirs à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. « La ZAD, écrivions-nous alors, n’est pas une "zone de non droit" : c’est un monde d’auto-organisation, de création de communs hors de la marchandise, d’échange de savoirs et d’agriculture paysanne, de féminisme et de solidarité avec les migrant·e·s, un monde où se déploient de nouvelles façons d’habiter le territoire et de se soucier du vivant. C’est un puissant terreau qui fertilise les imaginaires politiques, un lieu auquel nous sommes puissamment attaché·e·s, une richesse que nous sommes résolus à défendre ».

L’abandon du projet d’aéroport a confirmé, s’il en était besoin, la justesse de cette lutte. Mais depuis lundi, et alors qu’un dialogue était possible, une opération quasi-militaire est venue détruire des lieux de vie, des troupeaux, des fermes collectives, et blesser des habitants là où une douzaine d’enfants sont nés ces dernières années. Cette semaine sanglante ne peut nous laisser indifférent·e·s.

Ce que les milliers de soldats et le gouvernement ont cherché ici à éradiquer, c’est la singularité d’un lieu. C’est la beauté d’un bocage habité qu’on a voulu bétonner. Ce sont des mares et des tritons que des experts de la « compensation » entendaient déplacer ailleurs. C’est la poésie d’un habitat léger construit à des milliers de mains. C’est une joie de vivre (et parfois de s’engueuler) sans acheter ni déléguer. Bref c’est la récalcitrance d’un territoire-commune aux logiques d’aménagement infrastructurelles comme de valorisation financière.

Ce que Macron, Hulot et Collomb ont cherché à annihiler sous les bulldozers, c’est l’idée même qu’il puisse être possible d’habiter quelque part en France et de travailler la terre en dehors des cadres et des normes de l’agriculture productiviste, de l’endettement au Crédit Agricole et de la propriété privée.

Ce que ce gouvernement a voulu faire disparaître dans le fracas des grenades, ce sont les traces d’une victoire porteuse d’espoir. C’est l’écologie d’un laboratoire des nouveaux mondes. C’est la possibilité d’une brèche.

Cela fait maintenant plusieurs années que les traces de l’Université de Vincennes ouverte en 1968, de ses fulgurances d’intelligence et ses alternatives pédagogiques, ont été rasées dans le bois de Vincennes, comme pour éradiquer jusqu’au souvenir même d’avoir osé vouloir changer le monde et partager les savoirs. Nous ne pouvons laisser une éradication similaire s’opérer à Notre-Dame-des-Landes.

Après les barricades de mots nous, « intellectuel·le·s », joignons le geste à la parole. Ayant rejoint la ZAD, nous appelons nos collègues, et toutes les personnes indignées par ce déferlement de violence, à se joindre aux barricades de corps qui pourraient de nouveau faire face aux bulldozers, à prêter main forte aux cantines et aux chantiers qui déjà reconstruisent. Dès maintenant ainsi que dimanche à la manifestation de réoccupation.

https://www.youtube.com/playlist?list=PLL5yxK1kDxqv10MFPXx_WtEuUaFYGx0KX

Les signataires :

Sara Aguiton, chargée de recherche CNRS
Sandra Alvarez de Toledo, éditrice de l’Arachnéen
Santiago Amigorena, écrivain et réalisateur
Geneviève Azam, professeure honoraire Université Toulouse
Ludivine Bantigny, maîtresse de conférence Université Rouen
Anne E. Berger, professeure Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
Christophe Bonneuil, directeur de recherche CNRS
Dominique Bourg, professeur Université de Genève
Sylvaine Bulle, professeure Ecole nationale supérieure d’architecture Paris Val de seine
Isabelle Cambourakis, éditrice
Marion Carrel, maîtresse de conférence Lille-3
Denis Chartier, maître de conférence Université Orléans
Yves Citton, professeur Université Paris 8, revue Multitudes
Jean-Baptiste Comby, maître de conférence Université Paris 2
Philippe Corcuff, maître de conférence IEP de Lyon
Alain Damasio, romancier
Stéphanie Dechézelles, maîtresse de Conférence Sciences Po
Jules Falquet, maîtresse de conférence Université Paris Diderot
Vincent Gay, maître de conférence Université Paris-Diderot
Jérôme Gleizes, professeur agrégé Université Paris 13, EcoRev’
Barbara Glowczewski, directrice de recherche CNRS, médaille d’argent du CNRS
Emilie Hache, maîtresse de conférence Université Paris-Nanterre
Hugues Jallon, Éditeur aux Editions du Seuil et écrivain
Michel Kajman, journaliste
Hervé Kempf, essayiste
Michel Lallement, professeur Cnam
Sandra Laugier, professeure Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Christophe Laurens, architecte
Stéphane Lavignotte, pasteur et militant écologiste
Frédéric Lordon, directeur de recherche CNRS
Lilian Mathieu, directeur de recherche CNRS
Hélène Merlin-Kajman, professeure Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Catherine Neveu, directrice de recherche CNRS
Héloïse Nez, maîtresse de conférence Université de Tours
Albert Ogien, directeur de recherche CNRS
Maurice Olive, maître de conférence, Université d’Aix-Marseille
Alessandro Pignochi, auteur
Sylvain Piron, directeur d’études à l’EHESS
Geoffrey Pleyers, professeur Université de Louvain & collège d’Études Mondiales
Geneviève Pruvost, chargée de recherche CNRS
Josep Rafanell, psychologue
Kristin Ross, professeure honoraire New York University
Pablo Servigne, auteur
Yves Sintomer, professeur Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
Jean-Louis Tornatore, professeur Université de Bourgogne
Dénètem Touam Bona, écrivain
Mayette Viltard, éditrice L’UneBevue