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Tritons crété-e-s contre béton armé

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LETTRE OUVERTE

jeudi 19 avril 2018

LETTRE OUVERTE à M. Macron, M. Philippe et son gouvernement, aux fonctionnaires de police ou de l’armée, et à ces messieurs et dames de la Gendarmerie nationale.

Nous sommes venus du sud pour soutenir nos concitoyens sur la zone occupée de Notre-Dame-des-Landes. Nous sommes des femmes et des hommes, nous sommes ingénieur.e.s, restaurateurices, chômeur.e.s, professeur.e.s, artisan.e.s, étudiant.e.s et ouvrier.e.s ; nous sommes un nombre indéterminé, peut-être cinquante, peut-être 500, sûrement plus. Nous n’avons ni âge ni couleur de peau ; nous sommes citoyens de la République française. Nous ne nous sommes pas concertés pour venir, nous avons tou.te.s eu un raisonnement simple : la ZAD, habitée par nos ami.e.s, nos camarades, est occupée de manière illégale et illégitime par les personnels de la gendarmerie depuis dix jours.

Sur place, nous nous sommes retrouvé.e.s dans la joie et la bonne humeur ; nous avons eu la surprise de découvrir que des camarades convergeaient des quatre coins d’Europe pour défendre les droits et les libertés de nos ami.e.s installé.e.s dans le bocage nantais. Catalans, Grecs, Basques, Belges, Anglais, Italiens, Polonais, Irlandais, Portugais, Slovènes, Allemands, Suisses : nombreux sont ceux et celles qui ont abandonné leurs habitudes quotidiennes pour rejoindre la lutte. Nous parlons mille langues, mais nous ne connaissons qu’un seul langage qui est le langage universel de l’amour révolutionnaire. Pour permettre à nos camarades de préserver leur vie et leur travail, nous tiendrons les barricades sans faillir, nous regagnerons les terres volées, et nous reconstruirons à mains nues et en chantant par-dessus les ruines laissées par vos engins. Nous éplucherons des patates, nous couperons des oignons, et nous cuisinerons, tous les jours, de quoi nourrir les milliers de personnes qui participent à cette belle aventure.

Nous n’avons pas peur : nous sommes ici pour protéger les activités agricoles et culturelles que nos ami.e.s ont mis en place laborieusement, année après année, malgré la menace constante d’expulsion qui pèse sur leurs têtes et sur leur travail.

Nous n’avons pas peur, car nous sommes habité.e.s par le sentiment de justice ; nous n’avons pas peur, car Marianne a pris notre parti. Nous n’avons pas peur, car nous sommes la devise de la France.

Nous n’avons pas peur, car nos motivations sont cent fois supérieures aux vôtres. Nous n’avons pas peur, car nous sommes déterminé.e.s à ne jamais laisser les forces armées s’emparer d’un espace où se construit présentement l’avenir de la nation.

Nous n’avons pas peur, car nous ne craignons ni les gaz lacrymogènes, ni vos grenades offensives. Nous n’avons pas peur, car chaque fois que vous blessez notre corps et notre planète, notre âme sera renforcée. Nous n’avons pas peur, car quand un camarade abandonne la lutte, cinq autres la rejoignent.

Nous n’avons pas peur, car par-dessus le fracas de vos hélicos et de vos blindés, s’élève tous les matins le chant des oiseaux.

Nous vous adressons aujourd’hui un message, qui n’est pas une supplication, ni un avertissement. Ce que nous vous disons, c’est que les dépenses faramineuses que vous effectuez chaque jour se heurteront systématiquement à la détermination sans faille de nos poches vides. Nous n’avons ni argent, ni armes, mais nous avons l’avantage de l’idéal et la conscience que c’est notre grande famille que nous aidons. Nous inciterons tous les jours les gendarmes à cesser leurs exactions, car ils sont, eux aussi, nos concitoyens, et qu’ils ont sans doute mieux à faire que de risquer leur vie et leur honneur dans cette lutte perdue d’avance. Nous tenons à vous rappeler que Notre-Dame-des-Landes n’est que la partie émergée de l’iceberg ; nous tenons à vous rappeler que partout, en France, en Europe et dans le monde, nous ferons résonner nos chants de liberté. Ce qui se passe dans le bocage nantais n’est que le prélude à l’insurrection pacifique qui noiera vos projets débiles sous un océan de créativité. En Bretagne, mais aussi dans la Meuse, en Auvergne, dans les Vosges, en Ariège, dans les Cévennes, en Bourgogne ou en Occitanie, dans les Alpes ou dans les Pyrénées, dans les universités et au CNRS, dans nos âmes et dans nos cuisines, en ville comme au fin fond de la campagne, nous habitons ensemble, connectés par notre rage et notre idéalisme, et nous construisons à la force de l’idéal un monde où vos explosions, vos caméras, votre violence aveugle et votre déluge de béton n’ont pas droit de cité.

Bien au-delà des conflits internes, des querelles partisanes, et du syndicalisme de la vieille école, nous sommes habité.e.s par un indéfectible sentiment d’unité. Les compagnon.ne.s qui luttent en ce moment pour sauvegarder le service public, cheminots, instits, auxiliaires de vie, médecin.e.s et infirmièr.e.s, avocat.e.s et éducateurices, sont une partie de notre élan. N’ayez pas peur de nous, car nous sommes vos frères et sœurs, vos cousins, vos enfants, vos grands-parents ; n’ayez pas peur de nous, car le jour où vous abandonnerez la duperie, la lâcheté, la vanité, l’appât du gain et la servilité, vous serez les bienvenus dans notre cohorte.

Veuillez agréer l’expression publique de nos sentiments les plus fraternels, égalitaires et libertaires.

Camille