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Plus de frangines, plus de frangins

samedi 9 juin 2018

Ce texte a été suspendu temporairement car on avait l’impression qu’il n’avait pas été écrit par des personnes concernées. Ce sentiment était justifié lorsque l’on observe comment la question de classe a parfois été utilisée par des dominants. Ce texte est né d’une rencontre entre personnes issues des quartiers populaires blanches et non blanches. Elles tiennent à vous informer que lors de l’écriture de ce texte, elles ont assurer un contrôle politique à savoir que des personnes non concernées ne pouvaient le modifier. Aussi, ce texte n’engage pas toutes les personnes issuses des quartiers vivant à la ZAD. Elles restent ouvertes à une discussion constructive si des personnes le souhaitent.

Nous, enfants d’ouvrières, de chômeuses, de galériennes, le plus souvent, sommes né-e-s dans les quartiers populaires construits par les nôtres qui avaient été chassés auparavant de leur terre et déplacé-e-s de force et nous avons fait le choix de venir vivre à la ZAD de Notre-Dame des Landes et, comme avant et ailleurs, assumons de se battre contre la police coloniale et de garder un bout de terre pour rester libres. Comme dans certains de nos quartiers, la ZAD est un territoire libéré du contrôle policier où nous pouvons éviter les contrôles d’identité, et tout ce qui va avec : les coups de pressions, les insultes, les coups qui traumatisent nos corps et l’intérieur de nos têtes. On a quitté la ville et nos quartiers car on est saoulé de vivre dans des territoires de plus en plus occupé par la police et l’armée et subir comme les générations précédentes ce système qui veut faire de nous une chaire à canon ou de simples ouvrier-ère-s, contraint-e-s de se lever tôt car vivant loin de leur lieu de travail, ou de survivre avec le RSA ou les indemnités de chômage.

Arrivées à la ZAD, nous avons vu un collectif divisé à cause des stratégies du gouvernement, et des divisions qui reproduisent des dominations sociales et économiques que nous combattons déjà en partie, tel le racisme, le colonialisme, le système des castes et des cases. Beaucoup d’entre nous n’ont pas fait d’étude, ici, il y a peu de gens issus des quartiers, et encore moins, celles qui subissent personnellement le racisme au quotidien. On remarque qu’on ne peut s’exprimer librement dans les assemblées, soit parce que l’on a pas acquis le langage universitaire, soit parce que nous refusons d’utiliser la langue réservée à une élite. Nous constatons que les groupes qui dominent les assemblées, se réservent les médias et ne sont pas cibles des opérations d’expulsion, sont le plus souvent à l’arrière, à des postes au sec (communication, médias, constructions inutiles vu le contexte....) et envoient nos sœurs et frères des quartiers comme chair à canon, en première ligne, sur le front, les barricades ou les lieux qui subissent le plus de pressions policières au quotidien. Ces personnes ont très peu de considération et de solidarité envers celles et ceux qui ont été la cible de la première vague d’expulsion et de la prochaine qui démarrera, selon le gouvernement, le 14 mai 2018. Après avoir utilisé les sœurs et frères pour lutter contre l’aéroport, aujourd’hui certains agriculteurs les insultent dans les assemblées et sur les barricades.

Les violences subies ici sont extrêmes : tirs tendus de flashball à la tête et dans le dos, matraquages, gazages intensifs, impossibilité de récupérer des blessés ou de les extraire de la ZAD alors que des soins urgents et vitaux sont nécessaires. Le dimanche 15 avril, de nombreuses personnes, dont des familles avec enfants, sont venus soutenir la ZAD et elles ont subi le même sort.

L’opération de maintien de l’ordre en cours nous fait penser à la répression des révoltes de 2005 et nous voyons ici la même division entre la jeunesse issue des quartiers et la jeunesse des classes privilégiées. Comme en 2005, la jeunesse pauvre subit la répression et une partie de la jeunesse des classes moyennes et aisées négocie avec l’État qui leur donnera quelques miettes pour continuer la division.

Mais nous gardons espoir car depuis le 9 avril, nous avons de plus en plus de frères et sœurs des quartiers venus défendre la ZAD et qui continuent de tenir le rapport de force contre les milices de l’État français. Certain-e-s d’entre nous veulent rester ici et développer des projets pour les nôtres, sans subir la répression quotidienne du système des castes et des cases et affirmer des espaces spécifiquement dédiés pour les luttes des quartiers populaires, à savoir les luttes contre les violences policières, le système carcéral, le racisme, le colonialisme, le sexisme, l’homophobie... !

Nous ne voulons pas laisser la ZAD à des personnes, dont certaines cumulent des privilèges (économiques, matériels,....), qui s’organisent déjà pour récupérer des fonds et racheter l’ensemble des terres occupées. A chaque instant, nous luttons à notre manière pour affirmer à celles et ceux qui nous méprisent et oublient souvent nos luttes contre la répression que nous subissons, que vous subissez chaque jour, qu’ils aillent exercer leurs privilèges en dehors de la ZAD, et non pas, comme c’est le cas à ce jour, contre la résistance de notre classe sociale qui, ici, comme ailleurs, est la plus réprimée par l’État.

Nous ne supportons pas que certains agriculteurs qui nous ont demandé du soutien viennent sous notre nez, en toute impunité, épandre des produits chimiques dans les champs, pratiques des cultures et élevages massifs, concentrent entre leurs mains de vastes territoires agricoles, après une lutte conjointe qui a duré plus de quarante ans.

Nous ne voulons pas que leurs produits agricoles finissent, une fois de plus, dans l’assiette de nos familles, de nos sœurs, de nos frères, de nos potos qui doivent pouvoir aussi se nourrir sainement malgré la galère pour payer le loyer, faire ses courses, vivre dans des tours de béton péraves... !

Des gent-e-s fiers d’être issu des quartiers populaires

Justice et dignité

Contact : solidariteentrelespeuplesopprimes@riseup.net