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Pourquoi j’aime la ZAD

dimanche 20 janvier 2013

Je me souviens du rassemblement à Lézan en 2011. C’était la fin du mois d’aout, nous étions quelques milliers à la convergence citoyenne pour la transition énergétique. Cette rencontre s’inscrivait dans la continuité des mobilisations d’oppositions à l’extraction des gaz et huiles de schistes. Il y avait un village des possibles où étaient présentés techniques d’auto-constructions, savoirs faire artisanaux et ateliers variés. C’était un lieu de rencontres et de fêtes avec des conférences la journée et une scène musicale la nuit tombée. Pour la première fois j’ai entendu parler de la ZAD représentée par le bibliobus qui tournait dans toute la France. Cette année là j’étais étudiant et j’habitais à la campagne. J’étudiais la géographie du développement. Instruit des disciplines diverses de la sociologie, de l’urbanisme, de l’économie, de l’environnement je suis le sujet et l’agent du développement. Je suis repu de développement, j’ai appris à penser "acteur", "projet" et "durabilité". Tout cela a décanté dans mon esprit alors que je préparais les champs et semais les graines d’un jardin potager. C’est ainsi que j’ai apprécié cette année là. Au mois de septembre je suis retourné en ville. Je ne pensais pas que se serait si compliqué. Ce que j’avais vécu à la campagne n’était pas transposable en ville. Trois mois plus tard j’étais expulsé de mon logement et convoqué au tribunal. Je souhaitais m’approprier le droit à habiter la ville, à construire un environnement sain autour de moi, à rendre vie à un lieu abandonné depuis une dizaine d’année. Après cinq années d’études universitaires je comprenais que ce qui m’était offert, ce pourquoi j’avais pris tant de plaisir à apprendre serait un travail avec emploi. Après avoir été étudiant j’allais être reconnu selon la qualification de mon emploi.

Et puis, là, ça pète.

Après un mois de répression sur le site du futur aéroport - projet caduc - j’étais là haut à manifester le 17 novembre contre l’aéroport et son monde. Cette semaine est passée si vite. Je me souviens de ces longues balades à découvrir cette étendue, des repas conviviaux et des matériaux transportés de mains en mains. Dans mes mains aussi. Je suis parti et revenu. Au début du mois de janvier les lieux ont changé mais pas tant que ça, il y a de nouvelles cabanes. Je me souviens de ces moments où j’ai souhaité me sentir utile alors j’ai préparé les repas, ramassé du petit bois ou cherché de l’eau potable. C’est dans le quotidien qu’apparait le sentiment de rendre service aux autres. Les choses utiles sont les images d’activités productives et réalisées dans l’effort comme si le don de soi, l’échange et l’empathie ne nous étaient pas donnés et qu’une fois de plus nous devions l’acquérir. Or le silence, la détente et le geste mesuré sont tout autant performant que l’acte anticipé et reproduit. Je me souviens aussi des moments à visionner un film le soir à la Châtaigne - un lieu de vie sur la ZAD - et des moments de débats intenses jamais interrompus où s’échangent les positions et où se crée le lieu. L’opposition au projet d’aéroport est un consensus minimal. Par les faits, comme au quotidien, nous voila opposés aux forces de l’ordre et à résister contre toute destruction du bocage. Nous voilà confrontés à notre manière de s’abriter, de manger, de construire et de s’organiser. C’est par l’opposition - la création du conflit - dans un monde pacifié que s’est érigée une zone autre. Depuis longtemps nous avons rêvé de cette zone totalement libre. Donc la ZAD est une expérience concrète, qui a été longtemps espéré par ceux qui l’habitent, et qui n’est jamais aboutie. Elle est le ferment de l’amour et de la solidarité. Nous avons accepté bien plus de choses que ce que nous refusons aujourd’hui. Nous savons faire avec, c’est à dire nous déguiser, récupérer ce monde autour du nous. Mais en plus là-haut ceux qui refusent encore ont la parole et nous les écoutons. Derrière l’opposition à l’aéroport se cache un mouvement grandissant qui nous concerne tous. C’est la reconnaissance du droit à la vie bafoué par des projets si loin du cœur des hommes. Ce que nous voulons n’est pas de se complaire mais plutôt ouvrir les portes, étendre dans les territoires, dans les cœurs et les habitudes des hommes une vision épanouie de la vie sur terre.

Amebrille, janvier 2013