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Texte en soutien aux féministes de la ZAD et en réponse à « Appel aux femmes de la ZAD »

vendredi 22 mars 2013

Le texte suivant est une réponse à une émission de radio intitulée "Appel aux femmes de la ZAD" et nous a été soumis pour publication. L’émission de radio ne nous a pas été transmise.

Une émission enregistrée par des rennais-e-s s’attaque de manière virulente aux féministes de la ZAD. Les discours soutenus dans cette émission sont un recyclage de théories antiféministes bien connues. L’antiféminisme invalide, en effet, toute revendication féministe, stigmatise tout comportement associé à ce mouvement et vise à dévaloriser toute prise de position en faveur de l’égalité entre femmes et hommes. On souhaite, ici, apporter notre soutien aux féministes de la ZAD en déconstruisant point par point ces arguments, qui représentent une réelle défense des intérêts masculins. En effet, en refusant de questionner les rapports homme/femme, ces personnes ne font que reproduire l’idéologie dominante.

Mais bon sang, les féministes ! Arrêtez vos jérémiades ! Les femmes n’ont pas (en plus) besoin de s’appesantir sur leur sort ! Allez soyons sérieuses, c’est du délire : permettre aux femmes ayant subi des violences de se reconnaître comme victimes pour se reconstruire ? Arrêter de culpabiliser et croire que le problème est avant tout un fait social et non une faute individuelle, mais où allons nous ?! Trêve de plaisanterie : NON, les féministes ne sont pas des femmes geignantes, désirant être plaintes. Nous disons simplement que lorsque les femmes sont effectivement discriminées, il serait hypocrite de ne pas analyser et dénoncer la problématique de cette discrimination juste pour pouvoir maintenir l’illusion d’égalité. Alors, OUI, les féministes voient les violences comme l’indice d’une inertie sociale et une arme pour perpétuer les inégalités entre hommes et femmes ! Les féministes n’auraient « pas d’amis mais des complices de leur médiocrité ». Nous, féministes, sommes accusées de poser un discours victimaire qui présente les femmes comme vulnérables, dominées et sans défense. Pire encore, le statut de « victime » créerait les conditions d’une nouvelle menace auto-réalisatrice. Comme la prophétie du même nom, si tu deviens une victime c’est que tu l’as bien cherché... parce qu’au fond tu aimes ça hein ? Or, dire cela n’est-ce pas déplacer et nier le problème ? N’est-ce pas préférer passer sous silence les discriminations, inégalités et violences que subissent les femmes en accusant les féministes de créer des figures de femmes « faibles » et de provoquer ainsi leur enfermement dans la domination ? Et d’une pierre deux coups, on fait ainsi peser la responsabilité du système patriarcal sur les dominées ! Classique stratégie argumentative des dominants...

Se définir en tant que « femmes » n’est pas une recherche d’enfermement dans une identité. Au contraire, se reconnaître en tant que classe de femmes, c’est reconnaître l’oppression propre que l’on subit, savoir que ces agressions ne sont pas des cas isolés. Cela constitue un point de départ pour mieux dépasser l’identité de genre imposée par la société. Et dans ce cas, OUI, la non-mixité est un moyen politique pour que les opprimées puissent définir elles-mêmes leur oppression, pour que leur expérience de la violence morale et physique puisse se dire librement. Et qui plus est, quel chantre de la mixité oserait nous asséner que ce mode d’organisation est rétrograde alors que la non-mixité a été l’invention d’un nouvel outil politique efficace pour combattre la domination masculine ? Allez, un petit effort, sortez du préjugé qui consiste à croire que les groupes non-mixtes de femmes seraient des groupes thérapeutiques, de lamentations. Et oui, on prend (aussi !) du plaisir dans la lutte féministe qui est faite d’enthousiasme, de joies, de plaisirs, d’émancipation, de nouvelles rencontres, d’amitiés et d’amours.

Quoi les féministes « vivent dans l’angoisse existentielle du viol » ! Y’a t-il encore de bonnes raisons pour croire une telle ineptie !? A y regarder de plus près... hum... ah oui... sans doute... le viol est plus une réalité qu’un fantasme (75000 viols/an). Qu’on ne s’y méprenne pas, l’illusion d’une égalité au sein d’une « meute mixte » révolutionnaire qui échapperait à la société patriarcale, vient à notre sens renforcer le dit système patriarcal et cristalliser des comportements violents. En effet, le viol c’est surtout dans le cercle proche et dans l’entourage des victimes qu’il se produit. Aussi, les amitiés nouvelles ne protègent en rien des agressions sexuelles. Mais ne tremblez pas, la solution est à portée de main... En cas de viol, un conseil : « regarde ton agresseur en face et dis-lui : défonce-moi, je suis une salope », tu le désarmeras à coup sûr ! Allez, donne moi encore un peu de ta potion magique... même si je ne suis pas tombée dedans quand j’étais petite. Dans cette optique, se déclarer féministe perd certainement tout son sens. En effet, dans ce discours où les violences sont présentées comme les résultats de choix et de ressentis individuels, où les dominations semblent comme déconnectées de toute dynamique collective et détachées de concepts tel que la domination masculine ou la société patriarcale, c’est sauve qui peut ! Et … t’as qu’à être forte ! Parce que oui, la belle incantation de la « machine de guerre mixte et gigantesque » n’y suffit pas. Même s’il est sans doute désirable d’être fort-e-s face au système capitalisto-patriarcal, suffit-il de le décréter pour y arriver ? « Orgueil », « puissance », « force », « spontanéité », « élan de vie » ne sont que les reliquats recyclés de l’idéologie libérale (androcentrée) qui prône la loi du plus fort. En somme, cette idéologie, qui suggère qu’en proposant les mêmes possibilités d’émancipation et de réussite à chacune les résultats seront similaires, oublie que, dès le départ, toutes les femmes ne disposent pas des mêmes ressources pour se défendre individuellement.

Les féministes « sont comme la métropole, elles planifient ». Elles imposeraient des dispositifs hégémoniques ainsi qu’une police du comportement et du langage qui codifieraient les rapports entre hommes et femmes. Elles refusent qu’on s’insulte « d’enculé », dommage... et on ne pourra plus dire sale bougnoule ou sale juif non plus ? Une fois encore, on retrouve les bonnes vieilles formules antiféministes. Les arguments utilisés pour dévaluer le féminisme et celles qui s’opposent à l’ordre social, sont toujours les mêmes : pour les décrédibiliser, on les présente comme un réel danger. Et cela devient : les « dispositifs pour lutter contre l’oppression sont pires que l’oppression elle-même » ! Balaises les filles ! C’est certain, tôt ou tard les féministes qui briment les hommes et dictent les conduites en viendront à briser le rêve d’harmonie de la société ! Et leur tentative d’instauration d’une forme de liberté conduira à une tyrannie généralisée. Et hop ! d’un coup de baguette magique les oppressées se retrouvent oppresseuses... Sont visés, ici, dans une simplification abusive, les outils de communication et les modes d’organisation politique qui permettent de retirer au sens propre du pouvoir aux dominants. Il est alors compréhensible que ces derniers se sentent brimés puisque tiens tiens... c’est le but ! Alors, sans sentimentalisme aucun, nous comprenons que cette insupportable offense soit difficile à vivre et qu’il vous est préférable d’accuser le formalisme de censure ou de lynchage que de lui trouver un quelconque caractère émancipateur et libératoire.

Allez... remballez vos « engins de toutes tailles », nous ne voulons pas être « dépucelées », vos confessions sur la barricade et vos poèmes érotico-émeutiers ne nous excitent pas… on préfère jouir et lutter... toutes seules !

Des Camilles de la métropole de Rennes