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18h (Wardine) ZAD, NDDL, questions d’héritages ? Discussion sur les Assemblée Générale des avortements, Nantes, 1973

vendredi 17 mai 2013

Retours sur quelques traces de luttes passées

DISCUSSIONS à la WARDINE Grange de Saint-Antoine Le long du chemin de Suez

Discussion vendredi 17 mai, 18h

Assemblée Générale des avortements, Nantes, 1973.

« L’assemblée générale n’est ainsi qu’une histoire particulière, l’histoire d’un groupe d’individus qui s’approprient un instrument particulier (la technique karman) qui lui procure une réelle autonomie, dans un moment où la division des classes dominantes, et surtout la force sous-jacente du prolétariat moderne, autorisent une subversion sans risque laissant ainsi champ libre aux esquisses d’un réel pouvoir des femmes sur elles-mêmes » L’AG des avortements

1973, l’avortement est interdit et passible de la prison. En réaction aux luttes féministes qui ont pris corps les années précédentes, des projets de loi commencent à voir le jour qui envisagent la dépénalisation de l’IVG, encadrée par l’institution médicale. Apparaît bien là la question de la gouvernementalité : pour gérer sa population l’État retire l’usage des savoirs et techniques des mains de ses administrés, pour les interdire purement et simplement ou les réserver à ses propres instruments de contrôle.

Les femmes pourtant ont toujours eu des pratiques d’avortements et, on le sait bien aujourd’hui, c’est leur interdiction qui a empêché ces techniques de se transmettre et se pratiquer dans de bonnes conditions. Et ce n’est pas uniquement de manque d’hygiène et de douleur dont il est question mais aussi d’isolement, d’urgence, de pression financière et sociale.

1973, l’Assemblée Générale de Nantes pour l’avortement s’est créée en s’emparant d’une technique (la méthode Karman, reconnue pour sa simplicité, ses risques minimes et une douleur moindre que la méthode par sonde pratiquée jusqu’alors) et a porté ce geste interdit publiquement. L’enjeu n’était pas de demander une prise en charge par l’État ; en son sein des femmes et des hommes agissaient contre un rapport d’aliénation qui les tient et pour la possibilité d’une décision dont les femmes étaient dessaisies : celle du choix de porter un enfant ou non.

L’assemblée a également posé la question de la technique comme moyen de reprendre (force et) pouvoir sur nos vies, et c’est précisément cette approche qui nous donne envie de discuter de cette expérience aujourd’hui sur la zad : Comment était pensée la transmission de ce geste ? Comment s’appréhendait la question de la spécialisation ? Pourquoi ce choix de la forme Assemblée Générale ? Cette expérience aurait elle pu se poursuivre après la légalisation de l’avortement ? Comment, d’après leurs termes, "faire de l’appropriation d’une technique le renversement d’un rapport social" ? Car c’est bien avec des visées explicitement révolutionnaires que pendant deux ans l’Assemblée s’est réunie en tentant de répondre à un besoin vital pour des centaines de femmes.

Ces questions nous intéressent parce qu’elles sont inhérentes à toute expérience qui cherche les moyens de sortir d’une dépossession, et ce sur tous les plans de la vie. La ZAD nous pose de telles questions, sur le rapport au territoire, à la terre, à la vie autre qu’humaine, à la production agricole. Par exemple, il nous semble qu’une expérience comme « Sème ta zad » amène aujourd’hui à s’interroger sur la question basique mais essentielle du besoin de se nourrir et des moyens de produire Qui produit ? Pour qui ? Comment ? Et surtout, comment les pratiques qu’on sera amenés à développer ne perdront pas de vue qu’il y a aussi un monde à renverser ?

ZAD, NDDL, QUESTIONS D’HÉRITAGES ?

Pour commencer...

Tout pousse à la ressemblance quand plusieurs dizaines d’années après Plogoff et le Larzac, des milliers de manifestants se réunissent contre un nouveau projet d’infrastructure. Un fil immédiat se tisse comme une filiation incontournable qui invite à épouser les formes déjà éprouvées, sans jamais les dépasser. Il suffit pourtant de passer quelques jours sur la zad, dans les cabanes, dans les fermes, sur les barricades ou encore dans les assemblées, pour observer que cette lutte n’est pas entrain de s’enfermer dans l’imaginaire saturé des grandes mobilisations passées. Quelque chose s’invente ici, à la croisée entre des héritages historiques, des désirs immédiats et des projections vers l’avenir.

Cette lutte est exemplaire parce qu’elle réunit cette composition de gens, plutôt différents, mais solidement attachés à l’idée que cet aéroport ne verra pas le jour. C’est sa force de circonstance et sa faiblesse dans le temps. Elle est un point de concentration de ce qui cherche à sortir des impasses du présent, et qui le cherche parmi des dizaines de chemins possibles. Qu’on se le dise, peu d’entre nous ont déjà eu l’occasion de mener une lutte sur un temps aussi long, avec aussi peu de personnes qui se ressemblent. C’est une drôle de composition qui nous réunit là, et une drôle d’intuition qui nous aide à tenir tête, face à bien plus armé que nous.

D’aucun diront qu’il faut tirer un trait sur le passé, partir de notre déracinement pour construire à nouveau, d’autres affirmeront au contraire que c’est dans le passé que nous trouverons réponses à nos questions. Nous autres qui écrivons cette invitation croyons plutôt qu’il faut saisir ce qui circule entre les temps, qu’il faut incorporer certaines traces que le passé nous a laissé, et les charger de conséquences, ici et maintenant. Nous voulons trouver un rapport avec les luttes qui nous ont précédées, qui ne soit ni mimétique, ni conjuratoire.

Avec l’arrivée des beaux jours, et le calme précaire que le préfet de Nantes s’est trouvé contraint d’installer (et qui pourrait durer quelques temps encore), nous proposons plusieurs moments de discussions avec des acteurs de certaines luttes qui ont retenu notre attention. Des luttes qui ressemblent fort à celle que nous menons, d’autres plus urbaines, qui font echo à certaine pratiques dont nous nous emparons.

Deux discussions sont déjà programmées pour le mois d’avril et mai, dans la grange de la WARDINE (le long du chemin de Suez), d’autres suivront certainement.