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De retour du FestiZad

mardi 16 avril 2013

Le Comité de soutien NDDL Savoie (73) m’avait demandé d’écrire un petit truc suite à mon passage au FestiZad, en janvier.

Je retrouve ce texte, et comme il s’agit en partie de vous, qui habitent sur place, je vous le livre ci-dessous :


La ZAD, on en parle, on en parle, ça pourrait être presque lassant, la routine, mais c’est sans compter l’énergie qui émane de ce lieu, de ces habitant.es, qu’ils soient locaux ou néo, entre 4 murs, 4 planches ou sous une toile. Quelques jours passés au Camp Climat en 2009 et au Village de Réflexion Anticapitaliste en 2011 ne m’ont pas permis de "sentir" l’endroit. Il fallait donc que j’y retourne, j’ai profité du moment du FestiZad (janvier 2013).

J’aime bien arriver en avance, quelques jours, pour participer à la préparation sinon je me sens "touriste", mais là c’était impossible, je n’ai pu arriver que le vendredi soir. Je pose mon véhicule, dans lequel je dors, à La Paquelais et sors mon vélo d’enfant (la bonne taille pour ma voiture) pour faire un tour des environs, en faisant attention à ne pas me cogner les genous dans les oreilles. Deux remarques : j’ai mal apprécié l’échelle sur la carte, c’est bien plus grand que je pensais, et la Bretagne n’est pas une zone plate. Bon, de toutes façons il fait nuit, en sueur je rentre mon vélo, chausse les bottes et suis le défilé irrégulier et alternatif qui conduit probablement sur le lieu du FestiZad.

La route qui y mène est interdite aux voitures, et c’est une bonne chose car il y a juste de la place pour les piétons. La police s’en occupe, c’est sympa car sinon il aurait fallu des bénévoles pour le faire (j’ignore s’ils se sont rendu compte de la situation, habitués qu’ils sont à bloquer les routes par ici). 2 à 3 km plus loin, nous y voici. Un plat chaud est servi, l’espace est immense, quelques chapiteaux sont montés. Déjà on sent la douce et puissante énergie, à voir ce qui a été fait malgré les conditions (climatique, police, moyens), et bien fait. Le champ est un lac de boue compacte, on s’enfonce au pire de 10 cm, c’est navigable et joyeux.

Le lendemain je me pose à L’Épine, pour être plus près, préférant la marche au vélo. Je passe au point "Hors Contrôle" afin d’apporter quelques objets utiles. Lieu d’accueil, de discussion, de sourires. Sur la route, un barrage de police interdit le passage. Ils me disent que je peux passer dans le champ, juste là, à 2 m, mais pas sur la route. C’est déroutant. Quel drôle de métier.

La grande scène s’installe au rythme de la techno dont le coeur bat 24h/24 à 200 m de là. Étant du métier je voulais proposer mon aide, mais j’ai vu qu’il y avait plutôt plus de personnes que de choses à faire. Le pétrissage a fait son oeuvre et maintenant il arrive qu’une botte reste enfouie, et on commence à assister à de drôles de balais improvisés. Certains voudraient installer un parquet de danse, ce qui fut fait : une armature de branches sur laquelle sont déroulées des balles de foin ou de paille. Là encore, plus de mains que de scies, plus de bras que de branches à porter. Maintenant on peut même s’asseoir ! Le soir, quand on s’éloigne un peu de ce tapis, on comprend pourquoi les bottes montent si haut, le champ est plus profond à certains endroits et la chorégraphie individualiste de l’après-midi s’est transformée en groupes de solidarité pour sortir les téméraires de là, accompagnés de leurs fou-rires.

J’ai peu assisté aux concerts, je fuis plutôt les festivals et même là j’ai eu envie d’aller voir ailleurs. J’ai parcouru au hasard de nombreux chemins, sentiers de jour et de nuit. La forêt de nuit, avec l’eau omniprésente, est impressionnante et magique comme dans les contes, la lampe de poche remplaçant la Lune occupée ailleurs.

À l’image de cette belle auto-organisation, celle des visiteur.es faisait plaisir à voir. Je n’ai pas vu ça dans les quelques articles que j’ai lu, pourtant un.e journaliste "normal" devrait trouver cette situation remarquable : personne pour guider les voitures, pas de parking, pas de panneau indiquant la direction, plusieurs km à parcourir à pied pour arriver dans un piège à baskets où il n’y a même pas une baraque à frites, où le pogo devient une discipline sportive réservée aux acrobates, ça doit faire rêver les organisateurs de festivals qui dépensent des fortunes en services divers.

Dimanche, je n’ai pas été sur place, le coeur battait encore au loin. Notre-Dame-Des-Landes ressemblait à une petite station touristique animée de l’ouest de la Bretagne, seul le look des touristes et de leurs véhicules laissait imaginer qu’il y avait un truc en plus.

Je suis repassé jeudi pour apporter de la part d’un copain du matériel de sono pour Radio Klaxon, qui émet sur la Zad. Changement d’ambiance. Les longues files de fourgons et autres véhicules garés ont disparues, c’est silencieux, je me sens bien seul au barrage, ils fouillent mon sac, ils semblent s’ennuyer, ils viennent à plusieurs, s’inquiètent de voir du matériel de sono "il y a une fête ce soir ?" que j’ai senti comme "on va encore faire des heures sup...".

Arrivé au point "Hors Contrôle", qui ressemble à une place du village, le calme environnant est présent dans le regard de chacun.e, qui discute ou fait la vaisselle. Le coeur ne s’entend plus mais il se sent. =====================