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samedi 25 mai 2013
La contestation de l’économie politique fleurit cette année sous la forme de la ZAD avec une vigueur publique inédite en France depuis longtemps.
Un facteur de la popularité de la ZAD tient sans doute à une base agricole, très implantée dans l’imaginaire collectif.
La ZAD a trouvé son chemin par la défense des terres agricoles menacées de destruction et par la volonté de conserver la gratuité du caillou et de la broussaille qui nous permet de garder le contact avec la vie.
La ZAD ne bataille pas contre des projets inutiles mettant en péril les valeurs de gauche mais contre l’expansion d’un certain rapport au vivant qui utilise la lande et le triton en fonction de la valeur qu’il peut leur ajouter.
Bien plus que la représentation théorique de ce rapport et la manière de le vivre qui constituent nos différences, c’est la communication qui fonde la ZAD. Au commencement, la ZAD est un furieux désir de rencontrer l’autre qui se présente délesté de ses rôles habituels et qui nous parle. Elle est un exemple de manifestation publique d’une pratique en sécession avec l’économie politique ou la religion.
Partant de là tout un chacun est susceptible de semer la ZAD, dans le travail comme dans le Val de Suse, car elle n’appartient à personne, pas plus aux hurlubarbus, qu’aux éco-décroissants et autres paysans en colère. La ZAD n’a pas vocation à sensibiliser l’opinion publique, à gérer les nuisances environnementales, ou à faire de la morale sur ces questions. Et que dire de la consternante bouffonnerie à propos de l’emploi, de renvoyer la solution du travail manquant dans les mains des multinationales, alors que l’activité humaine ne manque jamais. Notre responsabilité est de conserver cette avance radicale sur le monde de l’aéroport obtenue par notre proximité avec la vie. La commune de la ZAD hérite d’un mouvement historique de libération de la parole, de la Sorbonne à Wall Street en passant partout, et de leur insuffisance. Ce qui menace la ZAD n’est pas tant la grotesque et bastonnante flicaille, que l’archaïsme que nous véhiculons avec elle, comme constellation de résidus de gauchisme comparable à la dégradation d’un sac plastique qui finit par s’intégrer dans la chaîne alimentaire.
La ZAD combattra le zadisme et le monde qui va avec. La Saulce sans bleu nous permet d’envisager la ZAD autrement que comme communauté constituée pour réagir à une attaque, et étendre la ZAD ne consiste pas à une simple politico radicalisation. Il convient plutôt, pour provoquer la rencontre et l’échange, de partir ce qui nous parle, une insatisfaction, un désir « d’interrompre le cours normé d’une vie quotidienne aux douleurs vécues comme incommunicables » car individuelles et par là misérables.
Les habitants de la ZAD et leurs soutients ont prouvé leur capacité à rencontrer l’autre, à surmonter les prétentions à se broder une quelconque virginité, à contester pratiquement l’économie politique et dissoudre ses funestes conséquences. Selon le cas, la ZAD se traduit par une ouverture merveilleuse du devenir ou par une poussée robuste qui le bouscule. De toute façon, le moment positif du plaisir ouvre le champ des possibles et permet d’entrevoir la totalité.
A ce jeu, nous pouvons prendre tout notre temps.
Triton à couettes