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NDDL : ce que la consultation ignore

lundi 11 juillet 2016

NDDL : ce que la consultation ignore

« Un référendum ne peut pas être le moyen de se débarrasser d’un problème » déclarait Manuel Valls le 28 juin à propos... du Brexit. Pourtant, le 26 juin dernier, c’est bien ce à quoi voulait aboutir la consultation au sujet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Contestable sur la forme et contestée dans les faits, cette consultation vise à faire taire une opposition que les multiples procédures de légitimation du projet ne sont pas parvenues à endiguer jusque là. Mais en dépit des discours victorieux du gouvernement - qui se targue depuis d’un résultat « incontestable » et voudrait y donner à voir le point final de cette histoire - nous n’avons vécu, de notre côté, qu’une nouvelle étape dans la lutte. Le 26 juin, alors que les résultats de la consultation tombaient, nous étions plusieurs centaines dans le hangar plein à craquer de la Vacherit, au cœur de cette zone sur laquelle nous nous sommes rencontrés pour la plupart : celles et ceux qui ont fait la campagne ou ont choisi de ne pas la faire, celles et ceux qui ont voté ou ne l’ont pas fait. Des chants de résistance sont entonnés, les discussions, les analyses fusent autour du bar et une fête qui s’achèvera au petit matin prend place autour de la nouvelle salle de réunion, un dôme érigé durant le week-end. C’est un fait, chaque offensive du gouvernement renforce notre unité. Déjà en 2012, l’opération César (durant laquelle la préfecture avait envoyé 2000 policiers équipés d’hélicoptères et de tractopelles pour détruire les maisons et cabanes du bocage et expulser ses habitants), qui devait mettre un terme à 40 années de luttes, avait finalement eu pour conséquence de rallier toujours plus de soutiens en France et au-delà.

L’image de cette soirée « consultative », sa joie et sa détermination dans l’adversité, c’est un peu la photographie de ce qu’est devenu ce mouvement : un foyer de résistance, la convergence de remises en question de la société dans son ensemble, où se croisent des milliers de personnes aux parcours et vécus multiples. En s’opposant à l’aéroport mais avec des pilotes et des travailleurs de l’aéroport Nantes-Atlantique ou de la CGT Vinci ; en élaborant ensemble, y compris avec les paysans alentours investis dans la lutte, une prise en charge collective des terres de la ZAD ; en s’organisant entre personnes qui occupent le terrain, naturalistes en luttes, militants associatifs et membres des comités de soutien. Tout comme ce qui s’est expérimenté dans la rue et au cours des actions et blocages s’opposant à la loi travail, la lutte contre l’aéroport est un ensemble complexe de mondes imbriqués les uns dans les autres avec ses paradoxes, ses hésitations et ses doutes. Il en résulte une grande diversité de stratégies et tactiques : blocages, manifestations festives ou plus confrontationnelles, barricades, campagnes de communication, concours de banderoles, convois de tracteurs et vélos, recours juridiques, carnavals... C’est peut-être avant tout de là que viennent notre légitimité et notre force : nous ne cherchons pas à évacuer la complexité de ce que nous vivons, mais plutôt à construire ensemble des réponses multiples et en devenir, sans attendre l’aval de qui que ce soit. Et c’est bien ce qui pose problème aux gouvernants. Depuis des années, nous sommes devenus la bète noire d’un système politique en mal de légitimité. Pour ses représentants nous sommes la minorité qui « tyrannise », celle qui inspire tout ce qui déborde, ne se laisse pas assagir, le « kyste » qui se développe. Loin de nous retrouver dans une figure caricaturale du « zadiste », nous pouvons néanmoins leur faire crédit de cela : leur contribution à l’émergence d’un imaginaire de résistance commun autour de la ZAD et de ses habitants et habitantes. Un imaginaire puissant, qui, de rencontres en complicités, pousse des dizaines de milliers de personnes à se déplacer régulièrement pour réaffirmer leur volonté de défendre le bocage et ce qui s’y vit.

Ce que le simple acte du vote méprise ou ignore, c’est l’intensité, autrement plus élevée, de ce qui se crée dans une communauté de lutte. Et cette communauté va bien au-delà des limites de la ZAD, tout comme ce qui la rassemble dépasse de loin les enjeux d’un transfert d’aéroport. A l’instar des terres du chiapas ou de la vallée de Susa, ces quelques centaines d’hectares insoumis se sont mis à signifier partout qu’il doit être encore possible de sortir de la course folle de l’économie, de ses ressorts sécuritaires, de sa pauvreté existentielle et de ses désastres environnementaux. La zad ne peut disparaître parce qu’elle offre un horizon dans un monde qui en a désespérément besoin. C’est cela même que nous continuerons à défendre en habitant et en cultivant ce bocage, en essaimant son imaginaire de résistance et qu’une énième menace d’expulsion par la force ne pourra affaiblir.

Des habitantes et habitants de la ZAD