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Témoignage sur les expulsions dans la forêt de Rohanne

lundi 5 novembre 2012

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J’avais rejoint sept camarades en haut de la dernière cabane à expulser dans la forêt de Rohanne. C’était le 31 octobre. On s’amusait bien là-haut, peut être grâce à l’anxiété, à la tension palpable, partagées. On faisait des blagues, on se distribuait les équipements dispos. On a bricolé un baudrier avec une longe. A regarder tout ça de haut pendant vingt minutes, on s’est sentiEs fortEs. à un moment en bas ça a chauffé, des hommes en plastique tout peinturlurés ont encerclé notre arbre et viré nos soutiens au sol, violemment. …Dans quelque temps, ca va être notre tour… Ils ont approché un manitou (un godet avec un bras télescopique de 16 m, je crois) et après quelques tergiversations, deux tortionnaires et un sauveteur (!sic) de haute montagne (re !) se sont embarqués dans le godet et ont été hissés à notre hauteur pendant que l’OPJ au sol nous sommait de descendre en disant « nous n’emploierons pas la force ». A cinq on fait la tortue (position solidaire, assis en rond, bras et jambes entremêlés), tandis que trois autres potes grimpent plus haut pour empêcher que l’arbre ne soit coupé. D’ailleurs il est toujours là. Le premier tortionnaire éventre la bâche à coups de couteau, l’autre attend en retrait, le sauveteur alpin communique avec le sol. Une fois entré, le type se pose, nous mate. “c’est un steack” il dit. Et puis il va au travail. Clé cervicale (il a essayé de m’arracher la tête), étranglement, doigts tordus… il m’a aussi un peu broyé le genou. C’était un moment bizarre, où j’ai vu comme la peur me disciplinait. Je veux dire, j’ai eu plusieurs fois conscience d’occasions de le frapper, même dur. mais la douleur qu’il me faisait, et son calme... le pouvoir et l’ appui de l’Etat et de la loi, dans ses mains à lui.. j’ai pas osé, tant mieux peut-être. J’ai demandé aux copinEs de me lâcher. Pardon. Saucissonné, je résiste mollement, essayant juste de le freiner. Et ma tête me rappelle que je suis plus mou en tout cas qu’un godet de manitou. La mâchoire d’acier se referme pour une fois littéralement, dans mon dos. Je passe la descente avec un genou sur la nuque. De quel droit ? Tout ça là, d’où ? Au sol c’est les robocops qui me prennent en charge. Je passe trois heures menotté serré à un arbre à voir mes codescenduEs traînéEs là dans le même état que moi, yeux enfoncés, baffes et clés de partout, mâchoire d’acier et tête de brute. Et puis ensemble à essayer de nous foutre de la gueule des condés, à les mettre dans la merde éthique, attendre qu’iles aient peur du noir et des louves, que tout ça se casse de chez nous. Illes s’embourbent eux-mêmes, nous, on les emmerde. Nous on habite ici, on partira pas, mieux : on va s’installer, partout où l’Etat pose ses sales pattes, ses dangereux appétits, ses gros yeux. Faudra devenir moins peu, ce qui paraît en chemin, et aussi cesser de penser qu’i suffira de lancer des pierres.*. mais bon, j’ai espoir. À bientôt !

* oui mais aussi, c’est ça ! Pourquoi on les frappe pas ? « la question n’est pas de savoir pourquoi des gens jettent des pierres sur la police, mais pourquoi il y en a si peu ? » je voudrais mieux pas aller en prison si je sais pas que des potes m’y trouveront. La citation est de wilhelm reich, CQFD vous êtes rien que des menteures, j’l’ai jamais eu mon lance pierre ergonomique ! (private joke)