Zone A Défendre
Tritons crété-e-s contre béton armé

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MISES AU POINT

mercredi 4 avril 2018

(pour donner notre vision et quelques faits utiles sur la situation actuelle - texte très subjectif écrit par quelques personnes...on va pas s’en cacher, c’est la mode !)

Le 17 janvier, le projet d’aéroport est officiellement abandonné. Dès le lendemain, les lourds sujets de la route et des conditions de négociation avec le gouvernement sont posés sur la table. Depuis, beaucoup de choses, largement exposées dans divers médias ont prétendu donner une vision exacte de la situation, ne rendant visible qu’une partie de l’iceberg. Puisque ce qu’il se déroule sur la ZAD affecte beaucoup de nos complices, ami-e-s et soutiens, nous pensons qu’une plongée sous la surface est nécessaire de notre part. Pas par souci d’affirmer une quelconque harmonie utopique ou pour donner une image lissée de ce qui nous traverse, mais parce que le flot incessant d’article nous évoque ces tirs tendus fait pour éborgner. Nous sommes quelques un-e-s à constater qu’ici, comme ailleurs, nous avons une forte tendance à nous focaliser sur ce qui va mal, ce qui choque, oubliant notre propre capacité à montrer le meilleur de soi au milieu de la tempête. Il est important de savoir ce qui nous a fait chuter au sol, tout comme il est primordial de se rappeler de la manière dont on se relève. Nous avons choisis quelques points sur lesquels revenir, car il nous semblait important d’ajouter quelques éléments qui n’apparaissent que rarement, voire jamais, mais qui nous permettent de conserver de l’espoir en l’avenir.

Le déplacement de Lama Fâché fut un moment de sacrifice et de douleur pour beaucoup (certain-e-s plus que d’autre) cependant, s’arrêter à ce chapitre serait malhonnête. Lama a été reconstruite. Avec brio. Malgré la présence malsaine et insistante des GM, le chantier ne s’est pas arrêté et une cabane se dresse maintenant sur un lieu collectif vivant, apportant de la force et du réconfort à celles et ceux qui y gravitent, qui ont mené et mènent encore ce projet selon leurs propres valeurs. C’est par cette reconstruction que de la solidarité s’est exprimée et a pu se concrétiser, cela moralement et/ou matériellement.

Aller négocier avec le gouvernement est une première pour la majeure partie d’entre nous. Le fantasme de la normalisation qui serait voulue par une frange du mouvement, est révélateur d’une certaine ignorance des efforts et des objectifs de cette « frange ». Il suffirait, pour certain-e-s, de signer un bout de papier pour rentrer dans le rang, surtout lorsque l’on a à sa disposition tous les outils le permettant. Nul besoin alors de chercher à obtenir une gestion collective en refusant les contrats individuels, ni de consacrer des heures à étudier tout les cas de figures possibles pour envisager un avenir le plus commun possible, ou de créer des outils visant à protéger la zone dans son ensemble.

Demeurer dans une idéologie de l’entre-soi, totalement hermétique à la réalité et aux autres, n’apporte pas grand-chose de constructif, la Freuzière en est un exemple fumant. Une poignée de soi-disant radicaux, convaincus d’être les plus purs parmi les autres, refusant toute version de la réalité qui n’entrait pas dans leur vision du monde, ont chassé les occupant-e-s de la Freuzière pour s’y installer. Ayant finis aigris, ils ont préféré brûler la maison en quittant les lieux. Comme un enfant trop gâté qui casse son jouet pour que les autres n’en profitent pas. Les avantages de cet égoïsme révélé, sont d’avoir mis tout le monde d’accord contre lui, d’avoir engendré une énergie dédiée à la reconstruction pour rendre à cette maison sa dimension collective.

A ceux qui se demandent : oui, suite à des embrouilles sur la route, un occupant a été molesté. Non, nous ne savons pas d’où ça vient. Dans tous les cas, nous condamnons. S’il est certain que nous n’avons pas su réagir, ou pas assez, à certains abus, et que nous avons parfois du mal à ne pas nous laisser paralyser ou diminuer par des positions irréconciliables, nous restons persuadés, au moins parmi les rédacteurices de ce texte, que nous pouvons faire avec la majorité des gens sur cette zone, qu’une réaction collective calme reste la meilleure réponse en cas de dépassement des limites et qu’il ne sera jamais justifié que des gens finissent par prendre des mois ou plus de prison, soient blessés, mutilés ou rejetés à la rue simplement parce qu’ils incarnent ce fantasme bien pratique pour l’État de ceux qui ne sauraient rien écouter. Nous sommes sommes déterminé-e-s a défendre tous le monde, dans sa pleine diversité, et nous savons que nos camarades réagiront aussi.

Il y a un bon nombre de particularités sur cette zone qui nous associent dans un vivre ensemble et qui, d’après les témoignages qu’on a pu en avoir, ont enchanté la vision que certain.es allié.es ont de leur propre lutte (la place des animaux dans le groupe humain, le respect de l’activité humaine vis-à-vis de la biosphère, l’attention portée à l’alimentation et au respect de l’écoute entre nous…). On a trop souvent tendance à minimiser ces petites choses qui font notre commun ici, qui ne sont pas faciles à entretenir dans un climat de méfiance, et qui ont été un déclencheur ou du moins un virage conceptuel chez des gens. Cela concerne autant nos allié-e-s d’aujourd’hui que celles et ceux qui ont débarqué sur zone tout au long de ces années. Pour nous, être et vivre sur la ZAD c’est bien évidemment de nourrir les résistances, accueillir ceux qui n’ont pas de place dans ce monde ou peinent à en trouver une qui leur convient, étendre le spectre de l’autogestion mais aussi ces infimes détails qui transforment une vie vouée à être gérée partout ailleurs par des technocrates affairistes.

Participation aux mouvements sociaux, ravitaillement des piquets de grève, aide logistique aux sans-papiers, luttes des quartiers contre les violences policières, la ZAD ce n’est pas uniquement les zadistes qui occupent des parcelles et des paysans qui veulent travailler la terre, mais aussi toutes les personnes qui ont trouvé de l’inspiration pour leur propre lutte ainsi que du soutien moral et logistique.

L’actualité politique et les mouvements sociaux qui en découlent prouvent d’une certaine détermination de la population à faire front de manière assez large au détricotage par les techniciens de l’Élysée de toutes les mesures sociales. Ce sont des choses qui nourrissent et font vivre ce qui se vit sur zone. Il serait aujourd’hui impensable de rester dans un huis-clos politique sans s’étioler et, inévitablement, disparaître. Malgré les tensions internes qui nous traversent et nous sidèrent, la ZAD à travers les collectifs et individus qui la composent, garde sa vocation à entretenir une critique radicale et à rester un terrain d’expérimentation d’initiatives à opposer à un système mortifère.

Quelques ex-toto, ex-squatteureuse, etc. qui préfèrent leur richesse réelle d’aujourd’hui à leurs cartes postales d’hier.