Zone A Défendre
Tritons crété-e-s contre béton armé

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Il est temps de défendre d’autres manières d’habiter

samedi 7 avril 2018

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A la veille de la destruction annoncée d’habitats sur la zad dans une giganstesque opération policière, Patrick Bouchain, Gilles Clément, Michel Lussault, Dominique Gauzin-Müller, Isabelle Stengers, thierry Paquot et une centaine d’autres architectes, urbanistes, et penseurs publient un appel à "la défense d’autres manière d’habiter". Ils y mettent en avant la richesse des habitats auto-construits de la zad, la réappropriation des savoirs et l’expérience d’architecture vernaculaire qui s’y met en oeuvre depuis plusieurs années. Ils affirment à quel point cette vision de l’habiter correspond profondément et positivement à la recherche de nouveaux choix de société nécessaires aujourd’hui. Ils s’y opposent à "l’expulsion des habitants de la ZAD ainsi qu’à la destruction des formes d’organisation collective et des constructions atypiques qui s’y sont développées et s’y développent".

Voici cet appel publié aujourd’hui sur mediapart https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/060418/il-est-temps-de-defendre-dautres-manieres-d-habiter ainsi que les signataires :

Il est temps de défendre d’autres manières d’habiter

Le 17 janvier 2018, l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes marque le succès d’une des plus longues luttes de France et résonne comme un espoir conséquent pour tous ceux qui luttent pour l’écologie. Pourtant le gouvernement menace toujours d’expulser la zone. C’est pourquoi des architectes, urbanistes, penseurs, citoyens… se sont mobilisés pour écrire cette tribune et défendre cette expérience d’avenir.

Cette victoire est celle d’une mobilisation large et diverse. Dans la multiplicité des moyens de lutte qui y ont contribué, la résistance par l’occupation pérenne de la zone à défendre (ZAD) a une place primordiale. En continuant à faire vivre ce territoire, les anciens et les nouveaux habitants ont permis pendant plus de dix ans d’empêcher la destruction des terres naturelles et agricoles. Ils ont pris soin de ces espaces en élaborant de nouvelles formes d’organisations collectives et en développant des activités : menuiserie, boulangeries, cultures collectives de légumes et de céréales, bûcheronnage, bibliothèque, vergers, brasserie, fromagerie, conserverie, forge, tannerie, herboristerie, musique, sérigraphie… Ils ont ainsi démontré qu’il était possible de vivre autrement, loin des scénarios étatiques d’une agriculture industrielle et standardisée, tant à travers des modes de construction autres que des façons d’imaginer un avenir viable et durable pour les territoires ruraux et agricoles.

Un territoire en commun

Dans ce bocage se sont inventées et tissées des formes de vies diverses, aspirant à une meilleure harmonie avec le territoire qu’elles occupent. Dans les interactions entre habitants "historiques", paysans, squatteurs, voisins, animaux sauvages ou d’élevage, herbes, insectes et arbres, mais aussi avec toutes celles et ceux qui passent par là, amis, étudiants, militants, voyageurs, artisans, s’est construit un territoire commun, au-delà de la propriété, des habitudes et des appartenances. Cette expérimentation grandeur nature et à long terme amène chacun à évoluer dans ses représentations et ses pratiques, bien au-delà de ce bocage. En cela, l’horizon joyeux qu’ouvre la ZAD ailleurs que dans les métropoles nous concerne tous.

Habiter et bâtir autrement

La ZAD, c’est aussi l’aventure de ses constructions. Ce sont des corps de ferme rénovés lors de grands chantiers collectifs, de nouveaux hangars agricoles aux charpentes impressionnantes ; c’est aussi la force poétique des nombreuses cabanes dans les arbres, au milieu d’un lac, au coin d’une friche, ou d’un champ ; c’est aussi la présence d’habitats légers ou nomades, camions, caravanes, yourtes qui complètent ce paysage habité.

Hors-norme, multiples, divers, poétiques, adaptés, bidouillés, légers, sobres, précaires, faits de matériaux locaux ou de réemploi, en terre, en bois, en paille ou en récup, ces constructions répondent à leur échelle aux enjeux écologiques et énergétiques, à rebours du monde que l’industrie du béton et de l’acier est en train de construire partout sur la planète. Elles sont aussi le résultat d’une inventivité architecturale, manuelle, bricoleuse et créative, favorisée par la stimulation collective de la ZAD, poussant les gens, habitués ou débutants, à se réapproprier l’acte de construire. La multiplicité des formes construites montre des possibilités d’habiter et de bâtir hors des logiques foncières et immobilières basées essentiellement sur la spéculation qui laissent peu de latitude aux habitants et aux architectes pour proposer des solutions alternatives.

Qui a traversé ce territoire, qui a participé à ses chantiers, sait la valeur des forces qui ont pu rénover ces fermes et construire ces cabanes. Car bien loin de l’image autarcique véhiculée à son encontre, la ZAD est un espace de passage, d’échange, un lieu qui fait école ; école de la vie, mais aussi école de l’habiter et du bâtir.

Ce qui s’y joue, c’est l’invention d’un vernaculaire contemporain fait d’enjeux mondiaux et de matériaux locaux. Ce qui s’y joue, c’est aussi la défense d’un patrimoine vivant issu d’une lutte solidaire qui ouvre nos imaginaires. Contre la destruction de la ZAD

Nous sommes conscients que rendre nos sources d’énergie plus propres, nos bâtiments plus écologiques et nos villes plus vertes ne suffira pas à assurer un avenir soutenable. L’importance de trouver des formes de vies plus sobres en énergie et en ressources dans lesquelles s’engager pleinement, nous amène donc ici à défendre la ZAD, ses habitants, et leurs lieux de vie.

Au vu de la complexité de la situation, le débat autour de la légalité ne saurait aboutir à une résolution par la précipitation, la force et la destruction. C’est pourquoi un gel des terres et l’ouverture du dialogue réclamé par le mouvement anti-aéroport est la seule proposition qui fait sens.

Nous nous opposons donc à l’expulsion des habitants de la ZAD ainsi qu’à la destruction des formes d’organisation collective et des constructions atypiques qui s’y sont développées et s’y développent encore. Nous nous engageons à défendre ce qui s’y vit et affirmons que ces nouvelles manières de construire et d’habiter sont aujourd’hui légitimes et nécessaires au regard des enjeux auxquels font face nos sociétés.

Premiers Signataires :

- Sylvain Adam, association APPUII

- Maud Alpi, réalisatrice

- Marie-Helène Bacqué, sociologue et urbaniste

- Jean-Baptiste Bahers, ingénieur

- Ludivine Bantigny, historienne

- Thibault Barbier, ingénieur, paysagiste et urbaniste, Atelier Georges

- Julien Beller, architecte

- Alec Boivin, architecte

- Christophe Bonneuil, historien

- Alain Bornarel, Ingénieur ECP

- Patrick Bouchain, architecte

- Florence Bouillon, sociologue et anthropologue

- Baptiste Boulba-Ghigna, scénariste et philosophe

- Andréas Campagno, architecte

- Thibaud Cavailles, doctorant en géographie, urbanisme et aménagement

- Benjamin Chambelland, paysagiste

- Paul Chantereau, architecte

- Pierre Charbonnier, philosophe

- Alexandre Cheikh, étudiant en architecture

- Mathieu Cirou, urbaniste esPASces POSSIBLES

- Gilles Clément, paysagiste

- Philippe Declerk, architecte et anthropologue

- Pierre de Jouvancourt, philosophe

- Frantz Daniaud, urbaniste esPASces POSSIBLES

- Agnès Deboulet, sociologue

- Denis Delplancke, ingénieur agronome

- Malou Delplancke, biologiste

- Marion Delplancke, comédienne metteure en scène

- Maléna Demierre, monteuse

- Philipe Descola, anthropologue

- Grégory Deshoullière, doctorant en anthropologie

- Yvan Detraz, architecte, Bruit du frigo

- Julien Dupont, artisan

- Guillaume Faburel, géographe

- Jean-Michel Fourniau, sociologue

- Caroline Gallez, chercheuse HDR à l’IFSTTAR

- Chloé Gautrais, étudiante en architecture

- Dominique Gauzin-Müller, architecte

- Barbara Glowczewski, anthropologue

- Guillaume Gourgues, science politique

- Gerald Gribé, architecte

- Luc Gwiazdzinski, géographe

- Emilie Hache, philosophe

- Nicolas Haeringer, 350.org

- Edith Hallauer, docteure en urbanisme

- Cyrille Hanappe, architecte

- Georges Heintz, architecte

- Michèle Jeannin, enseignante

- Pascale Joffroy, architecte

- Tibo Labat, architecte

- Christophe Laurens, architecte

- Jérôme Lèbre, philosophe

- Olivier Leclerq, architecte

- Fanny Lopez, maîtresse de conférences ENAV&T de Marne-la-Vallée

- Michel Lussault, Géographe

- Philippe Madec, architecte

- Pierre Mahey, sociologue

- Baptiste Martin, ébéniste et architecte, Strasbourg

- Catherine Martin-Payen Dicko, cinéaste et muséographe

- Claire Mélot, architecte, Berlin

- Germain Meulemans, anthroplogue

- Nicolas Monnot, Archivox, Common Langage, Design Civique

- Thomas Moreau, urbaniste et rédacteur chez Ballast

- Damien Najean, architecte

- Etienne Pageault, designeur

- Thierry Paquot, philosophe

- Julien Perraud, architecte

- Alessandro Pignocchi, auteur de BD

- Geneviève Pruvost, sociologue

- Timothée Raison, architecte et charpentier

- Mattia Paco Rizzi, architecte et artiste

- Mathias Rollot, architecte

- Isabelle Stengers, philosophe

- Armelle Tardiveau, architecte

- Céline Tcherkassky, architecte ICI

- Sezin Topçu, historien des sciences

- Jean-Louis Tornatore, socio-anthropologue

- Margaux Vigne, paysagiste

- Jean-Louis Violeau, sociologue

- Collectif Etc, constructeurs et architectes

- Les saprophytes, collectif de paysagistes et d’architectes

- Atelier Fil, architectes

- Collectif mit, architectes

- Vacance Collective, collectif de constructeurs et d’architectes

- Quatorze, collectif d’architectes

- Collectif Formes Vives, graphistes

- Champ Libre, coopérative à finalité sociale