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mardi 17 avril 2018
Pour arriver" sur zone", c’était plus compliqué cette fois-ci. La police bloquait beaucoup d’accès avec pour objet que les divers points de marche ne se rallient pas. (une interprétation bien ambiguë de la fameuse coagulation des mouvements ). Mais la nature du bocage est maillée de multiples petites routes et chemins où plus de 10000 malines et malins vont user leurs godillots. La préfecture dénombrera 4000 participants ce dimanche, quand Ouest-France n’en verra que 3000. Au regard de la fête de février nous étions 10000 et plus. On avait dans nos relations un couple paysan, bien impliqué à NDDL qui nous a conduit en évitant les barrages policiers de virages en virages au plus près du bel hangar de Bellevue devenue une scierie de la ZAD, boulangerie, fromagerie et bazar. Je cacherai leur identité, les trop bons petits gâteaux maison servis chez eux avec le café, risqueraient d’entraîner l’installation d’une nouvelle ZAD gourmande. Une pluie drue avait gâché nos réveils matinaux, par magie elle s’est dissoute en même temps que le sucre dans ce café chaleureux, où nous nous nourrissons aussi d’informations et d’anecdotes du terrain : Un blindé des bleus s’était renversé et enlisé dans le fossé d’un chemin, la préfète avait appelé le réseau pour demander le soutien des tracteurs des paysans...Qui feront la sourde oreille, normal après les pluies de grenades assourdissantes cela se comprend... Ambiance bon-enfant pour le pique-nique au soleil entre les billots de bois. Sur une remorque de tracteur une charpente construite cette semaine est prête à être montée pour remplacer le hangar démoli au Gourbi. Au milieu de ce joyeux pique-nique, debout, deux silhouettes vraiment jeunes, tout de noir vêtues, casquées, masques à gaz et lunettes de chantier sur le nez malgré le soleil, fiers dans leur posture d’anciens combattants. A l’écart un jeune accordéoniste juché sur un remblai berce les tracteurs d’une douce mélancolie. Nous sommes invités à récupérer le millier de bâtons plantés il y a deux ans dans un champ comme la promesse de revenir s’il le fallait. Je retrouve le mien, peint comme un bâton aborigène. Facile de le retrouver car j’étais déjà venu le saluer en février. La longue marche s’étire jusqu’à la grande prairie de la Wardine où un premier hangar est monté. A l’approche de la départementale on longe une verte prairie, brodée de jaunes pissenlits où gambadent en riant pleins d’enfants autour de la buvette et l’on y croise des brancards des "medics" en action pour soigner des blessés. Une jeune vache telle une chèvre broute les branches basses d’un chêne. Passé la dernièrebarricade du chemin de Suez, face à face direct avec les Gens d’Armes raides et sombres comme des urnes funéraires qui bloquent en masse le carrefour de la Saulce, les champs qui y débouchent et surtout la forêt de Rohanne par où veut passer la charpente. Une cornemuse investit l’air. Ca bruisse fort tout d’un coup dans la forêt, les flics s’agitent...Un gentil furieux manie la tronçonneuse comme un gant et ouvre la route à travers les bois morts de la sente sylvestre, où La Nef, comme mue par la force tellurique des lieux, avance dans les airs à un rythme soutenu, porté par des dizaines d’épaules. Les gardes redevenus mobiles rentrent dans le bois pour faire barrage. Ils sont cernés de toute part et reculent, franchissent un talus glissant, deux s’étalent dans la boue comme un film burlesque et alors un monumental éclat de rire général repris en écho par la forêt, dilate l’espace. Au long de cette marche les relations se nouent , les rencontres se font dans une spontanéité superbe. J’ai rencontré un belge solide arborant son beau casque de motard en cuir, un grand costaud avec capuche noire qui ne quitte pas ses lunettes protectrices et son masque à gaz hight-tech, d’où crachote une voix nasillarde, je devine un accent du sud, drôle ambiance guerre des Etoiles... il est de Marseille et m’explique pourquoi ces filets (en vente magasin jardinage) sont tendus entre les arbres de la forêt pour freiner la course des flics. Et malin me dit qu’il faut aussi ne pas se faire piéger soi-même en cas de retraite. Un jeune basque m’aide à ne pas glisser sur des tôles, au dessus du fossé boueux, il a rejoint la Zad depuis 8 jours. Une jeune femme parle vivement en espagnol dans son portable, deux anciens sont venus de Correze et me raconte comment les plantations de sapins de Douglass ont défiguré le pays et que les coupes-à-blanc dans les pentes sont une calamité pour les sols. Une fois franchi la fameuse route des chicanes la Nef poursuit son envol, se jouant de la pataugeoire, les haies s’écartent, les grands chênes saluent... Chacun connaissait les charpentes porteuses, la ZAD invente la charpente portée. Mais tout le monde est à découvert, dans chaque prairie ILS sont là, étranges corps noirs avec écailles, plantés dans ce sol spongieux , on dirait des rizières du viet-nam occupées par les "Marines" et derrière sur le chemin une horde sombre dans un fouillis de cliquetis se regroupe et avance parallèlement à nous, suivie des cars bleus. La traque se prépare. Etrange ambiance guerrière qui se mêle à la bonhommie chaleureuse ambiante. Zone de turbulence où se mêlent les vents contraires. Au carrefour l’air est électrique, des panaches de fumées lacrymo prennent les airs. Les Gens d’Armes mettent leurs masques, prennent matraque en main, l’air vibre de tension.Autour du carrefour, vêtus de noirs, encapuchonnées, des camilles et des camilles, avec des boucliers bricolés se préparent à freiner l’assaut imminent. Je dois rentrer la route est longue avant la voiture où les potes du Cap m’attendent. A l’orée du bois je croise un couple, où je crois reconnaître un ancien copain paysan-travailleur, mais c’est son cousin sans doute, on échange des nouvelles, l’ordre macroniste disent-’ils a violemment empêché l’accès de la charpente au Gourbi. La charge avec un blindé en tête sera donnée dans moins de 30 mn. Les charpentiers profiteront de la nuit pour installer la charpente au Gourbi. Les "moblots" ont chassé ce lundi matin à coup de grenades ceusses qui la protégeait. Il semblerait que la police découpe la charpente à la scie.