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vendredi 27 avril 2018
Au moment même de l’annonce du gouvernement ce matin - jeudi 26 avril
d’une "trêve" des opérations d’expulsion sur la Zad, la présence
policière, les grenades et lacrymo continuent d’y déferler. Nous
tentons quelques éléments d’analyse de la situation.
Vendredi 20 avril, la délégation du mouvement issue de l’Assemblée des Usages s’est une nouvelle fois rendue en préfecture, après le refus catégorique de la préfète Nicole Klein et du ministre de l’écologie Nicolas Hulot de bouger d’un millimètre de leur position très frontale. Rappelons qu’ils refusaient en bloc les trois conditions de la délégation pour reprendre le dialogue, à savoir : retirer le dispositif militaire de la Zad, repousser la date butoire du 23 avril pour les signatures de Convention d’Occupation Précaires individuelles, et bien sûr la proposition de la délégation d’une COP collective qui prendrait en charge la totalité des terres déjà utilisées par le mouvement. Jeudi soir, donc, face à ce nouveau refus catégorique par l’État de toute forme lisible de prise en charge collective des terres, l’Assemblée des Usages, via la délégation, a décidé de changer de stratégie et de faire éprouver en préfecture le montage foncier qu’elle avait préparé en cas de trop grande inflexibilité de la préfète durant les négociations. Ce montage, présenté à Nicole Klein et à la Direction Départementale des Territoires et de la Mer 44, est fait d’une quarantaine de projets "individuels" imbriqués entre eux, de façon à faire apparaître leur interdépendance tout en s’assurant, encore une fois, que la préfecture ne puisse opérer aucun tri entre les occupants. Le dépôt de ces dossiers a été très nettement accompagné par un avertissement du mouvement : celui de réagir collectivement et fermement à toute tentative de sélection des "bons projets" au détriment de ceux qui ne seraient pas acceptables. Rappelons que la préfecture entend effectuer ce tri sur la base notamment du potentiel économique de chaque projet. Quarante projets déposés, ça ne semble pas couvrir tout le monde sur la Zad, puisqu’elle compte davantage de lieux de vies et encore plus de personnes y vivant au quotidien. Mais la délégation explique aussi que ces projets regroupent nécessairement les amis qui y collaborent et les familles des personnes déclarées. Ceux-ci couvrent donc tous ceux qui vivent de manière permanente à la Zad et qui ont fait le choix de tenter cette option, soit la quasi-totalité des lieux. Ce geste de l’Assemblée des Usages peut poser question, puisque sa détermination première à faire accepter une prise en charge collective des terres semble avoir été entamée par deux semaines de présence militaire et de destruction de nombreux lieux de vie. Certaines personnes refusent d’ailleurs de déposer un projet. Mais nous ne devons pas nous y tromper. Les mobilisations qui ont suivi les premières foulées des gendarmes sur la zone ont démontré la puissance encore bien vivace du mouvement de soutien à la Zad, même trois mois après l’abandon du projet de construction du dit aéroport. Que ce soit par le biais de grandes manifestations sur la Zad et ses alentours, de petites actions de blocage, de sabotage, par l’afflux chaque jour plus important de soutiens dans le bocage pour y résister à l’avancée des blindés de la gendarmerie, le mouvement a récolté les fruits de ses années de luttes victorieuses, passées à battre en brèche les politiques offensives des gouvernements successifs, et à ne rien lâcher. La décision, aujourd’hui, de déposer ce maillage de différents projets agricoles, artisanaux ou culturels, fait réponse à l’obstination du gouvernement, déterminé à dégoupiller plusieurs milliers de grenades chaque jours pour nous faire accepter sa politique ultra-libérale jusqu’en rase campagne.
Mais l’important ne se situe ni dans la satisfaction de la préfète d’avoir imposé ses bases de négociation (au grand dam des partisans gouvernementaux de la manière forte), ni dans les formes juridiques que peut emprunter la pérennisation des activités sur la zone. L’important, c’est tout d’abord que ce choix permet au mouvement de s’octroyer un sursis : Édouard Philippe a annoncé ce jeudi 26 avril un gel des évacuations jusqu’à la réunion du comité de pilotage sur l’avenir agricole de la Zad, le 14 mai. Et surtout, que la Zad puisse effectivement rester un appui et un imaginaire de taille pour les luttes territoriales en cours et à venir, pour les luttes sociales de Nantes, Rennes, St Nazaire où ailleurs. Un appui toujours matériel, et désormais historique, par la victoire sur l’aéroport et par la démonstration en acte qu’il est possible de s’organiser en marge de l’emprise de l’économie et du gouvernement. Mais le semblant d’ouverture manifesté par la préfecture pourrait n’être qu’une façon de temporiser, avant de recaler une partie des projets et de lancer une nouvelle tentative d’expulsion, fidèle à la politique de "fermeté" tenue par le gouvernement et touchant tant d’autres luttes : cheminots, personnel de l’éducation et de la santé, étudiants dégagés de Tolbiac ou empêchés de manifester à Rennes, migrants tentant de franchir le col de l’échelle près de Briançon désormais militarisé. À Rennes, les blocages du mardi 24 avril, coordonnés avec les autres secteurs en lutte, sont une bonne façon de continuer à maintenir une pression sur le gouvernement, qui est nécessaire pour ce qui nous attend. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont loin d’avoir réussi à réduire la Zad à un bout de bocage sans histoire. Et toute personne qui cerne un tant soit peu ce qui se passe sur la Zad sait très bien que la "trêve" des expulsions n’endormira personne, et en dernier lieu celles et ceux qui sont déterminées à y vivre et à la défendre. Elle nous servira au contraire à affiner notre organisation et nos stratégies, à travailler à une synergie avec les autres luttes du moment.
Nous, comité Zad de Rennes, appelons à s’opposer aux expulsions à venir, annoncées à partir du 14 mai. Nous appelons les comités à venir aider à la résistance, en constituant des cantines ou en épaulant celles présentes, en aidant à l’organisation des points d’accueil, campings, points infos, point médics... En 2012, les relais des comités à la Chat-teigne avaient contribué à prévenir une nouvelle offensive du gouvernement et à tisser des liens entre la Zad et de nombreuses autres luttes. En 2018, la solidarité peut à nouveau faire échouer l’opération de destruction en cours.
Le comité Zad Rennes a pris part dans l’installation d’un campement à Bellevue. Tous les groupes ou personnes qui souhaiteront venir défendre la Zad y sont les bienvenus.