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La suite de la fable de la Fontaine : le loup et le chien

mercredi 25 juillet 2018

Un témoignage reçue par une camarade venue sur zone en soutien pendant la période d’expulsions. Son vécu lui a donné envie de témoigner sous forme de fable. Vous trouverez d’abord la version originale puis la suite qu’elle a écrite

Le Loup et le chien

Un loup n’avait que les os et la peau, Tant les chiens faisaient bonne garde. Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde. L’attaquer, le mettre en quartiers, Sire loup l’eût fait volontiers ; Mais il fallait livrer bataille, Et le mâtin était de taille A se défendre hardiment.

Le loup donc, l’aborde humblement, Entre en propos, et lui fait compliment Sur son embonpoint qu’il admire. « Il ne tiendra qu’à vous, beau sire, D’être aussi gras que moi, lui répartit le chien. Quittez les bois, vous ferez bien : Vos pareils y sont misérables, Cancres, hères, et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car quoi ? Rien d’assuré ; point de franche lippée : Tout à la pointe de l’épée. Suivez-moi, vous aurez bien meilleur destin. »

Le loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le chien : donner la chasse aux gens Portant bâton et mendiants ; Flatter ceux du logis, à son maître complaire Moyennant quoi votre salaire Sera force reliefs de toutes les façons : Os de poulet, os de pigeons, Sans parler de maintes caresses. »

Le loup se forge déjà une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé. « Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ? Rien ? – Peu de chose.
- Mais encore ? – Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le loup : vous ne courrez donc pas Où vous voulez ? – Pas toujours ; mais qu’importe ?
- Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte. Et je ne voudrais pas même à ce prix un trésor. » Cela dit, maître loup s’enfuit, et court encore.

Jean de La Fontaine


Le loup et le chien….(suite)

Le loup erre quelques temps, ventre vide, résigné : Il crèvera la faim et se satisfera de bien maigres butins. Il marchera des jours, évitant les clôtures, les fermes bien gardées, En quête d’un lieu paisible, où la garde baisser. Mais en lui a germé une graine robuste : celle de la liberté. Certes, elle ne nourrit pas, mais elle fait avancer, Bien debout, bien droit, sans l’échine courber. Alors, qu’importe la faim, il cheminera.

Au détour d’un sentier, après des jours d’errance, une ferme il aperçoit. Elle n’a point de clôture, quiconque peut y entrer. Il observe, intrigué, un tableau peu commun : Des dizaines d’animaux semblent s’y affairer. Vaches, cochons, ours, canards, Ensemble sont attablés et mangent avec bon appétit. Puis, chacun retourne à son occupation. Certains travaillent la terre, d’autres construisent une maison. D’autres encore, discutent avec ardeur, Comment s’organiser ? Quel avenir dessiner ? Où trouver le bonheur ?

Le loup est épaté, subjugué, ahuri, il n’en croit pas ses yeux. « Comment ces compagnons, pourtant si différents, Peuvent-ils vivre conjointement ? Un renard et des poules, on n’a jamais vu ça ! »

Il ose demander, au moins pour quelques temps, leur hospitalité La dernière nuit passée sans peur d’être chassé ? Il ne s’en souvient pas.

« Bienvenue, t’es chez toi ! Mais à une condition : ne plus manger poulet, agneau, ni même jambon. »

Commence une vie tranquille, et il oublie la faim qui l’a tant tiraillé.

** Un jour, passant par-là, un chien, en promenade, s’arrête et reste coi. Ahuri, hébété, il n’en croit pas ses yeux, lui non plus. « Comment est-ce possible, que tous ces animaux, délaissant leur troupeau, s’offrent une vie paisible ?  Un loup et des poussins, chevaux, béliers, lapins… On n’a jamais vu ça ! » Sans attendre, il s’élance, court trouver Maître-chien, Gardien de l’ordre.

L’aurore pointe à peine sur la calme campagne, Que des hordes de mâtins aussi féroces que gros, Dressés à la gâchette, obéissants, serviles, Délogent les habitants : tritons et passereaux, Agnelles et juments. Il n’en doit point rester.

Détruire ce bocage, faire triompher la force, Et enjoindre chacun de rentrer au troupeau, Ils attaquent sans vergogne, sans scrupule, sans penser Que tous ces animaux n’ont nulle part où aller. Ils ne lâcheront rien.

Mais ce qu’ils ne savent pas, qui certainement vaincra, C’est que la liberté, collectivement gagnée Est une résistance bien plus solide encore Que leurs mâchoires d’aciers.

Ce qu’ils ignorent aussi, c’est que demain naîtront, suite à la rébellion, Des dizaines, des centaines de fermes et de cabanes où nous vivrons ensemble, Refusant la misère, l’exclusion et la peur Que le gouvernement cherche à nous imposer.

Mariette