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Un bocage encore en péril

mardi 16 octobre 2018

Un bocage encore en péril

Communiqué des Naturalistes en Luttes

Tout juste sauvée du bétonnage, la ZAD de Notre-dame des landes et sa biodiversité abondante ne sont pas encore tirées d’affaire.

Plusieurs années d’exploration de ce bocage humide par les Naturalistes en lutte ont révélé une profusion d’espèces dont de nombreuses sont protégées, mais plus encore des effectifs abondants pour chacune de ces espèces. Autrement dit, les populations de divers plantes et animaux sauvages qui s’y trouvent sont encore vivaces et non pas relictuelles et menacées de consanguinité et d’extinction comme le sont d’autres populations, isolées dans de minuscules bastions perdus dans les déserts de l’agriculture industrielle. Il s’agit de populations-sources, qui peuvent permettre à ces espèces de résister aux aléas qui ne manqueront pas d’arriver, et qui sont un soutien pour ces espèces sur une échelle au moins régionale. Cette particularité du site est reconnue dès les études d’impact officielles, mezzo voce bien entendu. Dans un langage à la mode, on peut et on doit parler d’un réel "réservoir majeur de biodiversité".

Ce bocage humide s’est retrouvée préservée par l’ancienneté du projet d’aéroport d’un remembrement brutal, des drainages, de l’omniprésence des engrais et amendements, et de l’agriculture industrielle. Elle est un exemple de ce qui a disparu à jamais dans la plupart des zones rurales : un espace plein de vie animale et végétale et pourtant réellement agricole. Par son histoire particulière, ce lieu a rassemblé de nombreuses personnes à la fois prêtes à s’installer sur des fermes et profondément convaincues de la nécessité de prendre soin de la nature. De ce fait, ce lieu est doublement à préserver, pour ce qui y vit et pour ce qui va s’y vivre en matière d’expériences d’une agriculture partageant intelligemment les espaces avec le reste du vivant. Le futur a besoin, urgemment, de cette boîte à idées. Nulle part ailleurs on ne dispose de tous ces éléments rassemblés en bonne entente, liés par une histoire commune intensément vécue.

Les tenants d’une agriculture industrielle, chimique et sans souci du lendemain ne voient pas d’un bon œil cette alternative vivante et visible, et en accord avec des fermiers voisins lorgnant sur ces terres qu’ils n’ont même pas défendues, sont prêts à un dépeçage partiel ou total de cette zone. Cela se traduira, comme partout ailleurs, par des espaces sans haies, sans mares, sans scarabées et avec une eau beaucoup moins pure. Il faut rappeler que l’abondance et la vitalité de la biodiversité repose ici sur l’étendue et la densité des éléments du bocage : les bois petits et grands, les très nombreuses mares, les haies en maillage serré et bien connectées entre elles, les diverses prairies naturelles au sol pauvre (donc riches d’une biodiversité spécifique), les nappes d’eau peu polluée en tête de bassin versant.

Il est bien sûr probable qu’une partie de ces éléments soient protégés quoi qu’il arrive, mais le maillage complet qui donne toute l’importance à cette zone sera, par essence, fortement dégradé si on lui retire ne serait-ce qu’une seule partie de ces éléments, sous le prétexte qu’ils ont une valeur écologique moindre. Il faut également insister sur la fragilité des prairies au sol pauvre, qui perdent définitivement leurs qualités écologiques si elles sont traitées avec un amendement ou des engrais.

Le bocage de Notre-Dame des landes est dans un moment charnière car deux dispositifs se mettent en place, qui ont chacun un potentiel de protection : d’une part le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal, d’autre part une étude "agro-environnementale" commandée par la préfecture. Dans ce cadre, les Naturalistes en lutte viennent de transmettre une synthèse de toutes leurs observations aux bureaux d’études concernés. Ce n’est pas un cadeau offert en secret à ces entreprises, leur laissant toute discrétion pour en tirer des conclusions selon l’humeur du client. Ces données sont publiques et sont disponibles dès aujourd’hui sur le blog des Naturalistes en lutte. Chacun.e pourra en prendre connaissance et juger du besoin de préservation qui en découle.

Il y a de ceci cinq ans déjà, lors de la convocation du collège d’experts scientifiques chargé d’évaluer la pertinence de la soi-disant "compensation écologique" envisagée lors de l’artificialisation programmée de la zone, de nombreuses personnes se sont mobilisées pour conjecturer de l’impact prévisible des travaux. À ce moment, la connaissance de la biodiversité sur le site était bien moins avancée. Sans jamais oublier que la connaissance de la nature est, par essence, toujours partielle, ces données plus abondantes intéresseront celles et ceux qui ont travaillé à cette réflexion et qui ont à cœur de la prolonger avec des informations supplémentaires. Elle intéressera aussi les personnes qui, à l’occasion, se sont attachées à la biodiversité en ces lieux et ailleurs, et qui ont le souci de "transformer l’essai" de la victoire contre le bitume et le kérosène, en lui assurant un avenir et une préservation réelle.

Nous, les Naturalistes en lutte, serons comme toujours, vigilants et lanceurs d’alerte pour toute atteinte à l’intégrité du bocage.