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Où en est le Rojava ?

lundi 16 septembre 2019

De la Zad on suit de près ce qui se passe au Kurdistan, car cette lutte nous est proche par sa recherche d’horizontalité, de démocratie directe et par la place importante qui prennent les questions féministes. On a déjà relayé et on continuera de le faire la campagne internationale riseup4rojava.org.

Ci joint une analyse de la situation politique et militaire en août

Ces derniers jours, des rapports ont infirmé une potentielle invasion de la Syrie du Nord et de l’Est par les forces armées turques. Par cette analyse, nous souhaitons souligner la situation politique et militaire actuelle et montrer comment la campagne d’occupation de la Turquie au Kurdistan du Sud (Irak du Nord) est liée à la situation au Rojava et ce que l’appel renouvelé d’Abdullah Ocalan signifie.

Les négociations États-Unis – Turquie à Ankara

Après une réunion de trois jours, les représentants des impérialistes nords-américains et des fascistes du régime de l’AKP-MHP ont annoncé, dans une déclaration commune le 7 août, leur décision en faveur de l’établissement coordonné d’une soi-disant zone de sécurité au Rojava et dans la Syrie du Nord.

Dans cette déclaration, les deux puissances de l’OTAN présentent trois piliers essentiels de leur accord :

1) Avec exécution immédiate, les « préoccupations de sécurité » de la Turquie à la frontière turco-syrienne doivent obtenir satisfaction, ce qui constitue une part importante de l’argumentation de la Turquie, qui se voit renforcée.

2) D’établir le plus tôt possible un centre d’opérations conjointes en Turquie pour coordonner l’exécution des stratégies et le contrôle prochain de la zone de sécurité.

3) En dehors de cela, les deux pouvoirs ont déclaré qu’ils feront tous les efforts nécessaires pour établir un espace dans la zone de sécurité pour l’implantation de réfugiés Syriens en Turquie.

Ce qui a été partagé publiquement dans ce communiqué est ridiculeusement court en comparaison de ce qui peut ressortir de cette réunion de trois jours. Le communiqué ne comprend aucune indication de qui devrait administrer la zone de sécurité ou jusque où celle-ci ira devra aller dans l’intérieur du pays, ni exactement ce que signifierait l’implantation des réfugiés Syriens de Turquie, désignés comme « les frères Syriens » par la déclaration turque. Au final, la déclaration délaisse les réponses aux points cruciaux du conflit ouvert et semble constituer un accord qui n’a qu’un but, qui est de continuer les négociations et de sauver la face des Américains envers le monde extérieur, comme un facteur « protecteur » pour les Kurdes. La Turquie aussi sauve sa face en interne, donnant suite à ses propres menaces et montrant qu’elle peut prétendument « conduire » les Américains à la suivre.

Il est clair, cependant, que si l’on considère tous les facteurs, toutes les conditions, il n’est pas possible pour la Turquie de rentrer dans la région et d’attaquer de sa propre initiative. Examinons Afrin, par exemple, et nous verrons qu’un accord important a été fait pour qu’elle soit attaquée avec le consentement de la Russie, et que c’était la Russie qui a ouvert la voie à l’attaque. Il est vrai que ce fut la Russie qui rendit l’attaque possible. Mais cela, aussi, a été fait avec un consentement international. Aujourd’hui, au Rojava, dans la Syrie du Nord et de l’Est, la Turquie peut uniquement attaquer avec l’accord des États-Unis et de la coalition internationale. Autrement, cela sera impossible pour elle.

Il ne peut être question de détente...

Alors que certains sont déjà en train de dessiner des conclusions hâtives et déclarent que la menace d’invasion de la Turquie a été avortée, l’armée d’occupation turque achemine davantage de troupes à la frontière au niveau de Kobanê et Girespi. Cela inclut des lance-roquettes, des obusiers, des tanks, des munitions et des troupes au sol.

Le 6 août, la Turquie a ordonné les dispositifs à la frontière de se « mobiliser », sous le titre de « mesures à prendre dans le cadre d’une opération transfrontalière ». Des instructions ont été donné tout particulièrement aux commandants locaux de la police militaire, aux quartiers généraux de la Police, l’Autorité de Gestion de Crise (AFAD), les autorités de l’immigration, les branches du Croissant Rouge Turc, les mairies et les bureaux de districts dans les provinces de Mêrdîn (Mardîn) et de Riha (Urfa). Cet ordre à la mobilisation générale n’a pas été révoqué. L’armée turque est prête à attaquer n’importe quand.

Les représentants du régime à Ankara ont encore annoncé hier que si les premières étapes ne sont pas prises suffisamment rapidement, la Turquie serait prête et a désormais fait toutes les préparations nécessaires pour prendre en main la « sécurisation de ses propres frontières ». Le ministre des Affaires étrangères a dit hier qu’ils ne sont plus prêts à tolérer de perdre sur le terrain ce qui a été gagné diplomatiquement. La propagande dans les médias turcs continue à être importante. Ces derniers expliquent vouloir acter dans le cadre d’une coordination avec les américains, cependant, si quelqu’un venait à tirer ne serait-ce qu’un coup de feu sur le sol turc, les forces d’occupations turques se tiennent prêtes le long de la frontière pour une opération au sol immédiate afin de sécuriser leurs intérêts.

Il semble que davantage du temps a été gagné par les négociations, mais la menace continue. Les faits basés sur les événements du terrain et à la frontière n’ont en rien changé.

Par conséquent, les préparations du côté de la Fédération continuent, les positions sont fortifiées et les unités de défense sont toujours prêtes et vigilantes à la frontière, avec une préparation totale pour défendre la révolution. Aussi, le peuple continuera les actions de boucliers humains.

Apprendre d’Afrin

Les leçons apprises de la résistance d’Afrin sont toujours pertinentes et ne seront pas oubliées. Les peuples du nord-est de la Syrie ne mettront pas leur avenir dans les mains de l’impérialisme américain, mais organiseront leur autodéfense sur la base de leur propre force. Aussi longtemps que la Fédération ne sera pas reconnue internationalement avec un statut officiel et ne pourra pas participer sans entrave à toutes les négociations à propos du futur de la Syrie, il ne sera pas possible de se fier aux promesses diplomatiques. Aldar Xelil a déclaré au nom du Mouvement pour une Société Démocratique (TEV-DEM) que les détails de la zone de sécurité seraient tout d’abord discutés et analysés et qu’une décision sur la position d’une Fédération sera faite plus tard. Il s’agit de montrer clairement et avec force que la révolution a maintenant acquis un facteur de puissance indépendante dans le Moyen-Orient. Personne ne peut plus simplement prendre des décisions à la place du peuple du nord-est de la Syrie. La population déterminera son propre futur et son propre destin.

La guerre n’a pas commencé au Rojava

Avec toutes les discussions au sujet de la menace du fascisme turc sur le Rojava, nous devons pas oublier qu’aussi, dans le nord de l’Irak, au Kurdistan du Sud, une offensive au sol de grande ampleur avec des dizaines de milliers de soldats turcs continue sans relâche. Le 28 mai, la Turquie a lancé l’Opération Griffe avec 10.000 soldats turcs contre les zones libérées de la guérilla kurde. Tous les jours, des accrochages violents ont lieu entre les guérillas et les forces d’occupation dans toutes les zones. Les bases de la guérilla subissent constamment des frappes de l’aviation et de l’artillerie turque. Pression est aussi faite sur Shengal et Mexmur. Le camp de réfugiés de Mexmur a été de facto isolé totalement depuis l’attaque contre l’attaque au Kurdistan du Sud contre le responsable des services secrets turcs (MIT) à Hewler. De même, les peshmergas et le PDK collaborent avec les forces d’occupation, transférant de plus en plus de forces dans les zones de la guérilla et sécurisant les envahisseurs turcs dans leur avancée. Il doit être clair que rien de ce qui se passe au Kurdistan ou dans l’ensemble de la région peut être considéré séparément de ce qui advient actuellement au Rojava. La situation doit toujours être considérée au-delà des frontières. Il a été souligné encore et encore que les attaques au Kurdistan du Sud sont une nouvelle étape pour encercler la révolution du Rojava. Après que les opérations d’occupation du Bouclier de l’Euphrate et de la Branche d’Olivier ont débuté l’encerclement des zones libérées depuis l’ouest, le fascisme turc essaye maintenant d’amener de prochaines zones sous ses lois à l’est, pour intensifier le siège. Il se peut que l’affrontement à l’est de l’Euphrate n’ait pas encore lieu, mais plus à l’Ouest la guerre à Afrin sévit, tous les jours des bombes explosent dans les zones libérées et poussent les civils à la mort. Au regard du Kurdistan du Nord et de la situation de guerre sur place, il n’y a pas besoin de plus d’explications. Il s’agit ici d’une campagne sanglante d’extermination par le régime de l’AKP-MHP contre tous les acomplissements du peuple kurde et du mouvement de libération qui ont pu être mis en œuvre depuis plus de quatre ans maintenant.

Le but actuel du régime turc est la restauration aux frontières de l’Empire ottoman depuis Alep à l’ouest de la Syrie à Kirkouk au sud du Kurdistan (nord de l’Irak). Afin de réaliser ses rêves néo-ottomans, Erdogan doit apporter complètement le nord de la Syrie et le nord de l’Irak sous son contrôle et changer démographiquement toute la région. La destruction du mouvement de libération kurde est par conséquent impérative.

Il y a des raisons suffisantes pour mener des actions maintenant et pour contrecarrer les plans futurs avant qu’ils ne puissent être mis en pratique. Aussi longtemps que le régime perdure, la Révolution du Rojava ne sera pas sûre.

Nous devons comprendre correctement l’appel d’Abdullah Öcalan

L’appel du représentant du peuple kurde Abdullah Öcalan en lien avec les discussions avec la délégations d’avocats d’Imrali doit être considéré et évalué dans le bon contexte. Une nouvelle fois, Abdullah Öcalan a clarifié sa position sur la paix et déclare qu’il est prêt pour une telle solution pour la question kurde. Il a pointé la longue histoire des relations kurdes et turques et a rendu clair qu’une solution à la question dépendrait uniquement de l’État et de sa mentalité, s’il était prêt pour une réelle solution. Dans son communiqué du 26 mai, il a aussi souligné les possibilités d’une solution politique et a affirmé que l’État devrait présenter son point de vue dans les 40 jours. L’État a choisi d’ignorer son appel, de laisser ce dernier s’évanouir et a répondu le 27 mai par le commencement de l’opération au sol au Kurdistan du Sud et les déploiements de troupes à la frontière du Rojava.

Aujourd’hui encore, l’attitude d’Öcalan ne signifie pas qu’il y aura des négociations. Le mouvement de libération a sans cesse été disposé à négocier et comment ce processus se développera prochainement dépend du côté turc. Le message d’Öcalan représente une intervention dans les événements de la politique de la Turquie et peut mettre des batons dans les roues à sa ligne de propagande, mais il ne devrait pas être pris hâtivement comme un signal de défense. Comme cela a déjà été dit, les faits du terrain et les tensions aiguës n’ont pas encore changé.

Front commun contre le fascisme turc

Il est cependant important de continuer les préparations. Tout comme nous sommes ici en train de travailler sur notre défense, nous devons continuer aussi à pousser en avant par les mobilisations au-delà du Rojava, renforcer l’unité d’action et augmenter la pression sur les acteurs économiques, militaires et politiques. Pour devenir actif, il n’est pas nécessaire qu’une nouvelle guerre ait lieu contre le Rojava, puisque, comme l’analyse de la situation le démontre, la guerre est déjà en cours contre la révolution. Pratiquement aussi bien qu’idéologiquement, de nouveau fronts contre le fascisme turc et l’impérialisme doivent être construits. L’appel pour la mobilisation le Jour X et les Journées Internationales d’Action en septembre offrent l’attention nécessaire pour faire connaître les réalisations de la révolution au Kurdistan à travers le monde et de répandre davantage ce feu révolutionnaire.

S’il y a ou non une autre guerre, une invasion de grande échelle contre la Fédération et comment la période se développe dépendra finalement de notre propre force ici sur le terrain et de celle du mouvement révolutionnaire à travers le monde. Pour cela, nous devons nous organiser.