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dimanche 25 novembre 2012
*Dis papa !*
Dis papa ! Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui dans la forêt de Rohanne ?
Dis papa ! Tu m’emmènes, demain, dans la forêt de Rohanne ?
Dis papa ! J’ai envie ! Il paraît qu’il y a plein d’arbres superbes ! Plein de gens gentils ! De champignons ! D’oiseaux !...
Dis papa ! Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui dans la forêt de Rohanne ?
Dis papa ! Pourquoi t’as des marques comme çà le long du nez ? Et sur la nuque ?
Dis papa ! T’as utilisé un masque ? Un casque ?
Dis papa ! Pourquoi ?
Dis papa ! T’as lancé des lacrymogènes ? Des grenades assourdissantes ?
Dis papa ! T’as couvert la destruction d’arbres ? Quand il y avait encore des gens dedans ?
Dis papa ! Tu veux pas m’emmener demain, en forêt de Rohanne ?
Mais dis un peu, papa ! J’ai grandi ! Si tu veux pas m’emmener, j’irais sans toi, avec mes potes ! Tu crois pas qu’on joue un peu notre survie dans une planète solidaire, sur ce coup là ?
Dis papa !...
Un écho de la journée du samedi 24 novembre : nous avons organisé un co-voiturage de St-nazaire ce matin (3 voitures pour ce matin d’auitres sont prévues pour la manif à Nantes cette après-midi), et nous longeons au plus près l’énorme cordon de flics, avec le texte ’dis papa’ (à quelques variantes près... chacun peut broder !). Je peux vous assurer qu’ils n’aiment pas :
A nouveau l’insupportable face à face avec les ’casseurs’, les ’terroristes’ en bleu ! Nous sommes des milliers de militants dans la forêt, je ne suis pas capable de donner un nombre pour les flics... De toute ma vie militante, je n’ai jamais vu une telle concentration !
Des jeunes se sont dénudés et ont marché à quatre pattes vers le barrages de flics, ’s’offrant’ à la répression pour faire apparaître la violence des flics et invitant les témoins à se joindre à eux. Ils affirment à la fois leur détermination et leur vulnérabilité... Ils déclenchent (forcément dans le contexte) un tir nourri de grenades lacrymogènes, dont une fois de plus, nous prenons plein la gueule ! Des amis me protègent -relativement- et m’aident à reculer, pour que je ne risque de tomber sur ma main abîmée...
Une journaliste de l’AFP (que je connais un peu) me sollicite pour une interview vidéastée...
La question me gêne : comment je vis, moi, personnellement, tout çà.
Je fais part de mon inquiétude, puisque elle veut du personnel : : ce que le massacre de ma main n’a pas réussi à obtenir (je vois et vise dans cette affaire non une personne, mais la hiérarchie et les donneurs d’ordre...) , ce que je refuse de tous les pores de ma peau, eh bien l’attaque féroce contre les militants montés dans les arbres, contre les arbres eux-mêmes, est en train de le réaliser : j’ai peur de basculer dans la haine, de devenir haineuse... contre les flics... contre les porteurs du projet... J’ai toujours essayé d’éviter de tomber dans ce piège, et peut-être est-il en train de se refermer.
Le problème n’est pas tant un problème moral, que celui de la pertinence politique : la haine affole, elle fait fait perdre sang-froid et lucidité. La rage, (celle de ’courage’, quand on a tordu le cou...) est moins grave... Ce dont nous avons besoin en ce moment, ce n’est pas de haine, mais de clairvoyance et détermination politique...
Pour gagner !
Et nous gagnerons : historiques qui avons permis par notre lutte l’arrivée des zadistes...
Zadistes au coeur de la bataille expulsions/destructions (avec le soutien des historiques)
Tous ensemble : nous gagnerons
Geneviève Coiffard-Grosdoy 24 novembre 2012 18h30