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Récit d’une journée mouvementée - Témoignage du 24 novembre

dimanche 25 novembre 2012

Récit d’une journée mouvementée, beaucoup moins récréative qu’il y a une semaine

Quand il n’y a pas de CRS, il n’y a pas de violence

Quand il y a des CRS il y a beaucoup de violences

(cet après midi c’était grenades lacrymo et grenades assourdissantes contre des chansons des manifestants, sans doute bien plus de 500 en fin d’après-midi, des familles pacifiques qui se faisaient gazer, beaucoup restaient en retrait, de peur d’approcher de ces malades)

Ca, les médias ne le disent jamais.

Départ de Redon 8h

Arrivée vers 8h45 au carrefour des Ardillères, bloqué par deux véhicules de gendarmerie.

Je retrouve un couple de retraités de St Nazaire qui sont venus chaque jour de la semaine.

Nous rejoignons la Vache Rit à pied, les jeunes ne trouvent plus de chaussettes dans les tas de linge donnés par de nombreux sympathisants.

Nous marchons jusqu’à la Rolandière, les fourgons de CRS sont rangés à l’angle de la forêt de Rohanne, les Playmobils ont déjà investi la forêt. Les jeunes nous conseillent d’attendre pour se rendre en groupe à travers le champ.

Pour une zone humide, c’est vraiment une zone humide, on a l’impression de marcher dans la vase par endroits.

A l’extrémité du champ nous pénétrons dans le bois où sont les cabanes en bois, déjà encerclées par les forces de l’ordre. Dans les arbres les occupants sont toujours là (il y resteront jusqu’à la tombée de la nuit et le départ des CRS, bravo les filles et les gars)

Premiers contacts avec les CRS (à 53 ans , au pays des droits de l’homme, sous un gouvernement de gauche, qui m’aurait dit ça un jour ?), c’est plutôt calme, ils ne sont pas causants, pas souriants, on en viendrait à se demander s’il y a un cerveau là dessous.

Les gens arrivent progressivement, vite une petite centaine. On entend des bruits d’engins au loin et de grenades assourdissantes, il y a des barricades à franchir, avant d’arriver jusqu’à nous.

Les pelleteuses s’approchent, devant, une bleue de la gendarmerie qui s’enlise jusqu’à la moitié des roues, gros rires et applaudissements.

Après une demi heure de tentative infructueuse, les tractos se frayent un autre chemin et commencent leur sale boulot.

Nous essayons d’avancer en rang serré, au contact des boucliers des CRS, je dis à l’un d’eux par deux fois de ramasser sa matraque, je ne suis pas violent, je n’ai rien dans les mains, ce qu’il fait (bizarrement), puis ils nous repoussent. Je me cale devant un arbre, ils continuent d’avancer. Je me retrouve derrière eux, à terre dans la bousculade. Il y en a deux qui m’attrapent manu militari pour me renvoyer de l’autre coté, je leur explique pourquoi je suis là : vous m’avez coincé contre l’arbre...

Vers 11h 5-6 jeunes se dénudent pour montrer leur non violence et le déséquilibre des forces. Nous nous mettons tous à quatre pattes et avançons vers eux dans ce même état d’esprit. C’est alors qu’on se fait gazer avec leurs bombes aérosol (comme sur la photo ci-dessous) . Il n’y a rien de pire, ça pique très fort dans la bouche, le nez, les yeux n’en parlons pas. il faut se replier au plus vite, on ne sait plus où on est, les yeux sont en feu, plus possible de les ouvrir, on tousse tant qu’on peut. Les jeunes crient sérum (physiologique) pour ceux qui en ont besoin. Je m’appuie contre un arbre, les yeux complétement fermés, le temps de récupérer un peu, puis me dirige vers un des jeunes , demande du sérum. Il m’explique qu’il ne faut surtout pas me frotter les yeux , ça soulage un peu, mais en même temps fait peut-être couler du produit des paupières vers les yeux. J’apprendrai plus tard que c’était du gaz au poivre, vraiment très puissant car ce soir sous la douche après m’être longuement rincé, j’ai essayer de laver avec un gant très savonné, l’irritation repart de plus belle, presque aussi intense que ce matin. Pour un baptême du feu ce ne fût pas triste. Après les lacrymos, c’est de la rigolade.

Ensuite commencent progressivement des petites charges de quelques manifestants, des jets de bois morts auxquels ils ripostent par des grenades lacrymogènes (dans chaque cartouche il y en a 5 ou 6) . Les jeunes essaient de les enfouir ou ceux qui ont des gants les renvoient à l’expéditeur ; Parfois le vent renvoie tout vers eux. Il y a aussi des grenades assourdissantes.

Au fur et à mesure les rangs s’épaississent de notre coté. Deux cars sont annoncés arrivant de Paris. Mais les rangs se sont aussi sérieusement densifiés de leur coté.

Ce sera ce petit jeu tout l’après midi. Je reconnais de nombreux redonnais qui ont rejoint les rangs.

Les CRS n’hésitent pas non plus à faire usage de tirs tendus de flash balls, n’hésitent pas à toucher un retraité d’au moins 65 ans.

Là leur réaction est très révélatrice : l’homme est à terre entouré de camarades à son secours, les CRS chargent à un vingtaine pour venir le récupérer, gazer les autres au besoin, et le trainer au sol jusque derrière leurs rangs.

Il ne faut surtout pas qu’un blessé reste du coté des manifestant (une bavure ça serait gênant)

Vers 16h30 tout est déblayé, les engins repartent, les jeunes sont toujours dans les arbres, quel courage.

Les CRS décident de se replier, exercice délicat pour eux, reculer ils n’aiment pas ça. Dans les ornières de boue, avec tout leur attirail, c’est pas facile, certains tombent, ils sont ridicules, on ne les loupe pas.

Au bout d’un moment, ils perdent leur sérénité, lancent des lacrimos et grenades assourdissantes à tout va. Il n’y a plus aucune visibilité, il faut s’écarter.

A la sortie du bois on découvre des rangées interminables de fourgons bleus, à perte de vue. Ils ont peur de nous au milieu du champ et nous lancent des grenades. Pas de chance le vent est contre eux on est pas plus de quinze, on n’a rien dans les mains, ils sont complétement malades. C’est vrai que nous sommes de méchants anarcho-extrèmistes de je ne sais plus quoi.

Contrairement à ce qu’on peut lire sur les sites de presse ou entendre à la télé il n’y a eu aucun jet de cocktails molotov de la journée dans la forêt.

Les journalistes étaient tous derrière les CRS "en zone sécurisée" . A lire leurs articles ou retransmissions, force est de constater qu’ils n’ont pas la même vision des choses que ce que nous vivons de notre coté. Espérant que cet éclairage vous permettra d’être vigilant, si vous ne l’êtes déjà, de ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui peut être dit.

Les photos dispos sous ce lien s’arrêtent en fin de matinée , faute de batterie dans le téléphone.

Michel