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Récit d’une garde à vue ordinaire

lundi 17 décembre 2012

Jeudi 13 décembre. J’étais à Nantes, dans le tramway. Je suis monté à l’arrêt 5O otages vers 15h30. Au terminus Gare de Pont Rousseau, nous n’étions plus que deux dans le tramway, moi et un autre homme à qui je n’avais pas prêté attention. Alors que je m’apprêtais à descendre du tram, il est arrivé derrière moi et m’a attrapé le bras. En même temps, il se mettait un brassard « police ». Il était en civil. Il m’a demandé mes papiers. J’ai refusé. Il a appelé des renforts sur son talkie. Je crois qu’il les avait déjà appelé avant et qu’il leur disait simplement qu’on était à Gare de Pont Rousseau en leur demandant de se dépêcher. Il m’a demandé si j’étais bien monsieur Untel. Je ne lui ai pas répondu.

Cinq policiers nationaux en uniformes sont arrivés en courant et m’ont menotté. Le policier en civil leur a dit qu’il me suivait depuis Commerce. Il m’a reconnu d’après une photo qui était dans son bureau et qui disait que j’étais recherché. J’ai été emmené au commissariat sans savoir ce qu’ils me voulaient.

Arrivé au commissariat, j’ai fini par savoir que j’étais suspecté d’outrages sur des flics lors d’une manifestation contre l’aéroport trois semaines plus tôt. Alors que des faits de cette nature ne donnent généralement lieu à des suites que lorsqu’on se fait choper en flagrant délit, je suis poursuivit dans le cadre d’une enquête préliminaire. Je me suis retrouvé au service du Quart, entouré de sept flics qui me demandait mon identité en brandissant une fiche qui disait que j’étais bien monsieur Untel. Ils me demandaient si je réalisais la gravité de ce que j’avais fait. Insulter des flics ! Ils m’ont demandé si ça me ferait plaisir que des flics m’insultent. J’ai trouvé ça dur et humiliant. Je n’arrivais pas à comprendre comment ils pouvaient nier que les flics nous faisaient subir au quotidien des choses bien pires que quelques insultes, des mutilations, occupations, blessures, expulsions, destructions de ce qu’on a construits, humiliations, et enfermements. A ce moment, j’aurais vraiment aimé que les flics m’insultent de tous les noms et me laissent rentrer chez moi.

Je suis resté enfermé tout le reste de l’après-midi, la soirée, la nuit, et toute la matinée. J’en avais vraiment marre, mais je ne pouvais rien faire pour arrêter de subir cette situation. Face à l’arbitraire de la répression, on se sent complètement impuissant.e.s. Je n’ai rien pu faire d’autre qu’attendre que les flics veuillent bien me libérer. Ils ne m’ont fait aucune audition et m’ont laissé partir avec une convocation pour un procès en février. Je ne vois pas ce que je peux faire pour ne pas que cette situation se reproduise. Il n’y a pas un bout de terre sur la planète qui ne soit pas contrôlé par un Etat répressif et le capitalisme impose son ordre partout. Je ne peux pas non plus me résoudre à baisser la tête et à regarder les flics tout détruire autours de moi sans broncher. De toute façon, même une telle attitude ne me garantirait pas en retours de ne plus subir de répression.

Même s’il est peut-être possible pour certaines personnes de se mettre un peu à l’abri, c’est sur que ce n’est pas possible pour tout le monde. Quand on n’a pas les bons papiers, ou seulement pas la bonne couleur de peau, ça ne sert à rien de renoncer à la révolte, de renoncer aux petits moyens de débrouille. Même en cherchant à s’intégrer, même en travaillant dur, même en renonçant à son identité on finit toujours par se retrouver plaqué.e sur le capot d’une voiture de la Bac pour subir une fouille au corps et un contrôle d’identité.

La seule option qui nous reste, c’est de continuer à nous battre. En sortant de garde à vue, je me suis rendu à la manif contre la répression et j’ai insulté les flics comme je ne l’avais encore jamais fait. Advienne que pourra …