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EUX ET NOUS : Les (sans) raisons du dessus (Sous-commandant Marcos, Chiapas, Mexique)

lundi 11 février 2013

I. Janvier 2013.

Ceux qui sont dessus parlent :

« Nous sommes ceux qui commandent. Nous sommes plus puissants, même si nous sommes moins nombreux. Nous ne nous soucions pas de ce que tu dis, écoutes-penses-fais, aussi longtemps que tu restes muet, sourd, immobile.

Nous pouvons imposer au gouvernement des gens assez intelligents (bien qu’il soit devenu très difficile d’en trouver dans la classe politique), mais nous choisissons n’importe qui incapable de prétendre même savoir ce qui se passe.

Pourquoi ? Parce que nous pouvons le faire.

Nous pouvons utiliser l’appareil militaire et policier pour poursuivre et incarcérer les vrais criminels, mais ces criminels sont notre partie vitale. Au lieu de cela, nous avons décidé de vous poursuivre, vous frapper, vous arrêter, vous torturer, vous emprisonner, vous tuer.

Pourquoi ? Parce que nous pouvons le faire.

Innocent ou coupable ? Eh ! qui se soucie que vous soyez l’un ou l’autre ? La justice est une pute dans notre carnet d’adresses et, croyez-nous, ce n’est pas la plus chère.

Et même si tu réponds au pied de la lettre aux ordres que nous imposons, même si tu ne fais rien, même si vous êtes tous innocents, nous vous écraserons.

Et si vous insistez pour demander pourquoi nous le faisons, nous répondons : parce que nous le pouvons.

C’est ça, avoir le Pouvoir. Nous parlons beaucoup d’argent, de richesses, et d’autres choses. Mais tu peux croire que c’est surtout le plaisir d’être en mesure de décider de la vie, de la liberté et de la propriété d’autrui. Non, le pouvoir n’est pas l’argent, c’est ce qu’on peut avoir avec. Le pouvoir n’est pas simplement l’exercice de la puissance en toute impunité, c’est aussi, surtout, son irrationnalité. Parce qu’avoir le pouvoir c’est faire et défaire sans autre raison que d’avoir du pouvoir.

Et peu importe qui apparaît au front, en nous cachant. Droite ou gauche, c’est juste où le conducteur doit garer la voiture. La machine fonctionne d’elle-même. Je n’ai même pas à donner l’ordre de punir l’insolence de contester. Moyens, petits ou grands, les gouvernements de tout le spectre politique, et même des intellectuels, des artistes, des journalistes, des politiciens, des chefs religieux, tous se placent en lice pour le seul privilège de nous plaire.

Alors va te faire foutre, écrase-toi, dégrade-toi et pourris, desillusionne-toi, rends-toi.

Pour le reste du monde, tu n’existes pas, tu n’es personne.

Oui, nous avons semé la haine, le cynisme, la rancœur, le désespoir, le àquoibonisme théorique et pratique, la conformité des « moindre mal », la peur faite démission.

Et pourtant, nous craignons encore que la colère devienne une rébelion organisée, sans prix.

Parce que le chaos, c’est nous qui le contrôlons, c’est nous qui l’administrons, qui le dosons, l’alimentons. Nos « forces de l’ordre » sont notre force pour imposer notre chaos.

Mais le chaos venant d’en bas !...

Oh, ça !... sans même pouvoir comprendre ce qu’ils disent, ce qu’ils sont, ce qu’ils coûtent !...

Et puis quelle vulgarité de ne plus mendier, attendre, demander, supplier, et se mettre à exercer leur liberté. Avez-vous jamais vu si grande obscénité !

C’est le véritable danger. Les gens qui regardent dans l’autre sens, qui sortent du moule, ou qui le rompent, ou qui l’ignorent.

Vous savez, ce qui nous a très bien réussi ? Ce mythe de l’unité à tout prix. Se prendre un chef, dirigeant, leader, caudillo, ou comme on voudra l’appeler autrement. Surveiller, gérer, contenir, se payer l’un@ c’est plus facile que d’en acheter beaucoup. Oui, et moins cher. Ça, et les rébellions individuelles. C’est tellement inutilement touchant !...

En revanche, oui, ce qui est vraiment dangereux, un vrai chaos, c’est que n’importe qui forme un collectif, un groupe, une bande, une espèce, une organisation et, qu’à leur côté il apprenne à dire « non » et dire « oui », et, qu’ensemble, ils se mettent d’accord. Parce que le « non » s’adresse à ceux qui commandent. Et le « oui »... ouff !... Ça oui, c’est une calamité, imaginez que chaque personne construise sa propre destinée, et décide ce qu’il faut être et faire. Ce serait comme faire remarquer que nous sommes les corruptibles, ceux qui dominent, ceux qui assomment, ceux qui ne sont pas nécessaires, qui devraient être emprisonnés, ceux qui doivent disparaître.

Oui, un cauchemar. Ouais, c’est clair, mais maintenant seulement pour nous. T’imagines de quel mauvais goût serait ce monde ? Rempli d’Indiens, de Noirs, de cafés, de Jaunes, de Rouges, de rastas, de tatouages, de piercings, de goujons, de punks, de darket@ s, de frimeur@s, de skatter@s, de ce drapeau « A » qu’aucune nation n’achète, de jeunes, de femmes, de put@s, de filles, de vieux, de pachuco, de chauffeurs, de paysans, de travailleurs, d’ouvriers, de nacos, de prolos, de pauvres, d’anonymes, d’... otr@s. Sans un endroit spécialement réservé pour nous, les « beautiful people »... les « bonnes personnes » pour nous faire comprendre.... parce qu’on les trouve à la ligue de ceux qui n’ont pas étudié à Harvard.

Oui, ce jour-là serait la nuit pour nous... Oui, tout éclaterait. Que ferions-nous ?

Hmm... nous n’avons pas envisagé cela. Nous pensons, planifier et exécutons ce qu’il faut faire pour’empêcher que ça se produise, mais... non !... ça ne nous est jamais arrivé.

Eh bien, dans le cas donné, parce que... euh... je ne sais pas... peut-être chercherions-nous des coupables et, ensuite, voir, je ne sais pas, un plan « B ». Bien sûr, d’ici là, tout serait inutile. Je pense que nous pourrions rappeler les paroles de ce maudit Juif rouge... Non, pas Marx, non ... Einstein, Albert Einstein. Je pense que c’est lui qui a dit : « La théorie, c’est quand on sait tout et rien ne fonctionne. Pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Ici, nous combinons théorie et pratique : rien ne fonctionne... et personne ne sait pourquoi. ».

Non, vous avez raison, ça ne prête même pas à sourire. Le sens de l’humour a toujours été un patrimoine inexpropriable. Si ce n’est pas une honte !?

Bon, sans aucun doute : ce sont des moments de crise.

Hey, et tu ne vas pas prendre de photos ? Je veux dire, pour s’arranger un peu et nous donner un peu plus de décence. Non, cette posture, nous l’avons déjà adoptée dans “Voici”... ah, mais qu’est que je te raconte, là ? il est clair que vous n’as pas passé le « livre du garçon vacher ».

Ah, nous ne pouvons pas attendre pour le dire à n@s ami@s qui sont venus s’entretenir une fois si... si... si... différente. Ils vont adorer. Eh bien, nous, ça va nous donner un air tellement cosmopolite...

Non, je ne te crains pas. Quant à la prophétie... bah, c’est juste la superstition, si ... si ... si ... Oui natif, comme la région 4... hahaha !... quelle bonne blague, arrêtez ce que nous visons quand nous voyons le chic @ s @ s ...

Quoi ? ... N’est-ce pas une prophétie ? ...

Oh, c’est une promesse ...

(...) (Sonorité titutata-tatatata, le smartphone)

Eh bien, la police ? Oui, c’est pour déclarer que nous avons été visités. Oui, nous avons pensé que c’était un journaliste ou quelque chose comme ça. Il avait l’air si... si... si différent, oui. Non, il ne nous a rien fait. Non, il n’a rien volé non plus. C’est que, alors que nous allions au club pour voir nos ami@s nous avons constaté que quelque chose était peint sur la porte d’entrée du jardin. Non, les gardes ne se sont rendus compte de rien. Bien sûr que non, les fantômes n’existent pas. Eh bien, c’est peint comme ça, avec beaucoup de couleurs et... Non, nous n’avons vu aucun pot de peinture à proximité... Eh bien, nous avons dit que c’est peint avec beaucoup de couleurs, et très coloré, très naco, tout à fait différent, rien à voir avec les galeries où ... quoi ? Non, nous ne voulons l’envoi d’aucune patrouille. Oui, nous savons. Mais parler pour voir si vous pouvez enquêter sur ce que signifie ce qui est peint. Nous ne savons pas si c’est une clé, ou une de ces langues rares que parlent les prolos. Oui, c’est juste un seul mot, mais nous ne savons pas pourquoi, ça nous fait un chaud et froid. Ça dit :

“¡MARICHIWEU !”

(à suivre…)

De n’importe quel coin, partout dans le monde.

Sous-commandant Marcos. Planète Terre. Janvier 2013.

[traduction Jean-Jacques M’µ]

[note : « MARICHIWEU » est la parole des Indiens Mapuches, du Chili, exprimant : « Nous vaincrons ! »]

et la suite......

Eux et nous I. Les (dé)raisons d’en haut

Eux et nous II. La machine en presque deux feuillets

Eux et nous III. Les contremaîtres

Eux et nous IV. Les douleurs d’en bas

Eux et nous V. La Sexta

Eux et nous VI. Les regards (I)

Eux et nous VI. Les regards (II)

Eux et nous VI. Les regards (III)

Eux et nous VI. Les regards (IV)

Eux et nous VII. Les plus petit•e•s (VII et dernier)