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Solidarité avec Lucie ! Un an après où en est-ce ?

mardi 25 août 2015

Le texte ci-dessous est un communiqué de OC-FR.

*Solidarité avec Lucie ! Un an après où en est-ce ?*

Le 2 septembre 2014, nous avions lancé dans notre communiqué de congrès du 1er septembre 2014 le mot d’ordre "Unité contre les fascistes, sexistes et violeurs, nervis du patriarcat et de la bourgeoisie, solidarité !"

Le 7 septembre 2014 nous avons rendu public via un communiqué de l’OC-FR le viol commis par un fasciste à notre camarade Lucie.

C’est arrivé le 9 août 2013. Lucie était attaquée parce qu’elle est une militante antifasciste. C’est en tant qu’"antifa" qu’elle a été ciblée. C’était donc un crime fasciste et sexiste.

Parce qu’elle est une survivante, une combattante et une militante politique, elle a voulu dénoncer ce crime. Son courage est exemplaire.

Lucie s’était exprimée via un texte "ACAB" où elle expliquait que "*nous devons montrer aux fascistes, montrer aux flics ce dont on est capables, ce qu’on est : solidaires et dangereuses et dangereux." (...)*

*"Ce dont j’ai besoin, c’est de la force du collectif, c’est de voir des mobilisations et du soutien. Je ne me laisserai pas abattre par la répression fasciste, je resterai militante communiste et antifasciste. Cela ne freinera en rien mes actions et ma détermination à mener ces luttes.*"

Nous attendions alors du mouvement révolutionnaire, antifasciste, féministe et pro-féministe du soutien.

Nous remercions tous-tes ceux/celles qui l’ont soutenu, qui ont respecté ses choix et son anonymat et qui ont participé à la solidarité féministe.

Presque un an après avoir rendu public ce crime, et plus de deux ans après son exaction, les militant-e-s de l’OC-FR ont souhaité faire le bilan de la solidarité autour de Lucie.

Nous avons reçu concrètement des gestes de solidarité qui ont touché notre camarade. Que ce soit dans l’état français ou sur le plan international, nous avons reçu des messages qui ont aidé Lucie. Certaines organisations se sont exprimées publiquement pour la soutenir.

Il y a aussi eu des initiatives collectives qui ont été importantes. Dès septembre 2014 à Tours s’est organisé un rassemblement de soutien, en octobre une soirée de soutien à Rennes et à Paris la manifestation de solidarité avec Lucie le 11 octobre.

A Bordeaux il y a eu en Mai 2015 une manifestation et une soirée de soutien à Lucie et contre toutes les violences sexistes.

A l’étranger aussi son combat a été relayé dans des pays comme l’Allemagne, l’Italie, le Québec où des banderoles ont arboré « Solidarité avec Lucie ».

Le combat de Lucie est régulièrement évoqué dans les initiatives féministes. En novembre 2014 la manifestation féministe de Toulouse met en avant la lutte de Lucie. Le 10 Avril 2015 à Lyon, la marche de nuit non-mixte rappelle le combat de Lucie, et la mémoire d’Özgecan Aslan, jeune femme Alevi, violée et tuée en Turquie par des fascistes.

En Mars, toujours à Lyon, le collectif "Arts les murs" dédicace une de ses soirées à Lucie. Le 6 Juin, le cortège féministe fait vivre la solidarité avec Lucie et toutes les victimes des fascistes durant la manifestation antifasciste de Paris deux ans après la mort de Clément Méric.

Nous ne pouvons pas toutes les citer.

Surtout, nous sommes fier-e-s des solidarités crées entre militantes, entre celles pour qui soutenir Lucie, ça a été se soutenir elles-mêmes. En effet, cette campagne a contribué à sortir de l’isolement des militantes et à créer des liens entre elles.

Selon de récentes études publiques, il y aurait 33 viols déclarés chaque jour en France, soit toutes les 40 minutes en moyenne. Or selon ces mêmes enquêtes, moins de 10% des viols donnent lieu à un dépôt de plainte.

Nombreuses sont les militantes directement concernées, statistiquement.

Nous ne pouvions pas nous contenter de désigner le violeur comme un ennemi extérieur, figure repoussoir du fasciste s’attaquant à une jeune femme dans la nuit. Dans 85% des cas, la victime connaît l’agresseur et dans 60% des cas l’agression a lieu dans son domicile. Le violeur c’est ton conjoint, ton père, ton frère, ton collègue, ton camarade avant toute chose.

Lucie a longtemps hésité à parler et l’on comprend ses réticences. Sa parole risquait d’en entraîner d’autres, et cette menace appelait la répression.

C’est d’abord en notre sein qu’elle s’est exprimée. Alors que nous étions engagé-e-s dans un processus d’unification avec une autre organisation, le PCMF alias Bloc Rouge, ceux-ci ont traité par le rire, le mépris et l’indifférence l’expression courageuse de notre camarade. Nous avons immédiatement rompu, mais notre organisation a ensuite elle-même été traversée de contradictions. Il a fallu lutter pour que se développe la solidarité, la confiance, l’unité. Notre organisation n’avait jamais subi une telle répression, et il fallait déjà en interne que nous soyons capables de la prendre en charge.

Ensuite, lorsque nous avons démarché certaines organisations, nombreuses sont celles qui ont refusé de croire notre camarade, ont mis en doute son existence, ont exigé des expertises policières, ont tout simplement mis des mois à nous répondre de façon négative quant à notre demande de soutien.

Demande-t-on à un homme victime de répression fasciste des certificats médicaux ? S’interroge-t-on sur le caractère prioritaire ou non d’exprimer du soutien ? Dit-on de lui et de ses camarades qu’ils veulent faire leurs intéressants ?

Nous ne comprenions pas à l’époque pourquoi des camarades avec lesquels nous avions parfois des années de pratique commune de solidarité se faisaient soudain distant-e-s.

Nous le savons aujourd’hui.

Ce n’est pas parce que le message que nous portons est « trop violent » que des militant-e-s détournent le regard. C’est parce que le viol est quelque chose de banal dans le milieu militant.

C’est parce qu’eux mêmes ont des choses à cacher. Et que l’expression de Lucie, elle les dérange, elle fait peur, parce qu’elle menace leurs intérêts à étouffer les violences patriarcales qui gangrènent nos milieux.

En février 2015, Lucie explique dans un texte intitulé "Du spray au poivre et des coups de couteau" que "*le calvaire d’une meuf violée, c’est pas juste au moment où ça se passe, c’est pas juste dans les semaines qui suivent, c’est pas juste le trauma*".

La solidarité avec Lucie ne doit donc jamais cesser. Nous n’oublierons jamais.

Nous tirons un ensemble de conclusions quant à notre pratique politique. Chaque jour, nous sommes confronté-e-s au racisme et au sexisme des milieux militants. A la répression des expressions et revendications féministes et antiracistes en son sein.

Nous ne considérons pas nos militantes comme des sous militantes. Nous ne considérons pas que la vie des hommes-cis vaille plus que celle des autres. Ce n’est pas du sectarisme que de considérer la vie des femmes comme précieuse à défendre. Quand on en viole une, il faut une réponse.

Cette campagne a coûté beaucoup à Lucie et à présent elle veut tourner la page. Avec elle, nous allons regarder l’avenir et construire de nouvelles solidarités. Nous serons toujours solidaires de toutes les victimes, de toutes les survivantes, de toutes celles qui disent non !

*Pour Lucie et toutes les autres survivantes , ni oubli, ni pardon !*