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Pas de guerre en notre nom

lundi 7 décembre 2015

PAS DE GUERRE EN NOTRE NOM

Attentats à Paris. Plein de gens qui meurent. Des gens comme nous, des gens qui boivent un café, discutent sur le trottoir avec un ami, des gens qui marchent d ans la rue. Des gens comme toi, comme moi, des gens qui n’ont pas grand chose à voir avec tout ce bordel. Putain, c’est dégueulasse.

D’autres qui n’ont rien à voir avec tout ce bordel mais qui en mangent plein la gueule, c’est les musulmans et musulmanes à qui pas mal de monde demande de se justifier, de se positionner, de condamner, de se désolidariser d’actes commis par des inconnus. Comme si le fait de partager une religion rendait responsable de toutes les conneries commises en son nom. D’une manière plus générale, c’est tout une idéologie raciste et islamophobe qui se trouve une fois de plus justifiée, alimentée, légitimée, à travers des amalgames entre Islam et terrorisme largement entretenus par les médias et les pouvoirs publics. Oui, la France a un sérieux problème de racisme qui tente de se cacher derrière le vernis d’une critique de la religion musulmane, ou d’une critique des intégrismes. Les dernières semaines l’ont encore démontré. Et la partie visible de l’iceberg, c’est les mosquées vandalisées, les tags "Islam hors d’Europe", les femmes agressées en pleine rue parce que certains se sentent le droit de leur interdire de porter le voile.

Y a de l’émotion après cette série de morts, et c’est normal. Pour autant est-ce que cette émotion doit se transformer en élan patriotique, en défense de la « Nation Française », en accrochant des drapeaux bleu-blanc-rouge partout et en gueulant la marseillaise ? Est-ce que le problème c’est que ces gens soient morts aussi connement, ou est-ce que le problème c’est l’affront fait à la nation ?

Parce que pour le coup, la nation, elle, elle a à voir avec tout ce bordel. Parce que oui la France est en guerre mais ça c’est pas nouveau. La France est en guerre depuis des mois en Syrie, et avant ça en Lybie, en Irak, au Mali, etc. La France est continuellement engagée dans des guerres hors de son territoire. Là-bas, elle tue, elle mutile, elle bombarde, elle emprisonne, elle arrête, elle traumatise. Ce n’est pas l’attaque d’une poignée de personnes à Paris qui crée la guerre, c’est la politique étrangère de la France qui crée la guerre. Oui la France est en guerre, et en tant que nation en guerre parfois elle subit des attaques sur son sol.

La France est une puissance militaire. Elle forme à l’étranger des soldats, des chefs d’armée ; elle exporte des armes un peu partout, elle s’enrichit sur le dos des massacres commis ailleurs. Parce que c’est un business rentable, la guerre, la France agit activement a ce qu’elle perdure un peu partout dans le monde. Et qui sait si les armes utilisées par l’État Islamique ne sont pas des produits de fabrication française...

Qu’est ce qui fait détonateur ? Qu’est ce qui fait que des gens font le choix d’aller se faire péter la gueule au milieu d’une foule de gens qu’ont pas grand chose à voir avec tout ce bordel ? Et pourquoi les auteurs d’attentats sont-ils présentés comme des fous-fanatiques sans aucun discours construit ? Trop facile d’éviter le débat sur ce qui fait que des gens en arrivent là. Peut-être parce qu’ils sont désespérés. Peut-être pour se positionner dans cette guerre. Ou alors parce qu’ils obéissent aux ordres, comme tous les soldats.

En tout cas, ça fait des jours qu’on nous rabâche les oreilles d’unité nationale, de tous s’aligner derrière le président et de foncer dans cette guerre en tant que nation soudée. On devrait se sentir appartenir à LA France. Mais nous on fait pas partie du gouvernement. On n’est pas solidaires de la politique de l’état français. On n’a rien à voir avec cette guerre, on ne l’a pas décidée, pas plus que toutes les autres menées par l’état français. La guerre c’est une saloperie, et il est hors de question qu’elle soit faite en notre nom.

L’état français crie à l’unité face à État Islamique. Appelle à la coalition. Dans ce cas, pourquoi l’état français n’apporte-t-il aucun soutien à la résistance kurde qui combat au quotidien en Syrie contre l’État Islamique ? Pourquoi les médias français ne se font-ils pas le relais du peuple kurde en lutte ?

Y a-t-il des morts qui ont plus de valeur que d’autres ? Parce qu’ils sont français ? Parisiens ? Pourquoi ces morts provoquent autant d’indignation dans le monde occidental, alors que les attentats commis la veille à Beyrouth sont passés presque inaperçus ? Et les morts civils en Syrie, là où l’état français bombarde, là où comme d’habitude on nous fait croire à une guerre propre ? Et tous les morts causés par la politique migratoire de l’état français et de ses collaborateurs européens ? En 2014 c’est 3500 migrants et migrantes qui sont morts en tentant de traverser la méditerranée, et les responsables de ces morts se sont bien les États européens qui érigent une forteresse. Et ils prévoient d’empirer encore les dégâts, puisque la fermeture des frontières apparaît comme première réponse après les attentats, puisque les politiques parlent de durcir les procédures de demande d’asile, puisque certains osent même affirmer qu’il est hors de question d’accueillir des réfugié-e-s syrien-ne-s, des gens comme toi, comme moi, qui fuient la guerre qui dévaste leur pays.

L’état français est un état meurtrier.Hors son sol et sur son sol. On nous demande de soutenir les nouvelles mesures qui donnent encore plus de pouvoir à la police, sous prétexte que c’est pour "nous" protéger contre la menace terroriste. Perquisitions. Port d’armes en dehors des heures de service. Mais c’est pas nous que la police protège. 129 morts à Paris dans les attaques revendiquées par État Islamique le 13 novembre. 127 morts, c’est le nombre de personnes assassinées par la police recensées depuis 2000 en France , et c’est pas exhaustif parce que t’as vu, ’y a pas beaucoup de statistiques là-dessus. Et sans compter les blessés, les mutilées, les traumatisés. Et on voudrait que ces gens là soient mieux armés ? Et qu’ils dégainent plus facilement ?

Non, décidément, "nous" ne sommes pas "la France". "Nous" ne nous mêlerons pas à créer cette illusion d’une unité du monde occidental, soudé face à un ennemi extérieur. Nous ne manifesterons pas aux côtés des politicien-ne-s qui génèrent ce carnage, ou des militaires qui l’exportent à l’étranger et qui nous tapent sur la gueule au quotidien. Nous ne défilerons pas main dans la main avec les patrons qui s’engraissent sur la guerre et nous exploitent ici. Nous refusons d’être utilisées dans une propagande raciste et slamophobe. Nous refusons que nos deuils et nos peurs soient instrumentalisés pour servir la politique militaire et sécuritaire de l’état français.

Nous ne sommes pas "la France" et nous ne sommes pas la nation. Pas plus que nous n’étions Charlie. Parce que notre cœur est avec les victimes de la police française et leurs proches, avec celles qui seront réveillées au milieu de la nuit par des perquisitions arbitraires, avec ceux qui sont en garde à vue pour avoir regardé un site internet ou un film de guerre. Notre solidarité est avec tous les gamins arabes accusés de terrorisme dès qu’ils jouent à un jeu vidéo, avec les femmes voilées visibles comme musulmanes qui sont la cible de déferlement de haine. Notre solidarité est avec le peuple syrien qui subit la guerre, avec les kurdes en résistance, avec les migrant-e-s parqué-e-s aux frontières. Notre rage est avec les pauvres, les précaires, les galériens contre qui l’état français mène une guerre sociale au quotidien. Notre lutte est aux côtés des opprimé-e-s, pas des dirigeants.

NOUS NE SOMMES PAS SOLIDAIRES DE LA POLITIQUE DE L’ETAT FRANCAIS

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