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Contre l’aéroport - et pour son monde, ou quoi ?

vendredi 2 février 2018

À propos des prises de pouvoir et de la dissociation internes après la "victoire" du mouvement anti-aéroport à NDDL, et de la poursuite de la lutte contre le monde de l’aéroport

À propos du communiqué "commun du mouvement" suite à l’abandon du projet d’aéroport et au discours du 1er sinistre, il me semble important à des fins d’honneteté politique de préciser que la phrase concernant la D281, alias "la route des chicanes", n’a JAMAIS ÉTÉ VALIDÉE COLLECTIVEMENT.

Cette phrase a été rajouté pendant les conférences de presse à la Vacherie mercredi après-midi par un petit comité de rédaction autodésigné qui s’est octroyé le droit de répondre à Edouard Philippe sur ce point, mettant le reste du mouvement devant le fait accompli d’une prise de position publique en son nom (ce qui est pour le moins une erreur stratégique, si l’enjeu est notre force collective face à l’État).

Comme il a été écrit par ailleurs, la question du devenir de cette route est loin de faire consensus sur la zad comme dans le reste du mouvement.

En témoigne au niveau des comités de soutien le texte signé par sept comités de la région en faveur de la normalisation de la route, ou à l’inverse les trois textes d’autres comités en faveur de la défense des modes de vies qui s’y déploient, deux dans le dernier ZadNews (un ici), et un au printemps 2017. Ou encore d’autres prises de position, comme celle-ci, ou celle-là (et d’autres encore que je ne retrouve pas de suite)

Hier soir a donc eu lieu une AG extraordinaire du mouvement sur ce point unique, avec plein de monde (au début en tout cas, parce que ça a duré). Autant dire que la discussion était longue et difficile. Je vous passe les détails pour en venir au fait :

Suite à un coup de pression de Julien Durand de l’ACIPA en toute fin d’AG, affirmant que l’ACIPA et COPAIN viendrait de toute façon lundi et mardi pour "nettoyer"/"libérer" (/rendre au monde de l’aéroport) la route, une partie de l’AG s’est plus ou moins rangé à cette position, contre les avis de plein de personnes exprimés (ou parfois réprimés) tout au long de la soirée. Certain.es ont même affirmé que si les flics venaient pour rouvrir la route ou accompagner les ouvriers chargés de la remettre en État, illes ne seraient pas solidaires de celleux qui pourraient s’y opposer.

Pourtant de "l’autre côté", personne ou presque ne défend une quelconque forme de "privatisation" de la route, et plein de propositions de "compromis" ont été faites, sans qu’aucune ne soit prise en compte.

Autant dire que cette "décision" (ou prise de pouvoir, ou trahison ?) ne fait pas consensus, ni même qu’elle ne rencontre pas d’accord large.

Et donc que des personnes s’y opposeront, nécessairement, pour défendre ce qui leur semble juste (la critique d’un monde où la voiture règne en maitre, l’aménagement du territoire contre son ménagement, la vie très concrête qu’illes mènent là depuis parfois des années,...).

La question du sens des mots "solidarité" et "lutte" se pose très concrètement à chacun.e d’entre nous.

Apparemment il y a une "suite" [...] pour essayer de renouer les fils de la discussion. On va bien voir ce qu’il s’y passe.

La question de la D281, et la temporalité d’urgence que nous a habilement imposé le 1er sinistre avec son espèce d’ultimatum, ne doit pas pour autant être l’arbre qui cache la forêt des axes de normalisation (loyer, fermage, impôts, eau et électricité, permis de construire, etc etc etc.)

Comment peut-on continuer à s’accrocher à nos sacro-saints "6 points pour un avenir sans aéroport" (une chouette déclaration d’intention, mais après ?), alors que plusieurs voix du mouvement (ex : un agriculteur historique, un membre de COPAIN, etc.) se sont déjà exprimés publiquement au contraire des 6 points, en faveur d’une légalisation de TOUTES les installations agricoles ?

Comment peut-on se dire "bon, il n’y a plus de menaces d’expulsions donc on peut/il faut dégager la D281", alors qu’il est toujours affirmé par les représentant.es de l’État que les squatteur.euses seront expulsé.es au printemps ?

Comment peut-on se dire solidaire, humaniste, convergent.e des luttes, tout ce qu’on veut, et envisager cette légalisation qui n’est possible pour certain.es que par la grâce de nos privilèges néocoloniaux - vous avez déjà vu un camp de migrant.es ou de roms obtenir sa légalisation ?

Il y a celles et ceux qui refusent cette légalisation, et celles et ceux qui n’ont pas le choix : Qu’arrivera-t-il aux sans-papiers ou aux personnes recherchées par la police, dans ce "présent sans aéroport" (ici en tout cas), que certain.es veulent négocier avec le gouvernement ?

Rappelons-nous : rester neutre dans une situation d’oppression, c’est prendre le parti de l’oppresseur.

L, occupant de la zad

PS : Si on se réfère au Larzac, autant ne pas regarder que la carte postale qui montre une jolie image de lutte victorieuse, alors que la Légion étrangère a repris ses quartiers sur le plateau (comme quoi le pouvoir n’a besoin que d’un peu de patience, tant notre mémoire des luttes est faillible) : l’Empaillée, Le Monde.

PPS : À lire aussi (très important si vous ne l’avez pas lu !), le texte de Val K qui donne un bon aperçu de la situation et de ses enjeux, ici.