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Prise de parole à l’Assemblée des Usages du 16 avril 2018

mardi 24 avril 2018

Bonjour, nous publions ce texte avec un peu de retard. Pourquoi ? Il a fait beaucoup débat dans l’équipe de zad.nadir. Certain.e.s personnes, le trouvant diffamatoire et insultant pour le travail fait par le groupe presse et le site (cf dans le texte le "il y a des crachats qui se perdent"...) ont ressenti le besoin d’en parler collectivement avant de le publier. Nulle censure ici mais le fonctionnement normal d’un groupe très divers, où certaines personnes ont au contraire trouvé le texte vivifiant. A vous de juger.

PRISE DE PAROLE A L’ASSEMBLÉE DES USAGES DU 16 avril 2018 Salut, On a beaucoup entendu parlé de nous à la dernière Assemblée des Usages (celle du samedi 14 avril). Alors en tant qu’autre composante de la lutte (!), on est venu.e.s parler en notre propre nom. « On » c’est des personnes qui faisons partie de la désormais célèbre catégorie « les soutiens de l’extérieur ». Celle qui n’est pas invitée à l’assemblée des usages à prendre des décisions. Parce que comme beaucoup de gens ici, on ne vit pas sur la zone tout le temps. Et comme beaucoup de gens ici, ça fait des semaines, des mois, des années qu’on vient, qu’on habite pendant des périodes plus ou moins longues sur la zad, qu’on passe du temps dans les structures de la zad (radio, medic, legal), qu’on investit de l’énergie et des moyens matériels pour participer à (feu ?) la lutte contre le monde qui va avec l’aéroport. On a mis du temps à vous écrire. Parce que ces derniers mois, on était éparpillé.e.s dans différents coins de fRance, un peu isolé.e.s avec nos incompréhensions, nos questions et nos colères par rapport à ce qu’on perçoit de la situation sur la zad. Parce que depuis une semaine, c’est l’urgence de l’opération militaire sur la zone, et que prendre le temps de se retrouver pour discuter et écrire entre en compétition avec dormir, faire à manger, bouffer du gaz lacrymogène ou des grenades assourdissantes, faire de la medic, aller soutenir les potes au tribunal, faire de la radio, accueillir des gens, tenir des barricades, prendre du temps avec des gens pour parler de ce qui se passe pour les un.e.s et pour les autres. On vous écrit parce qu’on sait que les derniers mois on été compliqués. On sait que vous avez eu plein de discussions interminables, des doutes plus ou moins grands sur ce que vous êtes en train de faire, des moments de tensions avec des camarades et des ami.e.s, et beaucoup de désaccords. On n’est pas là pour dire comment faire, parce qu’on n’a pas de solution magique. Et on s’est dit que ça valait le coup d’ouvrir le champ des propositions, de sortir de la binarité du « on a tou.te.s le même discours » ou « on ne peut rien faire ensemble ». Mais on vous écrit parce qu’on est super vener de ce qui est en train de se passer. On est vener de ce en quoi la zad est en train de se transformer. On est vener des prises de pouvoir qu’on perçoit de là où on est. On est vener de la violence des keufs, de l’État et de la préfecture. On est vener que des gens soient arrêté.e.s, blessé.e.s et mutilé.e.s par centaines. Et on refuse que ce soit pour défendre une zad de quelques projets agricoles. On vous écrit pour vous dire que pour nous, ce qui se passe est inacceptable … la violence de l’État et de la police est inacceptable. Leurs grenades, leurs blindés, leurs flashballs. Pas la violence des barricadières qui se battent au risque de perdre un bras, un œil, un pied ; … les communiqués de presse signés du mouvement, où il n’est question ni de solidarité avec les expulsé.e.s, ni de prise de position contre l’État et les flics, sont inacceptables. Surtout ceux qui condamnent les expulsions de lieux parce que celui là est un projet agricole prêt-à-être-déposé ou celui-ci la maison d’une des représentantes des occupant.e.s dans la délégation intercomposante. Ya des crachats qui se perdent. … les composantes comme le CMDO qui ne s’assument pas en tant que telle et qui font semblant de ne pas exister pour pouvoir mieux agir dans l’ombre, sont inacceptables ; … le recours aux arguments de « vie normale » pour s’opposer aux expulsions est inacceptable. La promotion d’une zone qui serait un environnement « sûr, ni zone de non-droit ni contre-société, sur laquelle vive des enfants déclarés, fréquentant les écoles ou les garderies des bourgs alentour » (Communiqué des parents de la Zad de Saint Jean du Tertre) est inacceptable ; … l’unité à tout prix est inacceptable. Celle défendue par la logique des composantes qui accusent toujours les mêmes composantes de ne pas composer. Celle qui pousse vers des positions toujours plus réformistes. On était là en 2012. Et même avant. On se souvient qu’à l’époque l’ACIPA avait exigé publiquement le retrait des forces de l’ordre. On se rappelle que les occupant.e.s refusaient que des personnes identifiées nous représentent et que ça a valu pas mal de prises de tête avec les autres organisations du mouvement. On se souvient aussi que les réponses aux journalistes étaient des prises de parole collectives (et souvent masquées !) pour lutter contre l’individualisation et la personnalisation du mouvement. … l’absence de clarté sur ce qui se passe ici est inacceptable. Est-ce vraiment encore une lutte ? Parce que de notre côté, on trouve inacceptable de demander à des dizaines de milliers de gens de faire des milliers de kilomètres pour venir ici, apporter du matériel, mettre leur vie et leur intégrité physique en jeu … pour défendre des terres pour quelques projets agricoles soit disant alternatifs. On sait aussi qu’ici comme ailleurs ya plein de gens qui continuent à lutter contre le monde dégueulasse dans lequel on vit. A celleux là on veut apporter notre solidarité. Malgré tout, si on continue à venir, c’est parce qu’on est solidaires … … des gens qui ont été expulsé.e.s de leurs cabanes, que ce soit par le mouvement d’occupation sur la D281 ou par les keufs. … de celleux qui développent des projets agricoles en dehors des normes étatiques d’hygiène et de sécurité (et certainement pas avec celleux qui pucent leurs brebis), avec celleux qui développent des projets non-agricoles, et avec celleux qui n’ont pas de projets du tout. … de celleux qui construisent de l’expérimentation sociale et collective. D’ailleurs on aime le mot collectif et on se demande bien pourquoi il est désormais quasiment systématiquement remplacé par le mot commun dans tous les textes et appels à chantiers. On se demande aussi pourquoi les usages ont remplacés le mouvement ? La gestion foncière aurait-elle remplacé la lutte ? … de celleux qui portent la conflictualité comme une force de lutte. Parce que ne pas être d’accord et s’engueuler c’est pour nous beaucoup plus intéressant que de produire un discours commun et unitaire qui écrase les voix discordantes au passage. … de celleux qui ont fait des compromis jusqu’à maintenant : celleux qui n’ont pas attaqué les flics malgré leur présence sur la D281 depuis des mois, celleux qui ont démonté leurs cabanes sous la pression du mouvement, celleux qui ne voulaient pas des négociations avec la préfecture mais qui y sont allées quand même ; … de celleux qui se sont fait écraser au nom de l’unité et de la composition à coup de stratégies d’intimidations, de mépris, de menaces verbales et physiques, et même parfois de coups, de blessures et d’utilisation de l’institution psychiatrique. On est solidaires avec tou.te.s celleux qui sont parti.e.s à cause de ça. On est solidaires de celleux qui luttent contre les normes de vie imposées par un système hétéropatriarcal, raciste validiste et capitaliste, de celleux qui luttent contre la police et contre l’État fRançais. Et on se permet de croire que ce sont aussi les raisons pour lesquelles des messages de solidarité arrivent du monde entier, de Palestine, du Chiapas, de Turquie, des États-Unis, … Nous en tous cas c’est pour ça qu’on est là. Pas pour gagner une tranquillité et une normalisation de nos vies sur des terres gratis. Nous avons vu de grandes différences de stratégies et de visions politiques dans cette assemblée des usages. Et nous ne voulons pas que certaines soient écrasées au nom de l’unité. Les ruptures ne sont pas forcément définitives et peuvent constituer une force. La composition comme certain.e.s disent, ce n’est pas forcément une unité qui aboutit au réformisme. La composition, ça peut très bien être que l’assemblée des usages exigent le départ des forces de l’ordre et la fin de l’occupation militaire, même si tou.te.s ne sont pas d’accord et que certain.e.s auraient préféré rencontrer la préfète. Pourquoi ne pas assumer une coexistence conflictuelle ? Des ami.e.s d’ici, des ami.e.s d’ailleurs.

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