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samedi 8 décembre 2012
Le 3 décembre, un millier de personnes en lutte contre le TAV s’est rassemblé à Lyon, en marge du sommet franco-italien destiné à finaliser le financement du projet.
12h : les stands se mettent en place : thé, café, soupe, tables de presse... Les No TAV arrivent progressivement. Apparaissent dans les arbres des banderoles : « TAVoulu la guerre, ZAD’apprendra », « TAVu, on est là ! », « Si vous prenez la ZAD on executre les oTAV »... En face, il y a les grands classiques du maintien de l’ordre pour les contre-sommets. Il y a la zone rouge, les habituelles grilles anti-émeutes, le canon à eau, les hélicoptères, des policiers et des gendarmes aussi loin que les regards peuvent aller le long des 6 avenues donnant accès à la place. Pour l’occasion, l’espace Schengen est suspendu. L’opération médiatique qui précède et annonce le dispositif policier agite l’épouvantail de « l’ultra-gauche », des « violents ». Les bus des No TAV italiens sont arrêtés plus de cinq heures à la frontière. Il y a aussi la répression préventive : filatures, surveillances des lieux et maisons collectives, fouilles et arrestations en masse le matin du rassemblement. Tout est sous contrôle, chef ! Il y aurait de quoi rire et trouver ridicule une telle mascarade s’il ne s’agissait pas en fait d’un parfait exemple du maintien de l’ordre. Alors, la soupe et le café ont bien du mal à réchauffer l’ambiance du rassemblement où les quelques 500 français attendent impatiemment l’arrivée des 11 cars d’opposants italiens sous une pluie fine et continue, face à un dispositif qui se referme peu à peu. 15h : les bus arrivent enfin. Des feux d’artifices sont tirés depuis la place et aussi de l’autre coté des lignes de flics . La place est bouclée afin d’empêcher tout départ en manifestation. Il n’y aura désormais plus moyen de sortir de là autrement que par 2, la tête basse, malgré les tentatives de sorties collectives et les vaines négociations avec les forces de l’ordre. En solidarité les No TAV italiens refusent de partir sans que les No TAV français ne sortent aussi. Le temps passe. Les flics poussent pour contraindre les bus à partir. Gestion sans heurts ou presque. Les coups sont discrètement diffusés avec parcimonie. Ce jour-là, le maintien de l’ordre a des gants de velours. 20H : Les cars italiens sont escortés un à un, avec des flics à l’intérieur jusqu’au péage le plus proche : périph et autoroute vidés et bloqués pour l’occasion. L’illusion selon laquelle la vie serait plus douce sous la gauche et que la gestion policière des conflits serait l’apanage d’une droite décomplexée tombe considérablement à l’eau. Ce rassemblement organisé par les mouvements No TAV français et italien, avec un repas chaud et des prises de parole, semblait porter un habit bien trop grand face au dispositif policier.
Pour autant, l’ampleur de ce dispositif répond à une menace bien réelle que font planer la lutte en Val Susa et celle de Notre Dame des Landes. Cette menace, c’est la constitution de territoires (ZAD, Libre République de la Maddalena), qui sont autant de réalités rejoignables où s’élabore pratiquement dans la lutte une vie hors-contrôle. Le tracé du TAV a eu la malchance d’avoir à traverser le Val Susa dans lequel il s’embourbe depuis plus de 20 ans. Le « Grand Ouest », si cher à Jean-Marc Ayrault, entendait se déployer sereinement jusqu’à St Nazaire. Mais, là aussi, les aménageurs doivent désormais ressortir leur Sun Tzu et les opposants promettent déjà que Notre Dame des Landes sera leur Vietnam. La douceur apparente du développement métropolitain, caractérisée ici par la fluidité d’un déplacement en TGV ou encore le cocooning d’un aéroport, est sérieusement mise à mal quand il s’agit, pour le réaliser, de militariser une zone. A Lyon ce jour-là, à la ZAD ou autour du chantier de la baïta en Val Susa, c’est la même militarisation, ce sont les mêmes grilles avec lesquelles ils tentent de venir à bout de toute opposition déterminée.
La lutte contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes a longtemps pris la forme d’une guerre sourde, avant de devenir, depuis les expulsions, ce territoire au caractère sécessionniste. La zone d’aménagement est désormais un espace où les flux de la métropole ne circulent plus. Une zone qui s’autonomise avec ses propres réseaux de communications, ses complicités inédites où l’argent n’a plus d’importance. Départementales bloquées par des barricades, mise en commun de terres agricoles, cantines collectives, radio pirate : ce sont mille réalités en puissance qui se dessinent. Les cartes sont brouillées. La géographie est devenue une affaire partisane. Ce qui semblerait être des alliances de circonstance face à un projet d’aéroport sont désormais des liens irréversibles.
Se battre contre le TAV, ce n’est pas combattre uniquement la construction d’une ligne TGV. C’est opposer une réalité à une autre. En cela, l’opposition au TAV en France comme celle a OL Land à Lyon doit nécessairement tirer sa force de ce qui se joue maintenant à la ZAD. Ces luttes ne peuvent que se répondre et se nourrir réciproquement comme des fronts ouverts dans une même guerre. C’est d’ailleurs ce qu’ils craignent au plus haut point. C’est pourquoi, il faut se rendre à la Zad mais aussi, depuis là où nous sommes, répandre la conflictualité au coeur même des métropoles. Parce que la commune de la Zad appelle à se multiplier partout, NoTAV 69 est aussi le nom d’un des multiples fronts de notre époque. Toute victoire sera une victoire commune.
Lyon le 8 decembre 2012 Comité NoTAV 69