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Prise de parole des opposant-e-s à l’aéroport lors de la tractovélo

dimanche 10 janvier 2016

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Merci d’avoir répondu à notre appel à cette journée de mobilisation ! Si nous nous retrouvons ici, nombreux-ses et profondément déterminé-es, ce samedi 9 janvier 2016, c’est parce qu’ une audience en référé-expulsion au Tribunal de Grande Instance de Nantes a eu lieu à Nantes le 10 décembre, et que la procédure se poursuit. L’assignation concerne 4 exploitations agricoles et 11 familles : paysans, habitants locataires ou propriétaires historiques. Nous allons vous parler d’eux et de leur lutte, qui est aussi la nôtre.

Mais comment ne pas évoquer d’abord le contexte de cette procédure, contexte marqué par la tenue de la COP et l’état d’urgence.

La COP21 a vécu ses derniers jours, et avec eux les beaux discours du gouvernement. La France serait exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’ « accord de Paris » serait un succès magnifique de notre diplomatie, alors que cet accord est notoirement insuffisant sur la réduction des émissions de CO2. Il est non contraignant, y compris sur le financement des mesures d’accompagnement du changement climatique pour les populations les plus menacées : les insulaires, les habitants des estuaires...

Hollande et Fabius seraient des sauveurs planétaires...

Alors que ce gouvernement, docile élève de l’Europe ultra-libérale, n’a de cesse de promouvoir le développement d’une agriculture soi-disant « durable » !

Alors qu’il soutient une agro-industrie excessivement polluante, qui détruit autant les sols qu’elle condamne les petites fermes !

Alors qu’il a une politique de subventions et de soutien aux grosses exploitations au détriment de l’agriculture paysanne !

Alors qu’il laisse se multiplier jusqu’à l’absurde les projets touristico-commerciaux qui dévorent ou artificialisent les terres agricoles !

Alors que la faiblesse toute relative des émissions de carbone de la France ne tient qu’au développement de ses réacteurs atomiques. Non contente d’en prolonger la durée de vie, elle cherche d’ailleurs à en exporter toujours davantage, laissant aux générations futures le fardeau des déchets et et l’impossible tâche du démantèlement des centrales !

Et nous pourrions développer bien d’autres exemples de l’hypocrisie de ce pouvoir !

Hollande avait pendant cette COP une excellente raison d’annoncer l’abandon définitif du projet, ou à tout le moins de réaffirmer son engagement, arraché par notre lutte, à attendre le rendu de la totalité des recours avant tout début de travaux et toute expulsion. Non seulement il n’en a pas saisi l’occasion, mais le gouvernement a laissé de fait AGO/Vinci lancer une procédure en urgence, un référé-expulsion.

L’État d’urgence proclamé à la suite des attentats de novembre a permis d’interdire de manifester. Une répression sans précédent s’est abattue sur les militants bravant cet état d’urgence.

Il s’agit d’instaurer la peur, de verrouiller le débat public et de casser les solidarités !

Aujourd’hui, nous bravons collectivement l’état d’urgence, l’urgence qui est la notre est celle de la défense des terres agricoles et de ceux qui les font vivre.

Revenons maintenant à Nantes, et aux personnes concernées par la procédure en cause.

AGO/Vinci qui a obtenu en 2010 la concession de la construction et de la gestion du futur éventuel aéroport, agit pour le compte de l’État via le ministère de l’écologie ; il est inimaginable qu’il ait pu lancer cette procédure sans un feu vert au plus haut niveau.

Ses prétentions sont exorbitantes :

l’expulsion immédiate, sans qu’il soit tenu compte de la trêve hivernale, sous peine d’astreinte de 200€‚ par jour et par dossier (5 pour certains) et si besoin avec le concours de la force publique. saisie et mise sous séquestre des biens, outils de travail et cheptel.

Ces demandes révoltantes sont sans précédent... On peut comparer avec le cas de M. Ramery. Ce magnat du BTP est devenu agro-industriel avec la ferme-usine des mille vaches. Il dépasse de 380 bêtes son autorisation, il ne paye pas son astreinte journalière, et il n’a jamais été question de lui enlever ses vaches !

Toutes les personnes assignées sont concernées par l’accord politique de sortie de la « grève de la faim » de mai 2012, passé avec M. Hollande le 8 mai. Cet accord protégeait contre l’expulsion les habitant-e-s vivant sur la zone avant la déclaration d’utilité publique, c’est pourquoi elles sont parfois désignées comme « historiques ». Cet accord a été confirmé en 2014 par M. Ayrault et Valls. et élargi aux recours environnementaux (loi sur l’eau, espèces protégées) ; ces recours ne sont pas épuisés, ils ont été jugés seulement en première instance, alors qu’un acte juridique en comporte éventuellement trois : première instance, appel, cassation ou Conseil d’Etat.

Ces personnes, nos ami-e-s, nos frères et sœurs, ont affronté les tracasseries policières, administratives et judiciaires liées à l’expropriation ou l’expulsion. Alphonse continue à déclarer « je suis né ici, je reste ici ! ». Hervé s’est installé sur les terres de son père dès 1978, malgré l’annonce du projet. Joël a toujours refusé toute rencontre avec AGO et la chambre d’agriculture, il a décidé de rester jusqu’au bout avec sa famille. Marcel a été l’un des grévistes de la faim, Sylvie, paysanne au Liminbout depuis 1998, a fait un énorme travail de communication avec son blog « Paroles de campagnes »... Sylvain a été accusé d’agression envers les forces de l’ordre avec arme (son tracteur) pour avoir essayé de protéger des manifestants en s’interposant avec sa remorque. Il a finalement été blanchi de cette accusation. A l’automne 2012, au plus fort de l’Opération César, l’accueil par Sylvain et Brigitte à la Vache Rit des occupants des maisons détruites a permis la tenue pendant des semaines d’un QG pour la résistance. Ce quartier général a tout à la fois exprimé et soudé la solidarité dans le mouvement entre les anciens et les nouveaux arrivés. Les habitant-e-s de la Saulce, La Rolandière, Saint-Antoine, Les Fosses Noires, le Liminbout ont ouvert leurs maisons aux personnes en lutte, à l’automne 2012 mais bien avant aussi... Il faudrait les citer tous, toutes... Tous, toutes incarnent la résistance, tous, toutes portent la lutte ...

Malgré les engagements de mai 2012, une tentative ultra-violente d’expulsion hors de la zone de ces habitant-e-s les plus récent-e-s a eu lieu en octobre 2012. Nous en avons tous, toutes en mémoire le souvenir ou les images. La résistance déterminée des habitant-e-s et opposant-e-s, soutenu-e-s par un immense élan de solidarité des populations proches et la création de 200 comités de soutien dans toute la France et au-delà, a mis en échec la stratégie policière de l’État pour vider la zone. La zad de Notre Dame est plus active que jamais, il s’y invente d’autres formes de vivre ensemble, d’autres manières d’habiter, de cultiver... Des expériences prometteuses dans les domaines les plus variés ont vu le jour, et se poursuivent patiemment.

Malgré les propos de M. Valls, aucune date n’est actuellement fixée pour le début des travaux, il n’y a donc aucune espèce d’urgence. C’est si vrai que, dans le même temps, Vinci signe des baux précaires pour que des parcelles de la ZAD soient mises en culture la saison à venir.

Face à l’échec de la stratégie policière, relativement grossière, de 2012, une stratégie sournoise, apparemment plus discrète mais tout aussi violente, est maintenant lancée : celle qui consiste à frapper au cœur et au porte-feuille des paysan-nes et habitant-e-s, par les menaces sur les troupeaux, les maisons, ainsi que par les astreintes financières.

Le gouvernement prétend ainsi vider une partie de la zone à moindre frais et appauvrir la diversité sociale qui en fait la richesse et la force. Mais c’est sans compter sur la capacité du mouvement anti-aéroport à faire face. Aujourd’hui, nous sommes toutes et tous des paysan-nes en lutte et des habitant-e-s qui résistent !

Notre résistance est fertile car elle puise sa créativité dans nos différences. Nous devenons l’écho d’un peuple bigarré qui s’unit face à l’absurdité de ce monde... Nous nous préparons à faire face à toute éventualité !

Notre réactivité est un atout majeur. Bien qu’annoncée 3 jours avant seulement, nous étions nombreu-ses à l’audience devant le tribunal, le 10 décembre. Nous avons alors prévu une mobilisation le 16 janvier sur le périphérique nantais, AGO a obtenu une nouvelle audience le 13 janvier... Nous voilà présent-es le 9 !

Notre détermination est sans faille. On leur a pourtant déjà dit, on lâche rien !

Ce référé menace, non seulement les personnes assignées,

mais aussi tous les occupant-e-s de la zone,

mais aussi tous les opposant-es aux grands projets inutiles et imposés !

Ce référé cible des lieux de vie, de solidarité, d’organisation, d’invention d’autres mondes possibles de personnes qui refusent le monde du béton, du profit et de la terreur.

Et en cela le référé-expulsion nous menace tous !!!

Notre perspective est l’abandon du projet d’aéroport, et sans aucun délai l’abandon de la procédure à l’encontre des habitants historiques du site. AGO doit se désister de ses demandes d’expulsion !

À l’appel des composantes de la lutte contre l’aéroport :

des membres de la Coordination (ACIPA, ADECA, Agissons Pour l’Avenir, ATTAC, CANVA, CéDpa, CELA,

Confédération Paysanne 44, décroissanceS-MOC, GAB44, PG44, NPA, UD44 Solidaires, EELV, ENSEMBLE !,

Nature-Avenir, Natur-Action, OBSLAB, Vertou Écologie Solidarité, Sèvre Propre 2015, Solidarités Écologie), le

COPAIn, Naturalistes en lutte, des habitant-e-s de la ZAD, des comités de soutien...