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“Nous ne partirons pas” ?

jeudi 18 octobre 2012

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Un texte diffusé dimanche 14 octobre, deux jours avant le début des expulsions :

“Nous ne partirons pas” ?

“Je ne veux pas partir” ne signifie pas “Je ne partirai pas”. En fait, il se peut même que je m’enfuie en courant, quand il viendront me chercher, voire un peu avant. La fuite n’a pas grand chose à voir avec le fait d’être lâche ou courageux, c’est de l’auto-défense élémentaire. Il n’y a ni honte ni fierté à mettre là-dedans mais un rapport strategique et politique à évaluer. Je ne lutte pour produire ni des martyrs, ni des individus brisés parce qu’illes auront pris de face la lame de fond de la répression, je refuse de participer à une culture de lutte de guerriers virils qui n’ont peur de rien, où l’aveu de faiblesse est tabou. Je veux une lutte de tapettes qui peuvent assumer de ne pas se sentir forts. Répéter des formules incantatoires selon lesquelles rien ne nous fera plier et que nous ne partirons pas, font autant pour me donner de la force qu’un placebo agit réellement pour me soigner. Ca marche peut-être pour celleux qui veulent bien y croire. Pour les autres, le plus probable est qu’elles ne fassent que les culpabiliser. Il ne s’agit pas tant d’affirmer haut et fort que nous ne partirons pas, que nous ne plierons pas mais bien plus de s’interroger sur les conditions qui permettent de tenir, de ne pas en ressortir écrasé. Pour certain-e-s d’entre nous, plier un peu, c’est peut-être la condition pour ne pas se briser.

Je refuse le déni de notre impuissance chronique aussi bien que la résignation qui prête a nos ennemis une toute puissance et omnipotence qui interdirait toute velléité de subversion. Je trouve plus de force dans une tentative de lucidité qui ne nous promets pas que l’on “va gagner parce que c’est la seule solution”, qui ne nous berçe pas d’illusions en nous racontant que “seuls quelques nuages noirs suffisent a obscurcir le ciel”... Il y a sur notre époque, plus que quelques nuages noirs, je pense. Cela ne m’ôte pas l’envie d’être un parasite au meilleur des mondes, comme une tâche d’huile sur leur océan aseptisé et sous contrôle... Et cette tâche là, il faudra plus qu’une shampouineuse nouvelle génération pour la décoller, parce qu’elle ne se sera pas bâtie sur une fragile illusion, celle qui nous promet que la victoire est à portée de main.

Ah ! Si toutes les tâches du monde voulaient bien se donner la main ! Et en se donnant la main s’échanger discretement leurs plans d’evasions puis (dans un même mouvement) de destruction de ce monde. “Fuir mais en fuyant chercher une arme”comme dirait l’autre.

Je ne defends pas un territoire. Le capitalisme, le sexisme et autres ont cours ici aussi. Je veux aider à porter des dynamiques qui visent a briser l’isolement, qui vise à faire exister des solidarités pour reprendre du pouvoir sur nos vies, je veux défendre le refus de se laisser aménager de ce territoire et de ces habitant.e.s, pas une hypothetique entité encore intacte et exempte de rapports d’exploitation et de dominationS. Ici, ce n’est pas un ilôt à l’extérieur du monde. La misère banale qui l’incruste est bien accrochée, ici, comme ailleurs. Dans cette perspective, “on ne se lâchera pas”, on a des choses à faire ensemble, encore après des ex.pulsions, même si nous sommes virés manu militari me paraît moins exclusif des multiples stratégies de résistances qu’on peut envisager.

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