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Un pique-nique pacifiste dans la tourmente - Témoignage

jeudi 12 avril 2018

Un pique-nique pacifiste dans la tourmente - Témoignage Mercredi 11 avril 2018 - Mon témoignage

Mardi 10 avril, alors que les expulsions continuaient sur la zad de Nddl, un appel a été lancé pour venir au "Camp des cheveux blancs", situé en face des Fosses noires, pour montrer notre soutien et apporter du ravitaillement et de quoi soigner les blessés.

La veille au soir j’étais partagée entre y aller ou pas car je crains les affrontements, je sais que cela peut être violent et sans discernement mais l’envie d’aller voir sur place comment cela se passait et surtout montrer mon soutien aux habitant-e-s de la zad, a été la plus forte.

Nous sommes parties à trois de Guérande dans la voiture de G. En arrivant sur la D42 (sortie de la 4 voies par le Temple), nous avons été arrêtées pour un premier contrôle, les gendarmes nous ont demandé où on allait, "on va pique-niquer" ai-je répondu. On nous a fait ouvrir le coffre et nos sacs, le tout sans insister et d’une façon plutôt débonnaire l’un d’eux nous a dit "bon pique-nique !" (après coup on s’est dit qu’il devait savoir quel genre de traquenard ils préparaient). Sur cette route qui mène aux Ardillères, nous étions surprises de ne voir aucun autres gendarmes, aucun blocage... ils étaient postés au carrefour des Ardillères où on a garé la voiture sur la route de Notre Dame des landes en se préparant à rejoindre à pied le lieu du pique-nique. Mais les gardes mobiles ne laissaient personne passer, on a donc repris la voiture pour finalement se garer sur la petite route qui mène à la ferme de Bellevue.

On a franchi quelques barricades avant d’arriver au chemin de Suez, boueux mais praticable avec des bottes et nous avons rejoint le lieu du pique-nique. Beaucoup de personnes de tous âges partageaient impressions, ressentis, dernières nouvelles et sandwichs... En milieu d’après-midi la batucada de la zad est venue animer en musique ce pique-nique pacifiste et nous a guidé-e-s devant la maison des Vraies rouges, menacées elle aussi par les expulsions, alors qu’il y a des cultures en cours, des serres autour de la belle maison en bois. Des photos ont été prises du toit de la maison pour montrer que nous étions nombreux.

Quand nous sommes reparti-e-s, les gardes mobiles, postés non loin de là, au bout du chemin des Fosses noires, ont commencé des tirs de grenades (F4- lacrymo-assourdissantes), ils se rapprochaient petit à petit et dans cette ambiance guerrière nous avons commencé à reculer alors que des jeunes se préparaient à l’affrontement derrière les barricades "Quand ils sont passés près de nous, témoigne une personne venue en soutien, il y a eu un grand silence de respect pour ces jeunes qui risquent des blessures graves, qui risquent leur vie."

Le côté positif de cette journée fut la mobilisation importante (un millier de personnes), depuis le début de la semaine le soutien se renforce.

C’est dans cette atmosphère de brouillard gazeux et de tirs assourdissant qu’on a décidé de repartir car c’était très impressionnant et on pressentait que la violence policière allait en s’aggravant. Nous avons donc repris le chemin des Fosses Noires depuis le camp des Cheveux blancs où avait eu lieu le pique-nique mais alors qu’on avançait sur ce chemin on apprend que d’autres gardes mobiles le bloquaient à l’autre bout, autrement dit nous étions tous et toutes pris-e-s en étau ! L’équipe médic, dont la caravane était placée au Gourbi, passe soudain en courant, avec un brancard sous le bras "Qui peut nous aider à évacuer un blessé, il y a urgence !". Quelques minute à peine après une autre équipe passe avec un blessé dont la jambe avait été touchée par un flashball, la blessure avait l’air profonde et il souffrait beaucoup."

Devant l’impossibilité de sortir du guêpier, craignant de se retrouver nassées au milieu des lancers de grenades, nous avons pris la décision de couper à travers champs. On a eu la chance de tomber sur des copains naturalistes qui connaissent bien le terrain, les sentiers, les passages possibles... nous les avons suivis, c’était épique : on a failli plus d’une fois laisser une botte dans le terrain boueux, on a passé des barbelés...jusqu’à une ferme située sur la D81, on voyait les gardes mobiles à une centaine de mètres, toujours postés au carrefour de la Saulce.

Le retour par la Forêt de Rohanne a été apaisant, malgré le bruit incessant des deux hélicoptères au-dessus de nos têtes, cherchant à voir par où les personnes s’échappaient, on se sentait protégé-e-s sous les frondaisons, toujours guidé-e-s par les naturalistes en lutte grâce auxquels on ne s’est pas égarées.

On a fait une pause à la Ferme de Bellevue où on a appris que les affrontements continuaient sur le chemin des Fosses noires qu’on venait de quitter, qu’il y avait beaucoup de blessés, qu’ils avaient empêché une ambulance d’évacuer un blessé durant 30 mn, envahi le terrain des Vraies rouges, coupé l’électricité dans ce secteur...

Nous avons rejoint le lieu où était garée la voiture, soulagé-e-s mais en pensant à tous celles et ceux qui restaient sur place défendre les lieux de vie et à ceux venus les soutenir qui devaient se retrouver en ce moment au coeur des affrontements, dans l’impossibilité de partir.

Qu’ont voulu démontrer ce jour-là les forces gouvernementales alors qu’ils savaient que de nombreuses personnes viendraient à ce pique-nique pacifiste pour montrer leur soutien ? Faire peur pour empêcher de revenir ? Ce n’est pas de cette manière violente qu’ils arriveront à casser le mouvement, quand nous sommes reparti-e-s nous avons croisé des jeunes qui arrivaient sur place, sacs à dos, duvets.... et on sait que sur toute la France et au-delà, d’autres sont en route pour rejoindre le mouvement.

"On avait promis qu’on reviendrait chercher notre bâton s’ils attaquaient la zad, l’aéroport ne se fera pas mais au-delà de cette victoire, nous voulons continuer à défendre ces jeunes et leurs lieux de vie, ils se sont battus contre l’aéroport et expérimentent une autre façon de vivre, au plus proche de la nature, on ne les laissera pas tomber."


Pour voir ce témoignage accompagné de photos c’est ici